Départ estival

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Extrait de « En attendant d’être grande » « Partie 3 – Apprentissage pas sage ».
Chloé part en vacances avec sa meilleure copine Clarisse, emmenées par tata Marthe. Petites réflexions sur l’année écoulée…

Quitter maman m’avait fait pousser un grand « ouf » de soulagement. Ces derniers temps, elle était insupportable, une vraie gamine. Pour se remettre du départ de Carl, elle s’était mise à voir du monde, et avait pris un amant discret pour le soir, après que je sois couchée. Enfin, qui se croyait discret. Il arrivait à vingt-trois heures, classait le courrier avec elle, repartait trente minutes plus tard, réglé comme une horloge. Ma propre mère me faisait plus penser à une hyène en chaleur qu’à un être humain. Les documentaires animaliers j’aime bien à la téloche, pas dans la réalité. Entre elle et lui, le sexe en était réduit à un banal besoin à assouvir, à l’instar de celui de manger ou d’aller aux toilettes. Maman prête à se faire attraper par un homme dont les yeux ne croisaient presque jamais les siens, tant ils étaient rivés sur ses seins et son cul ! Oui, car malgré ses efforts, je l’avais vu passer quelques fois. Entendu également. Quant à la chambre, j’étais allée espionner. Tu vas me dire, je cherche un peu. Je n’avais pu voir grand-chose, surtout un spectacle d’ombres chinoises peu reluisant… c’était largement suffisant. Peu de grâce, beaucoup de froideur. Au fond je n’en voulais pas tant à maman d’avoir des amants, que de faire du cul comme une cruche. Mon dieu. Papa lui au moins, tout chiant qu’il était, ne me présentait pas une nouvelle belle-mère tous les matins. Encore que, était-ce par choix, rien n’est moins certain.

Toutes ces pensées m’assaillaient alors qu’il me fallait justement tout oublier ! Évacuer, songer au soleil, aux belles aventures qui nous attendaient ! Je devrais être relax, pourtant j’avais les nerfs en boule. Oui, les derniers événements de chez maman me perturbaient encore. Des éclairs de colère jaillissaient en moi, à tel point que j’en plantai mes ongles dans les délicates phalanges de Clarisse. Ce n’était pas contre elle, c’est à maman que j’aurais voulu faire ça, seulement je n’avais que ma copine sous la main. C’était idiot, je le savais. Clarisse s’éloigna. Dommage, sa main dans la mienne me faisait du bien. Elle ne m’en voulait pas, comme toujours. Décidément Clarisse était un ange, et moi une conne.

Une heure plus tard, la magie des vacances avait fait son effet. J’étais devenue toute calme. Apaisée. Et en même temps joyeuse et excitée. Je me penchai vers Clarisse et lui claquai une bise.

– Scuse moi Clarissou, petit pou petit chou, caillou chou genou. Pour le coup des ongles. Je suis super nerveuse. Enfin, j’étais. Maintenant ça va mieux.
– T’inquiètes Clo, ça m’a même pas fait mal. (Elle mentait). Tu sais où on va exactement ?
– J’en sais pas plus que toi.
– Menteuse.
– Pourquoi tu m’imagines toujours comme la privilégiée ? Marthe m’a rien dit à moi non plus.
– T’es la nièce ! Normal que tu sois la privilégiée.
– Tu sais très bien comment elle est. Pas son style. Elle nous aime autant l’une que l’autre.

Elle le savait. Clarisse aimait bien que je le lui rappelle de temps en temps, voilà tout. Marthe était égalitaire : lorsqu’elle s’occupait de nous deux, aucun traitement de faveur. Et si Estelle était là, on était traitées toutes les trois pareil. Du coup il faudrait partager Marthe avec Clarisse. Non seulement ma copine voulait sa part, mais en plus elle se comportait comme une nièce. Il lui arrivait même de l’appeler « tata », de plus en plus souvent. Intérieurement ça me faisait un peu râler, en même temps, si j’avais été la chouchou, ça m’aurait gênée.


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