Entretien avec Sara Agnès L., 2ème partie

Deuxième partie du questionnaire transmis à Sara Agnès L…

 

« Lit-on pour être excité ? OUI ! À quoi bon lire de l’érotique autrement ? Le corps a tellement été tabou (et l’est encore) qu’il me paraît capital d’y revenir »

 

. Ce domaine souffre de deux idées reçues. On l’accuse : 1 – d’avoir un style pauvre et un vocabulaire répétitif pour des histoires très clichés 2 – d’être des livres uniquement faits pour exciter. Ces on-dits sont-ils injustifiés ? Justifiés en partie ?

Il est vrai que, dans la hiérarchie de la littérature, la romance est tout en bas (surtout que c’est de la littérature pour filles, eurk !), alors l’érotique (ou la pornographie, selon la définition qu’on en donne) est forcément dans le même lot (un peu plus haut ou plus bas, j’ai un doute, vu que les hommes aiment bien et que, malheureusement, ils déterminent un peu cette hiérarchie). Mais aurait-on ce genre de discours pour le roman policier à qui l’ont fait des reproches similaires ? Que non ! Après tout, les hommes en lisent ! Bref, voilà un débat qu’on ne réglera pas ici.

Sinon, la littérature érotique a-t-elle un style pauvre et un vocabulaire répétitif ? Oui, pour certains. Comme pour tous les genres, certains le font mieux que d’autres, avec un style plus développé. La masse qui est née après le succès de Fifty Shades n’y est pas étrangère. On a beaucoup de romans plus ou moins triés sur le volet. Néanmoins, il ne faut pas oublier que, pour une masse de lecteurs, le style n’est pas ce qui importe (l’histoire prime avant tout).

Quant à la question : lit-on pour être excité ? OUI ! À quoi bon lire de l’érotique autrement ? Le corps a tellement été tabou (et l’est encore) qu’il me paraît capital d’y revenir. Le monde ne s’acquiert que par les sens, alors pourquoi renier ce qui forme notre tout ? Le plaisir s’apprend, se réfléchit, s’expérimente. Pas toujours en vrai, mais au moins dans un monde de fantasmes, qui est tout aussi important dans une certaine mesure. Ça permet à beaucoup de s’émanciper et de cesser de juger les autres sur des considérations ridicules.

 

. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?

Personnellement, en écrire a beaucoup changé mon point de vue sur des tas de pratiques qui sont à des années lumières de ma personne. Le BDSM, notamment. Si c’est très loin de ma personnalité, je suis plus apte à comprendre ce qui soutient ce type de relation. désormais. Pareil pour le ménage ou le MM. Lire, ça instruit, et oui, ça ouvre aux autres, aux mondes et à la différence, surtout. À vouloir tout égaliser, nous perdons notre saveur et nos couleurs, et si la romance a pour tâche de faire rêver, l’érotique se doit de repousser certaines limites.

 

. Livre érotique : simple amusement ou bien outil de développement personnel ? Pourquoi ?

Les deux, cela dépend des livres. Certains nous font réfléchir et nous choquent, et je trouve que c’est sain. D’autres nous font passer un bon moment, et ça me suffit aussi. On ne peut pas demander au livre de faire tout le boulot à notre place. C’est paresseux !

 

« Le jour où la littérature aura une limite, on aura un problème de société assez triste »

 

. Quels sont tes coups de cœur littéraires, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

En érotique, j’en ai peu, mais j’ai beaucoup aimé les nouvelles de Nin (oui, on ne peut pas nous sortir des classiques), et certains textes de Megan Hart, très sulfureux, dont son Alex Kennedy qui m’a fait sortir de mes gonds plus d’une fois (ce qui est une bonne chose, généralement). Plus léger, Beautiful Bastard, de Christina Lauren, mais le premier m’a suffi, je n’ai pas suivi la suite.

Sinon, je suis assez fan du style simple, mais renversant, de Kundera.

Dans les textes plus récents, j’ai beaucoup aimé French girl de Julie Derussy (elle a de la chance, je ne lis jamais les textes dont le titre est en anglais) et La domination des sens de Florence Cochet.

 

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de limite. Le jour où la littérature aura une limite, on aura un problème de société assez triste, je crois. Cela dit, tout ne peut pas être emmené de la même façon. Le contexte, surtout en érotisme, est primordial. On peut dire que ça manque de littérature plus féministe (il y en a moins, c’est vrai), mais encore faut-il le faire d’une façon qui fonctionne. Après, chacun écrit bien ce qu’il veut. Au final, ce sont les lecteurs qui adhèrent ou pas (et là, c’est assez intéressant de voir ce qui fonctionne ou non – triste aussi, parfois).

 

À suivre…

 

En attendant, retrouvez ici les ouvrages de Sara Agnès L..

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