Sortie de « Sexe Primé » : entretien inédit avec Stella Tanagra

Stella est de retour ! Toujours aussi poète et amatrice de jeux de mots (poète dans l’écriture, et jeux de mots à minima pour les titres), la voici avec un nouveau recueil de nouvelles. Un recueil en un sens… surprenant comparé au premier. Un écrivain comme moi explorateur de sujets hors normes et de belle imagination ne pouvait que s’y retrouver.

Ce nouveau recueil de nouvelles semble moins porté sur l’excitation (physique ou spirituelle) que sur la singularité de chaque expérience décrite. Est-ce le cas ? Si oui, pourquoi cette orientation ?

 J’écris sans me soucier d’une orientation spécifique à donner à mon travail. Je me laisse guider par l’inspiration du moment pour qu’elle s’exprime librement. Il faut croire que le moment était plus propice aux émotions fortes et aux relations hors normes pour « Sexe Primé » ! C’est une question de contexte ; j’avais sans doute quelque chose à exorciser du côté du rapport dominant / dominé…

Il s’agit aussi d’aller au-delà de descriptions sexuelles classiques. La littérature érotique est variée et profuse ; il me tient à cœur de m’en démarquer en proposant des histoires qui sortent du lot tant dans le style d’écriture que les thèmes abordés.

Naturellement, je me suis portée sur les paraphilies qui regroupent les pratiques sexuelles border line et me suis aussi intéressée à des passages à l’acte encore plus pervers voire criminels. Plutôt que de citer des exemples, voici un passage de la nouvelle « Scène de crime » :

 « Je ne suis pas peu fier que ma prosodie ait fait de ce simulacre un piège irréversible. Pendant un moment nous nous regardons dans les yeux, pour tenter de comprendre le fond de nos pensées réciproques. J’essaie d’y lire si elle distingue où je veux en venir ou si elle manque trop cruellement de second degré pour y parvenir. À l’écoute attentive de son souffle saccadé qui fuit de ses narines, je conçois qu’elle sache enfin qui je suis vraiment. Ses yeux écarquillés me supplient sans un mot de ne pas lui faire de mal tandis que mes mains se referment sur ses poignets osseux. Amant ultime, passionné par ses courbes adorables, je vais l’aimer jusqu’au bout et sans aucune once de pitié. »

Les paraphilies intriguent, mais surtout choquent et répugnent. Quel est ton ressenti par rapport à ces déviances ?

J’aime recycler la mocheté en beauté ! A partir d’une histoire abominable, on peut réaliser un joli texte avec de l’émotion, de l’érotisme et du suspense. Je tiens notamment à construire des chutes qui tombent comme des couperets sur les lecteurs.

C’est aussi une forme de renouveau de pouvoir coucher ses démons, sur le papier, pour que des vicissitudes, l’on ne retienne que la beauté du drame. Par exemple, dans la nouvelle « ces messieurs me disent », je me suis basée sur ma plus irrationnelle et répugnante phobie mais je n’en dirai pas plus pour garder la chute intacte…

Quant à choquer, effectivement, c’est toujours un registre qui m’excite ! Je pars du principe qu’une œuvre doit bouleverser ou du moins toucher pour être réussie. Que ça plaise ou déplaise, peu importe, tant que ça ne laisse pas indifférent. Cela implique que je ne me positionne pas dans une provocation gratuite mais plutôt dans le souhait de faire émerger des réflexions sur la condition humaine au travers de mes récits. Par exemple la nouvelle « Ecran total » aborde la solitude et la frustration dans un contexte de misère sexuelle dont nous avions d’ailleurs parlé lors de la précédente interview. Au-delà des scènes de sexe, il s’agit donc de questionner les lecteurs sur la condition de l’Homme.

On retrouve, selon moi, certains passages qui font songer à la fin du « Parfum » de Süskind. Peut-on réellement faire du mal à l’autre par amour, voire le détruire, le tuer ?

Je dirais qu’il faut différencier la passion de l’amour. Il serait simpliste de dire que par amour, on peut blesser l’autre. L’amour, par essence, ne peut pas être nocif. C’est ce qu’en fait celui qui le ressent ou pense le ressentir, comment il le détourne consciemment ou non, débordé par des pulsions violentes envers l’autre, qui peut être destructeur. La passion est irrationnelle. Elle ne se conforme pas aux règles d’un vivre ensemble équilibré. La passion s’exprime avec ferveur, déraison, violence voire fureur qui peuvent aussi bien mener au meilleur qu’au pire. Dans tous les relations extrêmes telle que la passion, résident du danger d’où l’ambivalence des personnes qui divaguent de l’amour à la haine. La passion amoureuse est le dénominateur commun des personnages de « Sexe Primé ». Elle les entraine à enfreindre les lois afin de fusionner avec l’autre, d’une manière, au mieux, pathologique et au pire, psychotique…

Comment s’est déroulé le travail pour cette nouvelle couverture, qui est une photo de toi ?

C’est parti pour le making-of, dirait-on ! La photo a été prise dans ma chambre après que le lit et le tapis aient été retirés. Omega, comme à l’accoutumé en est l’auteur et moi, le modèle. La petite robe m’a été offerte par Néoplaisir. Le test est d’ailleurs disponible dans la rubrique « mes tests coquins » de mon blog et le téléphone est une relique de mon grand-père. Nous l’avons utilisé pour symboliser la notion d’expression puisque le questionnement principal de « Sexe Primé » est le suivant : à quel prix le sexe prime-t-il ? Nous avons opté pour une pose mystérieuse laissant le champ libre aux lecteurs, d’interpréter l’état d’esprit du personnage aux prises avec son interlocuteur.

La suite de cet entretien sous peu…

En attendant, découvrez ici les ouvrages de Stella

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