Entretien avec l’auteure Stella Tanagra, seconde partie

« Sexe Cité »… Le titre du recueil de nouvelles de Stella est trompeur. Pour ma part, au départ j’ai cru qu’il s’agissait de textes érotiques se déroulant tous dans des cités de quartiers 🙂 Mais si vous avez lu la première partie de cet entretien et dévorez ensuite cette seconde partie, cet écrivain atypique vous semblera moins mystérieux… Quoique ?

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Sexe à outrance, sexe compulsif, biture, fêtes, et même violence… une récurrence de tes personnages semble être une certaine tendance à la « dépravation ». Estimes-tu cela juste ? Pourquoi ce trait ?

« Sexe cité » est le recueil de l’éveil des sens, de la jeunesse et ses excès. Je l’ai écrit de mes 21 à 25 ans, une période emprunte d’expériences en tout genre ; ceci explique cela. J’aime questionner l’excès en ce qu’il est l’expression d’un mal-être auquel on trouve de mauvaises réponses. Je pense que c’est en descendant au plus profond de soi que l’on se rencontre vraiment, dans la souffrance et l’adversité. Mes personnages sont donc souvent très écorchés ; ils sont chacun l’illustration de maux qui m’ont tourmenté. Aller là où ça fait mal en l’écrivant, c’est c’en exorciser.

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Certains passages sont doux et tendre, d’autres très violents. Pourquoi explorer à ce point le thème de la brutalité dans les rapports ?

Il y a autant de tendresse que de haine en moi ; la cohabitation n’est pas toujours évidente !!! Pour moi il y a vraiment quelque chose qui se joue entre le sexe et le rapport de force notamment entre hommes et femmes. J’ai toujours été stupéfaite à l’idée que ma vie vulnérable ne tient pas à grand-chose si mon amant en décide ainsi. Si l’on en revient aux instincts primaires de l’Homme, je n’ai vraiment pas beaucoup de chances de survie, j’ai donc toujours été attirée par ce que de fort dégage l’homme bien que cette force rassurante peut aussi se retourner contre moi. Ce paradoxe est une source d’inspiration et d’excitation permanente d’autant plus exacerbée sachant que je suis aussi masculine que la fée clochette.

Tu aimes explorer certains sujets assez crus, voire tabous. Est-ce volontaire ? De quelle façon cela vient-il au cours de l’écriture ?

Je ne me suis posée aucune question en écrivant « Sexe Cité », seule la pulsion brute s’est exprimée au fil des histoires, comme si mon corps la réclamait. Je donne à lire de l’émotion sans filtre, une forme d’intelligence à mettre en corrélation avec l’instinct. Le rendu final est cru, ce qui n’était pas voulu mais qui est finalement logique vu que ce recueil est à l’image de mes pensées les plus intimes.

Ce que j’aime chez les artistes, c’est leur capacité à oser repousser les limites si tant est qu’ils en dégagent du sens et non de la provocation gratuite. Je pense notamment à l’écrivain Virginie Despentes et au réalisateur Gaspar Noé. Je m’ennuie vite dans le classicisme, j’ai besoin que l’on m’emmène ailleurs, qu’on me bouscule ainsi l’émotion et la réflexion sont toujours au rendez-vous. De la même manière, je fais partie des auteurs qu’on aime ou que l’on n’aime pas mais qui ne laissent pas indifférent.

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Tes histoires ont certains côtés poétiques ou sociaux, voire philosophiques, tout en ayant des passages et paroles très obscènes. Recherches-tu le mélange de genres ?

Tout ce que je sais, c’est que je suis inclassable, ce qui m’a valu les heurts de trouver un éditeur capable de croire en moi ! Je ne contrôle pas mon écriture car j’aime à penser que c’est l’expression la plus sincère et pure que je peux offrir, sans aucun formatage. Rares sont encore les espaces où l’on peut jouir de la liberté, l’écriture et la sexualité sont en ce sens mes meilleurs terrains de jeu !

Il me semble qu’il y a des notes de nostalgie dans tes chapitres, comme si à notre époque le sexe et la séduction étaient souvent tristes, limite un peu sordides, et que la littérature nous permet justement de transcender le réel. Qu’en est-il ?

Parler sexe, ce n’est pas seulement chercher à faire bander ou mouiller le/la lecteur(trice) ! J’aime utiliser le thème de la sexualité pour aborder des sujets plus graves tels que le rejet de la différence, la difficulté d’assumer sa sexualité face aux dictâtes, la bestialité des rapports humains ou encore la sexualité sous le prisme de la violence et du crime et la transgression de manière générale. J’écris librement, sans aucune censure pour mener ailleurs et plus loin encore, le lecteur. Je sème parfois le trouble mais c’est pour mieux questionner chacun sur sa condition. Etre à la marge est le fil conducteur de ma vie et il semblerait que ce soit dès lors ma marque de fabrique littéraire. On me dit parfois que je suis un ovni avec son lot de bonnes et de mauvaises surprises. Il n’est pas toujours facile de s’imposer quand on a un style hors norme mais quand ça marche, quelle victoire du spécimen sur le mouton !

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Une belle relation sexuelle, propre à tes écrits, est-elle celle où l’on a appris quelque chose de fondamental sur soi ? Est-ce réellement possible dans la réalité ?

Une belle relation sexuelle est une relation où l’on se révèle à soi-même et son/ses partenaire(s) aussi ; tel est le cas dans ma nouvelle « La sexualité est ailleurs ». Le titre image le fait que la sexualité n’est pas ce que le formatage social a fait d’elle dans nos esprits ; elle est ailleurs et c’est à chacun de la trouver en soi. Dans ce récit, le personnage féminin assume pour la première fois son désir le plus profond envers deux hommes qui dépassent pour la première fois, leurs préjugés misogynes en s’adonnant au triolisme avec elle… Douce utopie ? Ce texte est une image vers ce à quoi il faudrait tendre.

La réalité est néanmoins jonchée de belles surprises érotiques. Je fais partie de ceux qui ont touché le fond avant de voir la lumière. J’ai connu le pire et le meilleur de la sexualité, ce pourquoi je la savoure encore plus et à sa juste valeur. J’ai connu des hommes fous de désirs et de dévouements à mon seul et unique plaisir. J’ai vu l’amour et la passion dans leurs yeux et leurs gestes. La réalité affective peut-être belle si tant est que l’on est bien avec soi-même et clair avec ses désirs.

Y’a-t-il une vraie touche de fantastique dans « Mort Sûre », ou bien est-on plutôt dans l’allégorie ? (J’ai plutôt perçu un sens allégorique dans les dernières lignes, mais peut-être est-ce une erreur…)

« Mort sûre » est le premier texte de « Sexe cité » que j’ai écrit ; j’avais 21 ans. J’étais folle d’excitation en l’écrivant, je me suis d’ailleurs masturbée entre deux lignes ! Le physique de Victor, le frère de Wolverine a été ma source d’inspiration.

Tu vois juste, on est complètement dans l’allégorie. C’est tout le dilemme de ma vie ; cette passion parfois destructrice pour l’animalité masculine. J’ai beau avoir des traits féministes, il ne faut pas croire qu’ils sont incompatibles avec l’amour voire la vénération de l’image masculine. J’aime mettre en perspective les ambiguïtés et les contradictions masculines.

 

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