Drague de plage

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Extrait de « En attendant d’être grande » « Partie 3 – Apprentissage pas sage ».
Première étape des vacances pour Chloé et Clarisse : la plage. Classique… Ici, elles n’ont pas le loisir de se baigner nues comme elles aiment tant le faire. Tata Marthe y veille…

Comme si ça ne suffisait pas, des tas de pimbêches de notre âge se pavanaient telles des stars, allongées lascivement sur le ventre pour bien faire ressortir leur derrière, ou cambrées pour faire gonfler la poitrine. Leurs yeux étaient cachés sous de grands chapeaux de paille (la mode de l’été), histoire de mettre plus en avant le cul que le regard. Quant à la démarche, même dans le sable on aurait dit qu’elles portaient des hauts talons. Quant aux maillots, ils étaient tous deux pièces, même pour celles qui n’avaient aucune poitrine ! On n’était pas tombées sur un bon cru, ni sur une bonne année. En cette période des seventies, pourtant, sur bien des plages on trouvait du topless à tous les âges, et du sans rien pour les petits. Marthe avait choisi ce lieu pour des raisons pratiques, je ne lui en voulais pas… d’ailleurs, elle découvrait l’endroit en même temps que nous.

Le pire chez les garçons un peu plus grands, c’était cette huile de bronzage qui cramait la peau et faisait briller le corps, donnant une armée de gladiateurs chétifs. Les maillots masculins étaient affreusement moulants au point qu’on pouvait estimer la taille de chacun au repos, longueur comme circonférence. Certains cheveux tenaient avec du gel, de sorte qu’ils s’en remettaient après chaque baignade. Glaces et farniente, voilà à quoi se limitaient les vacances de tout ce petit monde. Même les nageurs étaient rares, les vacanciers préférant faire trempette jusqu’aux chevilles. Clarisse rigolait devant ce triste spectacle, pendant que moi je m’agaçais. Elle prend toujours tout à la rigolade, Clarisse. Et pour couronner le tout, les pimbêches avaient beau avoir mauvais genre, nombre d’entre elles restaient très jolies, ce qui me faisait complexer. Pour tout dire, c’était surtout Estelle qui me faisait complexer. Les autres, au fond pas tant que ça. Ma splendide cousine a une telle allure, un tel corps, un visage si fin… Qu’à force je ne me trouve plus tellement belle. Pourtant dans le lot, des regards il y en avait pour nous ! Peut-être notre candeur et notre simplicité plaisaient-elles à certains. Ou peut-être, à la vue de ces garçons nous tournant autour, soi disant pour nos œuvres, en ne louchant que sur nos hanches, (fermez la bouche messieurs… mais attention à ne pas vous mordre la langue) était-ce autre chose. Signe que peu à peu nos formes… prenaient forme.

Quant à nos habitudes libérées, c’était le jour et la nuit. Désormais, il n’y avait rien à voir, et plus jamais on ne se changeait sur la plage. C’était tout juste si on ne restait pas en short et t-shirt… un comble ! Même si on en récoltait moins d’œillades que les pétasses aux derrières trop sortis. À la rigueur, tant mieux. Si ! Clarisse aussi au final, même elle, en avait assez. Alors, on fit tout pour s’enlaidir. Achat de deux affreuses casquettes jaune fluo, lunettes noires trop grandes, cheveux attachés… sous l’œil hilare d’Estelle et tata. Ce n’était pas drôle En plus ça ne changea rien, voire cela fit empirer le tout. J’aurais dû m’en douter… sur une telle plage les valeurs sont inversées, pour les vacanciers, le laid est sexy et attirant. Il ne restait qu’une solution : le repli.


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