Regard nostalgique d’une libertine sur le monde d’aujourd’hui…
Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…
À l’époque au moins, ces parties fines gardaient leur côté exceptionnel et subversif. En ce sens, le sexe n’était pas non plus anodin et là était l’essentiel. Une pipe faisait de toi une déesse. C’était un privilège rare, lorsque non seulement on l’offrait et qu’en prime elle était magnifiquement prodiguée, l’amant rampait par terre et était prêt à vous demander en mariage. Bah oui, une fois casé, une bonne suceuse et une bonne coucheuse ça occupe les longues soirées d’hiver.
À l’époque, la libertine éliminait facilement la concurrence. Je regrette que tout soit désormais si commun. Dans le sexe, ce qui est systématique perd toute saveur, toute authenticité. De fait, de nos jours, la fille suce mal, ne prend pas de vrai plaisir, l’homme non plus, il n’a même pas idée de lui rendre la pareille, puis ils couchent n’importe comment. Que faire si tout, absolument tout, devient automatique ? Que leur reste-t-il ? Pour l’heure, il y a encore la sodomie qui reste marginale.
Si dans vingt ans la pratique s’est également répandue partout, je ne sais pas ce qu’il restera comme tabous. Au rythme où on va, certains se mettront à la zoophilie pour se donner encore des sensations fortes. La société devrait comprendre qu’elle a besoin de fantasmes, d’interdits, de stéréotypes. Ainsi, certains peuvent les franchir et d’autres pas. Si on brise toutes les frontières, plus rien n’a de sens.
Aujourd’hui, c’est aux prostituées que les jeunes filles font concurrence.
On leur a déjà piqué leurs sacs. Puis leurs fringues, leur démarche, leur maquillage. Les putes n’ont plus pour seul avantage que d’être accessibles sans la moindre approche de séduction. Si cette ultime frontière est franchie et que la gent féminine ne cherche même plus à se faire séduire, tout sera alors inversé : toutes les filles du monde seront devenues putes, et les putes seront devenues filles normales. Ce sont des pensées sombres, je l’admets. Contradictoires avec d’autres réflexions personnelles.
Car comme tu le sais, j’aimerais beaucoup que les filles acceptent de donner de la chaleur aux hommes qui n’en reçoivent jamais.
Parfois, je voudrais aller voir tous les mâles tristes et seuls de la planète pour les inviter sous ma couette.
Seulement là, ce serait tout autre chose, car l’acte serait totalement gratuit. Dans notre monde moderne, rien n’est jamais totalement gratuit. Chez pas mal de filles, le gratuit d’une relation n’est qu’apparence. Les charmes dévoilés ouvrent mille portes. Celles des castings, des agences de pubs, des postes de direction et j’en passe une tonne.
Ça, ça tient du secret de Polichinelle. Seuls les nombreux hypocrites et les rares ignorants le contestent. Je reconnais qu’il est facile de prétendre qu’une telle ou untel s’en est tapé des mètres pour décrocher son job. La jalousie aussi fait dire cela. On trouve aussi nombre de filles et de garçons qui ne sont pas ainsi. Mais les grandes villes, tout particulièrement la capitale, renferment quantité d’histoires sordides qu’on aurait peine à concevoir. Et je ne parle pas que de coucheries, car il existe bien d’autres façons de vendre son âme au diable. En abandonnant ses valeurs, en se censurant, en acceptant d’être ce que l’on n’est pas.
Par des rires et sourires faux, des courbettes, des ronds de jambe. En allant aux bonnes soirées, avec les bonnes fringues et l’attitude adéquate. Oh non, ce ne sont pas toujours les plus compétents qui réussissent, loin de là : ce sont surtout les plus malins. Autrement, le monde ne serait pas tel qu’il est. Bien des génies restent méconnus, certains sans toit, une bouteille à la main et à même le trottoir.
Revenons-en à de plus belles heures. Car la fin des vacances avait beau approcher, elles n’étaient pas encore tout à fait achevées.
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