Entretien avec l’auteure Octavie Delvaux

Octavie renvoie une image à la fois classe et glamour, et par ailleurs un peu intello bourgeois-bohème… 🙂 Il est clair que la voir et l’entendre donne envie de la lire. Vous posez-vous mille questions sur cette auteure ? Ou bien ne la connaissez-vous pas encore mais êtes intrigué ? Pénétrons dans son antre…

Vous aimez écrire et décrire du sexe plutôt joyeux et ludique. Le sexe doit-il être pris avant tout comme un jeu ?

Un jeu entre adultes, oui, mais qui ne doit pas exclure le désir ni effacer la solennité de certains moments. Tous les rapports sexuels ne se ressemblent pas, certains sont plus ludiques que d’autres. Il me semble aussi que les sentiments peuvent apporter une dimension spirituelle supplémentaire qui éloigne l’acte du jeu pur et simple et le rend plus « grave ».

Votre style a une apparence assez spontanée : le narrateur s’exprime de façon lâchée, presque parlée, technique utilisée par des auteurs aussi différents que Céline ou Esparbec. Pourquoi être attachée à ce style en particulier ?

Pas vraiment, et d’ailleurs ce n’est pas toujours le cas. J’ai un style protéiforme. Mon éditeur lui-même trouve assez remarquable que parmi mes textes, aucun ne ressemble à l’autre. Si je choisis un point de vue de narration interne, le narrateur, qui s’exprime à la première personne « est » un personnage du récit. Par conséquent, je m’efforce d’adopter le style correspondant à l’âge, au milieu social, et à l’époque de ce dernier. Si c’est un jeune mec de 20 ans, mon style pourra paraître relâché. J’agis ainsi par souci de réalisme. Mais si j’opte pour le narrateur omniscient, je laisse davantage mon style naturel s’exprimer. Or ce dernier aurait tendance à être assez soutenu. Pour tout dire, je lutte en permanence contre ma fâcheuse tendance à adopter un style trop ampoulé (cet adjectif est ma bête noire).

Vos histoires sont très ancrées dans le quotidien : les éléments y ont un côté singulier, et pourtant forts réalistes. Est-ce pour vous un principe d’implanter vos personnages dans ce monde réel et à notre époque actuelle ?

Implanter mes personnages dans le monde réel : oui, c’est une intention de ma part. Même quand je me laisse aller à écrire des textes de science-fiction ou d’anticipation (ça m’est arrivé quelques fois, dans le cadre de nouvelles), j’aime introduire des éléments qui pourrait faire partie du quotidien du lecteur, des choses qui le ramènent à une certaine réalité. J’ai l’impression que par ce biais, le lecteur aura plus de facilité à s’identifier à mes personnages. Et, en matière d’érotisme, l’identification facilite nettement l’excitation.

En revanche, je ne tiens pas forcément à ancrer mes histoires dans l’époque actuelle. Il est vrai que c’est le cas de mes deux romans : Sex in the kitchen et Sex and the TV, en revanche, dans mon travail de nouvelliste, j’aime beaucoup visiter d’autres époques : le dix-septième siècle de Louis XIV, le dix-huitième, le far-west des cow-boys, la seconde guerre mondiale. D’ailleurs je suis en train de préparer un roman historique (à forte connotation érotique) qui se déroulera à la cour d’Henri III.

Comment jugez-vous l’époque actuelle ? Sommes-nous dans une ère de sexe plutôt facile et joyeux, ou bien dans une période de pauvreté sensuelle et sexuelle ?

J’ai l’impression que nous vivons dans une époque un peu schizophrène au niveau du sexe. D’un côté la représentation du sexe (à tout le moins d’une certaine sexualité) via la pornographie, n’a jamais été aussi accessible et consommée. De l’autre, la « vraie » sexualité des gens me semble beaucoup moins simple. Une amie sexologue m’exprimait récemment combien je serais étonnée d’entendre les jeunes femmes ou hommes dans son cabinet. Outre la méconnaissance de leur corps et des mécanismes de la jouissance, ils semblent encore très emprunts d’idées reçues, de tabous ancestraux, d’hésitations… Bref, c’est pas encore la fête du slip chez tout le monde.

À quoi pourrait ressembler un monde qui serait sexuellement plus ouvert, tolérant et partageur ?

Déjà ce serait un monde où la sexualité féminine serait mise au même niveau que la sexualité masculine. En somme un monde beaucoup moins phallocentrique.

Ce serait aussi un monde qui n’imposerait pas un schéma de sexualité comme « le bon » (le missionnaire et/ou la levrette au sein d’un couple hétéro), mais qui tolérerait joyeusement des orientations sexuelles et des fantasmes moins consensuels.

Youtube, réseaux sociaux, médias, Internet… à l’heure de la sur-communication et de la sur-consommation, que devient « l’écrivain-poète-introverti » qui ne sait pas bien promouvoir son image ? Doit-on avoir un « plan » pour devenir auteur et le rester ?

Celui qui ne sait pas promouvoir son image a plutôt intérêt à avoir le talent d’un Proust et un éditeur très investi dans la promotion de ses ouvrages autrement, je ne donne pas cher de sa peau.

Oui, je pense qu’il faut avoir un plan de communication et savoir promouvoir son image et son œuvre via Internet pour devenir auteur et se faire connaître.

Pour approfondir sur les médias actuels tels qu’Internet et les réseaux sociaux… A l’heure des « trolls », « haters » et du retour d’une certaine intolérance, est-il simple d’être une femme auteur d’écrits érotiques ?

Ma foi, oui. Jusqu’à présent, je n’ai jamais été trop importunée sur Internet ou les réseaux sociaux. Du moins pas plus qu’une femme au profil plus « classique ». Pour tout dire, je pense ne pas être la cible idéale pour les mauvais dragueurs, les harceleurs, les trolls, ou haters. Souvent, ces gens-là s’attaquent à des cibles faciles, or j’ai remarqué que les femmes qui assument publiquement une sexualité libre effraient beaucoup les hommes, du moins les manipulateurs, ceux qui ont de mauvaises intentions… Ils préféreront se rabattre sur des femmes plus faibles en apparence, moins sûres d’elles.

Est-ce dur de communiquer avec les médias tout en restant authentique ? Estimez-vous que l’on renvoie de vous une image fidèle à celle que vous êtes ?

Non, c’est assez simple pour moi car je ne sais pas trop mentir ou travestir la vérité. C’est peut-être même cela mon problème. Pour « briller » davantage aux yeux des médias, j’aurais peut-être intérêt à en faire trop, à raconter des anecdotes énormes et bidons, à fabriquer des buzz de toute pièce, mais je ne suis pas à l’aise avec ça.

Votre entourage et votre famille font-ils partie de vos lecteurs ? Qu’en pensent-ils ?

C’est assez partagé en fonction de mon degré de filiation et d’intimité avec les personnes. Mes meilleures amies sont mes lectrices, pas mes voisins, mêmes s’ils sont très sympas. Dans ma famille, j’ai quelques fans (dont ma grand-mère de 96 ans) mais d’autres membres, tout en connaissant mon activité, ne préfèrent pas me lire, ce que je peux comprendre.

Parvenez-vous à être en contact avec vos lectrices et lecteurs, si oui quels sont vos « rapports » avec eux ?

Oui, je parviens à être en contact avec mes lecteurs. Souvent c’est via Internet et les réseaux sociaux. Parfois je les rencontre en personne, lors de dédicaces. J’ai de très bons rapports avec eux. Je sais qu’un auteur n’est rien sans ses lecteurs, alors je pourrais passer ma vie à les remercier de me lire et de me faire confiance tant je reste ébahie par ce miracle. Donc voilà, je les adore, et si en retour ils veulent bien m’aimer un peu, je prends !

Par ailleurs j’ai remarqué quelque chose en dédicace : parfois, mes lecteurs me font des confidences, qui peuvent être très intimes (ce peut être sexuel, mais pas toujours). Je me demande si cela est dû à mon statut d’auteur « érotique » ou si c’est lié au lien auteur/lecteur, qui est en fait très intime puisque le lecteur pénètre un peu l’âme de l’auteur en le lisant… Peut-être y a-t-il un peu des deux… Il faudrait que j’interroge des auteurs de littérature plus généraliste pour savoir s’ils ont aussi le même ressenti.

Retrouvez ici tous les ouvrages d’Octavie Delvaux.

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