Entretien avec l’auteure Marie Laurent

5ème partie de notre série d’entretiens avec des auteurs portés sur l’écriture érotique. Cette semaine, découvrons ensemble l’univers de Jacqueline Dumas, du nom de plume Marie Laurent.

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THÉO KOSMA – Vos œuvres traitent de sujets très différents… Bien qu’il soit courant de signer d’un nom d’auteur différent pour chaque style exploité, vous n’avez qu’un seul nom de plume. Pourquoi ? Est-ce difficile à gérer ?

MARIE LAURENT – Oui, je sais, c’est courant de changer de nom en changeant de genre, mais dans mon cas, je n’ai pas jugé bon de le faire. La flemme ? Oui, peut-être, mais surtout le désir – inconscient ou non – de ne pas cloisonner. Je pratique le mélange des genres et malgré les apparences, l’univers reste le même d’un texte à l’autre. Bien que l’écart paraisse grand entre « Le maître de jet » (érotique au vocabulaire cru paru chez Dominique Leroy) et « Les deux visages de l’amour » (romance historique au niveau de langage plus relevé), on y retrouve des thèmes identiques : quête d’identité, préoccupations sociétales. Mes personnages se demandent toujours quelle est leur place dans la société.

Mais un seul nom pour des genres aussi différents peut produire un effet de brouillage chez les lecteurs. Certains ont avoué être déconcertés par mes écrits érotiques après avoir lu mes premières histoires plutôt soft. Il faut quand même souligner une progression dans le hot ces dernières années : l’effet Fifty. Je me souviens de la réaction limite choquée de la directrice de collection Amorosa à la lecture d’une scène explicite (qui semblerait aujourd’hui bien anodine) de ma romance Time travel « Ensorcelante Margarita. »

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THÉO KOSMA – Votre roman parodique « Deux nuances de brocoli » est-il une sorte d’hommage à « Fifty shades of Grey », ou plutôt une critique ? Qu’avez-vous pensé du livre ?

MARIE LAURENT – Hommage ou critique ? Au début, je ne me suis pas posé la question. Tout est parti d’une déconnade entre copines en messagerie instantanée Facebook, genre Tu paries que j’écris une parodie de Deux nuances ? Si ce jour-là mon homme n’avait pas ramené un brocoli pour le dîner, l’histoire se serait appelée « Deux nuances de chou-fleur » ou « Deux nuances de concombre. »

Quelqu’un a qualifié « Deux nuances de brocoli » de roman féministe. Oui, dans la mesure où l’héroïne finit par se prendre en main et à mettre fin à une relation toxique, mais ce n’était pas le but premier. Les personnages m’ont totalement échappé, d’où la dernière partie plus sombre.

Je n’ai pas lu « Fifty shades of Grey », seulement des passages. Le bouquin s’empoussière dans ma bibliothèque. L’ouvrirai-je un jour ? Pas sûr, ces scénarios de soumission-domination ne me branchent pas trop, sauf pour les tourner en ridicule. J’ai d’ailleurs récidivé dans « L’enfer sous les jupons », une novella érotique et historique.

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THÉO KOSMA – Comment voyez-vous la lecture de « Deux nuances de brocoli »… l’idée est-elle plutôt de faire sourire, ou bien de mettre les sens en éveil ?

MARIE LAURENT – Clairement, le but est de faire rire, pas d’émoustiller. Pour cela, il aurait fallu des scènes hot plus détaillées et traitées moins légèrement. Celle du cuni bio a dégoûté une chroniqueuse qui l’a prise au pied de la lettre. Selon elle, c’était dommage de galvauder mon style en écrivant des bêtises pareilles. Cette fille n’a pas le sens de l’humour, tant pis !

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THÉO KOSMA – Quels types d’écrits aimeriez-vous développer dans les prochains mois et prochaines années ?

MARIE LAURENT – Mon échec récent au concours de manuscrits historiques des Editions Charleston a mis un frein à pas mal de projets de ce type, dont l’écriture d’une suite, celle d’une romance érotique et historique gay (sérieuse !!! ) ayant pour héros l’un des personnages secondaires du roman. J’ai passé de longues semaines à me morfondre et à me demander si je n’allais pas laisser tomber l’écriture. À part peaufiner et ajouter des passages à des textes publiés sur Wattpad, je me sentais incapable de démarrer quelque chose de nouveau. Et puis, l’idée m’est venue d’un roman de plage satirique autour d’une certaine conception de l’édition. Depuis, j’ai retrouvé le goût, et un peu de contemporain ne fait pas de mal après tant de mois à recréer des époques révolues.

Concernant les prochaines années, on verra bien ; je n’ai pas de plan de carrière, pas de visées bien précises. Donner une suite au « Maître de jet » ? À « Deux nuances de brocoli » ? Ou terminer les romances historiques en cours ? Impossible de répondre, je me concentre pour le moment sur ma nouvelle histoire.

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THÉO KOSMA – Selon vous, la littérature érotique peut-elle embellir la libido, et aider à avoir de plus belles relations sexuelles ?

MARIE LAURENT – Oui, elle le peut, mais mes textes ne sont pas le meilleur incitatif, à mon avis ; de par leur caractère un brin ironique et caricatural. Sexe et humour sont-ils compatibles ? Vaste sujet de polémique.

THÉO KOSMA – La littérature érotique est-elle un « style » en soi, ou bien plutôt quelques éléments au cœur d’une histoire qui peut être classique ?

MARIE LAURENT – Il ne suffit pas de quelques éléments pour qualifier un écrit d’érotique. Les scènes à caractère sexuel doivent dominer, sans exclure pour autant une véritable intrigue. Par exemple, « Le maître de jet » (encore lui !) ne se réduit pas à un enchaînement de scènes de cul. Idem pour mon dernier érotique « Mets-moi en émoi », une romance gay inédite, postée par épisodes sur Wattpad.

Par contre, mon roman de plage ne pourra pas être classé dans ce genre, vu le nombre limité de scènes chaudes. J’hésite pour ma parodie d’After, « Butcher », où sexe et histoire s’équilibrent.

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THÉO KOSMA – Vous semblez particulièrement apprécier le mélange de genre, en mêlant l’écriture érotique à d’autres styles… L’érotisme peut-il se marier avec tout style littéraire, ou seulement certains ?

MARIE LAURENT – L’érotisme peut se marier à tous les styles : polar, historique, contemporain (Chick lit et New adult), Fantasy, Fantastique. À l’appui, je citerai le collectif « Fantastiques amours » (Artalys) où figure ma nouvelle « Éros et Thanatos. »

THÉO KOSMA – Comment votre plume appréhende-t-elle les descriptions sexuelles ? Est-il par exemple aisé ou compliqué de décrire une « mécanique » sans trop répéter les mêmes termes, ou sans lasser ?

MARIE LAURENT – Certaines descriptions viennent avec facilité (la partouze dans le Maître de jet) alors que d’autres me donnent du fil à retordre (le final de « Mets-moi en émoi.) J’essaie de ne pas tomber dans le piège de la « mécanique » et de miser sur les sens, le décor et la psychologie des héros. Également, varier les points de vue et le registre de langage.

THÉO KOSMA – Y a-t-il une part de vécu dans vos écrits, ou cela vient-il surtout de votre imaginaire ?

MARIE LAURENT – Les deux, je pense. Un auteur s’implique dans ses écrits de toute manière. Par le biais de l’imaginaire, il transcende ses propres expériences. Dans le cas de l’érotique, il se paie le luxe de réaliser certains fantasmes par personnage interposé.

Pour en savoir plus sur l’auteure, visitez sa page sur Babelio.

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