Elle aime écrire de la vraie littérature, apprécie les gens atypiques et certains sujets border lines… Sexe Cité, de Stella Tanagra, fut un vrai plaisir de lecture. En plus d’avoir une belle plume, Stella a une jolie frimousse et un beau corps, elle le sait et aime également en jouer… Avec elle, les amateurs de belles images sont tout aussi charmés que les amateurs de jolis textes.
As-tu besoin de t’identifier aux personnages de tes histoires, si oui comment et à quel point ?
Je pense plutôt que je me cache derrière mes personnages. Ils sont par essence, l’expression de mes désirs et de mes tourments les plus indicibles. Chacun représente un idéal ou au contraire un modèle à ne pas suivre. Je créée des personnages que je trouve séduisants par leurs beautés brutes, leurs failles voire leurs perversions. La relation créée avec le personnage est encore plus forte dans l’écriture d’un roman que d’un recueil. J’ai vécu cette expérience il y a quelques mois et ai dû faire mon deuil quand j’ai marqué un point final à ce roman, me devant d’abandonner mon personnage principal. Je m’étais beaucoup attachée à elle car elle était le savant mélange de tout ce que j’aime et ce je déteste en la féminité ! Ce roman est un projet que je laisse en suspens, ma priorité étant la parution de mon prochain recueil érotique ô combien déroutant, prévue au 1er semestre 2017.
Je ressens une forme de tristesse et de révolte vis à vis du monde actuel, dans tes écrits… Quelle est selon toi la plus grande incompréhension actuelle entre hommes et femmes ?
Je suis assez critique ou lucide (?!) et comme tu l’as bien ciblé, les rapports de genres (homme/femme) me passionnent. La plus grande incompréhension qui réside entre nos deux sexes en matière de sexualité car c’est bien ce dont il s’agit dans mes récits, c’est la non acceptation de la qualité d’être sexué de la femme, par la gente masculine ! Généralement dégradées au rang d’objet sexuel, il ne faudrait pas occulter que nous sommes des êtres humains et non des objets de décoration ; l’intelligence, la sensibilité et donc le désir, font partie de nos attributs ; bref nous sommes vivantes et non des poupées gonflables.
Je ressens cette fausseté d’interprétation des hommes envers les femmes, en tant qu’auteure mais aussi que modèle. Nombreux sont ceux qui m’abordent comme si j’étais une chienne en chaleur à dresser ou tout au mieux, une interlocutrice du téléphone rose. Les hommes associent trop souvent les femmes qui assument leur sexualité à des femmes qu’il ne faut pas respecter ! Et c’est bien dommage car les grands perdants, ce sont eux. Si nous n’étions pas aussi durement jugées, nous serions sans doute des amantes encore plus décomplexées ! Mon exemple n’est qu’une illustration d’un monde où les hommes rament encore à concevoir, d’une part la femme comme un être doué d’une libido parfois aussi (voire plus) démesurée que la leur et d’autre part la légitimité de la femme (tel que l’homme) d’avoir des désirs et donc de ne pas être perçue et traitée avec irrespect. Au final, il est toujours question de l’éternel inégalité de traitement entre hommes et femmes.
Vit-on selon toi dans un monde de misère sexuelle, ou au contraire doté d’une sexualité plus libérée ?
Nous vivons dans un monde où les extrêmes se côtoient (aussi bien la misère que la liberté sexuelle) et c’est sans doute le plus déstabilisant. La sexualité s’est libérée avec les effets bénéfiques et pervers qui en découlent. Pour jouir de la liberté encore faut-il avoir un cadre au sens d’une structure intellectuelle et émotionnelle construite. Autant dire que s’adonner sans limite à la sexualité lorsque l’on est fragile et je pense notamment aux adolescents comprend une forme de danger. Il vaut mieux se connaitre avant de se perdre ; la sexualité pouvant être amour comme destruction. Avec une structuration psychique mure et réfléchie, on peut profiter pleinement d’une sexualité libérée et sans tabou. C’est mon leitmotiv de femme à la sexualité assumée.
Quant à la misère sexuelle, je t’avouerais que dans notre monde occidental en tout cas, je l’observe surtout chez les hommes. Je leur dédie d’ailleurs une nouvelle dans mon prochain recueil. Je compatie de cette triste réalité de l’offre et de la demande. Mais si les femmes ne sont pas forcément au rendez-vous comme les hommes le voudraient, c’est peut-être qu’elles ont été trop bridées pour ne pas dire bâillonnées dans leurs désirs par ces mêmes hommes. La frustration semble être le gage de l’homme obligé de composer avec la profusion de ses désirs qu’il ne peut pas toujours combler. Il est coutume de parler de la difficulté d’être une femme mais l’on oublie souvent de dire la difficulté d’être un homme dans cette société pas si moderne où il se doit de bander dur et de baiser bien ; éjectent les petits zizis et les EJP. Pas évident de se faire une place lorsque les femmes ont l’embarras du choix… Qui dit monde d’excès dit misère (privation, frustration…) vs liberté (profusion, consommation…) à chacun de s’en dégager en cassant ces codes auxquels personne n’a envie de se soumettre finalement…
Entre l’art de la rime et du jeu de mots, tu sembles avoir des influences poétiques… As-tu des références de chevet ? (Plutôt Baudelaire ou plutôt Canard enchaîné ? 🙂 )
Ma référence première, c’est mon père. Il est musicien et s’est toujours amusé de la musicalité des mots ; créant des jeux de mots subtiles en associant des termes à la mélodie commune pour leur donner du sens. Quant à ma mère, elle écrivait des poèmes et avait d’ailleurs été publiée. Elle m’a donné ce goût des mots dont on exacerbe l’impact émotionnel en créant des rimes et un rythme.
J’aime l’absurde de Vian et la mélancolie de Baudelaire par exemple. Je suis d’ailleurs étonnée que la poésie n’ait pas plus de succès dans un système où il faut faire le buzz dans l’immédiat car pour moi, c’est le propre de la poésie ; de l’émotion maintenant et tout de suite.
Certains auteurs (tels que moi) restent dans un parfait anonymat, d’autres se mettent beaucoup en avant… D’autres enfin sont je dirais un peu entre les deux, tels que toi : se montrer sans trop se montrer. Te reconnais-tu, ou bien est-ce erroné ? Cherches-tu à ne pas trop te dévoiler, ou au contraire à beaucoup en dire et en montrer ?
Mes textes et mes photos sont clairement érotiques et en matière de sexualité, j’aime frôler les limites. Je connais les dangers de ma double vie où Mme X (c’est ainsi qu’un de mes correspondants nomme ma face cachée) et Stella se rencontrent en mes clichés sexy mais il faut bien jouer, non ? Comme dirait l’un de mes fidèles lecteurs : « vivre, c’est prendre des risques » ! Je me dis que si un jour je suis démasquée, grand bien m’en fasse, il faudra bien que ce jour arrive et j’assumerai. En attendant, je joue avec le feu et je ne te cache pas que c’est très excitant d’être à la fois une girl next door discrète et un personnage à l‘image de la furie de mes désirs.
À travers ton site, notamment, t’es-tu « construite » un personnage, ou bien es-tu toujours toi-même jusqu’au bout ?
Ce patronyme, je l’ai créé pour protéger mon anonymat mais avec le temps et qui plus est avec mon blog www.stellatanagra.com, Stella est devenue un personnage à part entière et ça m’a d’ailleurs un peu dépassé… Je me suis notamment heurtée à ce qu’il y a de plus graveleux en l’homme. Se montrer par bribe est une forme de protection et de pudeur au-delà d’être une manière de jouer avec le mystère et donc le fantasme des lecteurs. Stella est une partie de moi. Elle est celle qui me permet de dire tout haut ce que je pense tout bas. A travers Stella, je m’intéresse à la beauté du mot et de l’image. Disons que je suis le cerveau pensant dont Stella exécute les provocations tant qu’elles ont du sens.
Si tu pouvais d’un coup de baguette magique décupler l’une de ces carrières : celle de modèle ou celle de l’auteur… que choisirais-tu et pourquoi ?
La photo est un amusement là où écrire donne à ma vie, son sens. J’ai eu l’impression de sortir du coma le 6 juin 2015, jour où mon livre « Sexe Cité » est paru chez IS Edition. Il y a véritablement eu un avant et un après. Je suis née ce jour-là. Avant je n’étais que l’ombre de moi-même. Ecrire est ma seule vraie façon de m’exprimer et donc d’exister. Je pense que cela répond à ta question.
La suite de cet entretien passionnant d’ici quelques jours ! (Publication le 19 février, qui peut donc être déjà en ligne selon le moment où vous lisez ce texte).
J’ai lu avec fascination Sexe-Cité, j’ai été prise dans son récit comme dans une transe hypnotique, à vouloir fermer le livre sans y parvenir, vouloir savoir jusqu’où Stella m’emmènerait, comme un parcours initiatique…
Je découvre la femme qui se cache derrière l’auteure et je n’en suis pas étonnée.
J’ai hâte de lire la suite de cette interview passionnante !
Merci Pallilogie ! Tes mots ne font qu’accentuer mon désir de poursuivre l’aventure littéraire, d’oser encore et encore, de braver les interdits et la censure pour lever les tabous et donner matière à réfléchir et à partager avec les lecteurs.