Entretien avec l’auteure Françoise Colliot, suite et fin

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Troisième et dernière partie de notre entretien avec Françoise Colliot. Où l’on en apprend encore davantage, entre autres, sur ce qu’est un « trouple »…

Comme tu me l’as dit, il peut arriver qu’un homme (par exemple) se sente mal à l’aise en lisant une séquence de lesbianisme, ou bien troublé en tant qu’hétérosexuel entre lisant une scène de sexe entre deux hommes. Comment interprètes-tu cela ?

Je pense qu’avec la pratique régulière de l’écriture érotique, je me suis dégagée du côté purement sexuel de la narration. Je sais que ce qui trouble les lecteurs hétérosexuels des scènes entre Pablito et Alexandre, c’est plus le lien affectif, psychologique entre eux que l’acte sexuel en lui-même et qu’ils ne ressentent aucune « violence » dans l’excitation que cette relation leur procure.

De même, je décris très peu mes personnages. Je suis touchée que des lecteurs de 30 ans les imaginent en avoir 30, que d’autres de 50 les imaginent en avoir 50 et que des plus vieux, les voient plus âgés.

Ce qui me conforte dans l’idée que somme toute, ce qui compte n’est pas tant les personnages en eux-mêmes que les relations qu’ils nouent entre eux.

Ces éventuels « troubles » et « gênes », est-ce notamment ce que tu cherches à provoquer ?

Pas exactement. Ce que j’aimerais partager, c’est que tout est permis à tout le monde, dans le cadre bien entendu, de relations consenties entre adultes, qu’il n’est pas besoin d’être une bombe de 20 ans super bien gaulée ou d’être un homme super bien bâti avec une queue comme celle d’un cheval pour pouvoir offrir et recevoir du plaisir.

Qu’il peut arriver de vivre une relation sexuelle très épanouissante alors qu’on se croyait exclu(e) « du circuit » parce que trop vieux (vieille), trop gros (se), trop mou.

Dans plusieurs de mes textes, les personnages ont du mal à bander, pour autant, ils offrent et prennent du plaisir. J’ai reçu des messages de lecteurs qui me demandaient « mais c’est vrai ? une femme ne se sent pas humiliée si un homme ne bande pas pour elle ? » et en les lisant, en leur répondant, je me suis sentie utile.

Parce que le jeunisme est une plaie pour les femmes à qui on refuse l’idée de vieillir, avec un corps modifié, mais son corollaire l’est tout autant ! Bien sûr qu’à 40 ou 50 ans un homme bande moins facilement, moins dur qu’à 20 ans, pour autant plus il est à l’aise avec cette réalité, meilleur amant il devient.

Je voudrais aussi faire partager aux lecteurs cette notion, qui me semble aller d’elle-même, que l’érotisme n’est en rien une compétition, que la seule chose qui importe c’est le plaisir qu’on y prend. Adolescente, j’avais été séduite par une phrase dans la chanson de Jacques Brel « les jardins du casino » j’en ai fait ma ligne de conduite, ne jamais chercher une performance quelconque dans une étreinte.

« Passent aussi, indifférents, quelques jeunes gens faméliques, qui sont encore confondant l’érotisme et la gymnastique »

Sans dévoiler ton identité ni ta vie intime, peux-tu nous dire quelques mots de ta situation ? (Travail, mari, enfants.. ?)

Je ne travaille plus depuis quelques années. Je suis mariée, mère de trois enfants, qui ont entre 30 et 17 ans.

Quand j’ai commencé à écrire des textes érotiques, la question s’est posée de faire un blog spécifique. Mais je ne considère pas le sexe, le plaisir sexuel comme une entité à part. Je veux dire que le sexe est un plaisir, comme écouter de la musique, en faire, comme partager un bon repas avec des amis. Il n’est ni supérieur, ni inférieur, juste une autre forme de plaisir. Surtout, il n’est pas honteux, à cacher sous le tapis.

Pour autant, si ma mère avait écrit des textes érotiques, je ne pense pas que j’aurais aimé les lire, encore moins tomber dessus par hasard.

Alors, j’ai décidé de ne faire qu’un blog et de prévenir mes enfants que j’écrivais des textes érotiques, qu’ils étaient accessibles sur mon blog, mais pour éviter le désagrément de les lire sans l’avoir voulu, ils apparaîtraient dans la rubrique « textes érotiques »… ça ne leur pose pas plus de problème que ça !

Il t’arrive de rebondir sur l’actualité, comme ton texte, pourtant érotique, lié aux attentats. Peux-tu nous conter… l’histoire de cette histoire ?

Tout au début du récit des aventures du trouple, le matin du 13 novembre 2016, j’ai écrit un texte très joyeux sur « la journée de la gentillesse » et j’ai posté ce texte en début d’après-midi.

Dans mon esprit, l’appartement où ils se rencontrent s’est toujours situé à la limite du Marais et du 11ème arrondissement. Quand les attentats ont eu lieu, je me suis demandé comment mon trouple les aurait vécus.

J’ai écrit le texte « le jour d’après » et il se trouve que parmi mes lecteurs beaucoup y ont trouvé la preuve qu’il ne servait à rien de « porter le deuil » ou de « ne pas poster des images, des textes à caractère érotique ».

J’avais poussé un coup de gueule à cause de celles et de ceux qui parlaient de décence en leur rappelant que jusqu’à preuve du contraire, l’indécence se situait dans le camp des assassins, pas dans celui de ceux qui prennent du plaisir et qu’agir ainsi c’était juste leur donner raison.

Dans tes textes, je crois percevoir de la poésie, de l’humour et quelques touches de pornographie. Qu’essayes-tu d’y mettre avant tout ?

Beaucoup de moi-même, de mes convictions profondes, de mes doutes aussi et cet amour infini de la vie, qui est somme toute assez récent, de l’amour d’autrui. J’ai compris que la vie est bien trop courte pour perdre du temps à n’en voir que les côtés négatifs. Sans les nier, je préfère m’attacher aux jolies choses qui émaillent ma vie.

Il est de bon ton de traiter ceux qui partagent ma façon de voir de « Bisounours », qui devient par le fait, une insulte. Grand bien leur fasse !

J’emploie souvent cette image pour expliquer ma « philosophie » si un matin, en entrant dans la cuisine, je marche pieds nus dans une flaque d’eau due à une fuite de mon lave-vaisselle, et qu’en même temps, je vois un joli rayon de soleil ou un moineau voleter devant la fenêtre. Je vais gueuler « merde, fait chier ce putain de lave-vaisselle ! » mais je ne garderais en mémoire que la lumière qui illuminait la pièce, que le vol du moineau.

 

Tu sembles évoquer (si j’ai bien compris) la rupture amoureuse réelle et vécue dans plusieurs écrits. L’écriture peut-elle ainsi libérer, ou être une sorte de thérapie ? Se sent-on mieux après avoir couché… sa souffrance sur papier ?

Oui, clairement l’écriture peut être une bonne thérapie. Parce qu’une fois les mots posés, ils ne m’appartiennent plus vraiment. Ils sont sortis de moi, je le sais, mais les donner à lire à d’autres m’offre la possibilité de mettre cette souffrance à distance.

Vous en voulez encore ? Visitez le site de Françoise Colliot et/ou relisez les trois parties de cet entretien.

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