Entretien avec Françoise Rey, 3ème partie

Troisième et dernière partie du questionnaire de Françoise Rey, décidément très enrichissant…

 

. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?

Je n’ai pas conscience de cette misère sexuelle. Maintenant, j’ai l’impression qu’on essaie de donner à tous une chance d’épanouissement, les handicapés, les vieillards, les homos, les trans, les bi, les gros, les moches, les cérébraux, les obsédés… On cherche juste, et c’est normal, les limites de la légalité.

 

« Une fille qu’on siffle dans la rue, à qui l’on dit « Charmante, mademoiselle ! », expliquez-moi pourquoi c’est du harcèlement »

 

. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels : vérité dérangeante ou affreux cliché ?

Pour moi, ni l’un ni l’autre. C’est une vérité, elle existe, mais le pouvoir du riche, son pouvoir sexuel, c’est ses ‘’victimes’’ qui le lui donnent, et si le puissant parvient à ses fins, ce n’est pas toujours du viol. Il faut arrêter avec ces jérémiades. Et savoir ce que l’on veut. Si on a une morale élastique à 20 ans, on peut le regretter plus tard, mais porter plainte est une preuve de mauvaise foi, et (ou) de bas intérêt.

 

. Innombrables femmes harcelées au quotidien, un peu partout et depuis très longtemps : montée en épingle de cas isolés ou triste phénomène de société ?

J’ai déjà un peu répondu, non ? Une fille qu’on siffle dans la rue, à qui l’on dit « Charmante, mademoiselle ! », expliquez-moi pourquoi c’est du harcèlement. Le harcèlement, c’est une offense, une douleur, infligée répétitivement et par la même personne au fil des jours. L’inconnu qu’on croise et qui vous adresse un compliment, même balourd, ce n’est quand même pas intenable. S’il insiste pour avoir un numéro de téléphone, on s’en débarrasse avec un bobard et un sourire. Sa vanité est sauve, il n’a pas l’impression d’avoir été méprisé.

Pour les frotteurs du métro, c’est plus délicat. Il faut s’exercer à manipuler une aiguille à l’aveuglette. Mais ça peut devenir très drôle !

J’ai l’impression que les filles et les femmes n’ont pas assez de répondant. Elles se complaisent dans ce rôle de pauvres petites choses harcelées par d’infernales lubricités. Je me souviens d’une soirée où un gros bof avait fait un commentaire très trivial sur mon décolleté plongeant, en y avançant des mains qu’il croyait autorisées par mon exhibitionnisme. Je l’ai prévenu : « Je t’avertis, si tu te permets de me toucher, j’en aurai autant à ton service ! » Son sourire goguenard et son geste m’ont prouvé qu’il ne me croyait pas. Le mien lui a prouvé qu’il aurait dû. Je lui ai attrapé les bijoux de famille avec une emphase qui lui a arraché un cri effaré, mi-douleur, mi-indignation. « Houlà ! s’est-il exclamé en prenant un convive à témoin . Qu’est-ce que c’est que cette bonne femme ?

-La mienne ! » a répondu mon mari avec philosophie.

Du coup, c’est à lui que le goujat a présenté ses excuses. C’était là, pour moi, la vraie offense.

 

. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?

Moi, j’aime bien. Séduction, drague, discussion, ce sont là les vrais préliminaires.

 

. Hypersexualisation, prostitution au collège, prédateurs : exagération ou enfants en danger ? Comment les protéger ?

Il faut beaucoup, beaucoup les avertir, beaucoup les écouter, les épier, les connaître, les deviner, et beaucoup les renseigner.

 

. Si vous pouviez faire passer une loi nationale liée au sexe, quelle serait-elle ?

L’abolition du serment de fidélité dans les règles du mariage.

 

. Pour vous, fidélité et exclusivité sexuelle ne doivent-elles faire qu’un ?

Bien sûr que non. La fidélité, ce n’est pas rester attaché. C’est toujours revenir.

 

« L’égalité, ce sera quand on jugera une personne sur ses capacités, physiques ou mentales, sur ses valeurs et non d’après son sexe »

 

. Avez-vous une opinion quant aux petits mouvements minoritaires orientés sur le polyamour ? Le matriarcat ?

Je suis pour toutes les formes de conquête de liberté sexuelle, et amoureuse.

 

. Pensez-vous qu’il pourrait y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

Oui, j’en suis sûre. Je dirais comme Voltaire : « Le monde m’étonne et je ne puis songer

Que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger. »

Et puis je vis seule dans une grande maison peuplée d’âmes, mon mari, mort il y a 4 ans, est toujours près de moi.

 

. Qu’est-ce que pour vous l’égalité homme-femme ? Jusqu’où mener cette vision ?

L’égalité n’est pas la similitude. On ne sera jamais pareils, hommes et femmes. Je ne le déplore pas. Sauf quand j’aurais besoin de force physique, de muscles. Mais je me dis qu’il y a des hommes gringalets. L’égalité, ce sera quand on jugera une personne sur ses capacités, physiques ou mentales, sur ses valeurs et non d’après son sexe. Tiens, je vous livre un exemple qui m’énerve : d’après les normes de santé, un homme aurait droit à 2 verres de vin par jour, et une femme un seul. C’est pas de la discrimination sexuelle, ça ?

 

. Que faut-il à une femme pour être féminine ? A un homme pour être masculin ?

Mais pourquoi partir du principe qu’une femme doit être féminine pour séduire ? Et un homme, masculin ?

 

. De fortes envies de sexe au quotidien, cela s’explique-t-il par des goûts personnels ou la biologie ?

La biologie, l’éducation, la culture, l’écoute de son être profond…

 

. Au-delà, fait-on réellement le choix de sa sexualité ? Peut-on choisir d’être hétéro, homo, d’avoir une faible ou une grosse libido, être fidèle ou infidèle, sage ou frivole ?

Je ne crois pas. Quand j’étais toute jeune ado, les premiers rêves érotiques que j’ai faits mettaient en scène des filles, et du coup, j’ai commencé ma vie amoureuse et sexuelle avec une femme.

Après, le poids du jugement social m’a fait rentrer dans le « droit chemin ». J’ai eu beaucoup d’aventures et de rencontres masculines, mais sensuellement parlant, rien n’a jamais été pareil en intensité, ni désir, ni plaisir. Je crois que je suis profondément lesbienne, une lesbienne contrariée.

 

« Je déteste les mauvaises haleines. Et les baisers profonds. Et les caresses buccales en général »

 

. Est-il utile qu’il y ait un(e) dominant(e) et un(e) dominé(e) dans le sexe ? Si oui, pourquoi ?

Oui, quand les deux se rencontrent. L’un et l’autre versant de la domination, l’actif et le passif, ont du charme , il faut trouver sa « moitié d’orange » comme disent les espagnols.

 

. Après des années de vie sexuelle, comment continuer à se surprendre ?

Je ne vois pas en quoi se surprendre est indispensable… C’est si bon de connaître l’autre par cœur !

 

. Quelle est votre sexualité au quotidien ? Vie sage, de couple, abstinente, libertine ?

A présent, plaisir solitaire à peu près hebdomadaire, pour voir si ça marche toujours.

 

. Quelles sont vos exigences de séduction ?

Je déteste les mauvaises haleines. Et les baisers profonds. Et les caresses buccales en général. Et j’adore les mots, les fous, les crus, les audacieux .

 

. Êtes-vous du genre à réaliser vos fantasmes ?

Surtout pas ! Les fantasmes ne sont pas faits pour être réalisés . C’est paradoxal !

 

Retrouvez ici l’univers de Françoise Rey.

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