Eh oui, les entretiens sont bel et bien de retour ! Je vais tenter de faire en sorte qu’ils redeviennent réguliers… Dors et déjà, l’interview de Jocelyn Witz sera en trois partie. J’ai découvert cette auteure sur la plateforme Atramenta, où elle diffuse de nombreuses œuvres à lire en ligne…
. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?
C’est très variable. Classiquement c’est souvent une histoire que j’ai lue et dont j’ai envie de
donner ma version, par exemple en adoptant un autre point de vue, en la revisitant complètement,
voire en faisant un pastiche. Sur ma page Atramenta, tu trouveras comme ça plusieurs réécritures de
Blanche Neige, des variations sur d’autres contes de fées ou sur des mythes célèbres (le Golem, Dr
Jekyll et Mr Hyde, etc.).
Parfois le point de départ est juste une phrase. « Nous serons nos propres serpents » vient
d’une nouvelle de Roger Zelazny. La phrase m’a tellement émerveillée que j’ai décidé d’écrire une
histoire dont ce serait le titre.
« Milieux humides » s’inspire librement de la chanson farfelue de Boris Vian intitulée « Bourrée
de complexes ». La chanson évoquant au passage une nana qui élève des têtards dans sa baignoire,
j’ai construit mon histoire autour de cette image. Non seulement parce que ça m’amusait mais parce
que ça représentait une sorte de défi intellectuel. Pourquoi est-ce que cette femme fait ça ? Qu’est-ce
qu’il y a derrière ?
Une histoire peut partir aussi, bien sûr, d’un thème imposé : concours de nouvelles, appel à
textes, etc. Plusieurs de mes récits sont nés comme ça.
Enfin, il y a l’inspiration pure : une image qui surgit, en général au cours d’un rêve ou au
moment de m’endormir. Comme avec l’image tirée de la chanson de Vian, le jeu consiste à bâtir un
récit cohérent à partir de ce flash soudain qui, pour ce que j’en sais, vient peut-être tout droit de
l’inconscient.
. Quelles sont les techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?
Le roman, je préfère ne pas en parler. Étant ado j’en ai écrit deux… dont je me suis empressée d’égarer le tapuscrit lors de divers déménagements. Tout le problème est d’arriver au bout, en effet, et je n’ai absolument aucune recette pour y parvenir. C’est une des raisons pour lesquelles je me cantonne désormais au domaine de la nouvelle courte : si je m’aperçois un beau matin que ce que j’écris est nul ou sans issue, je n’y aurai passé que quelques jours, pas des semaines ou des mois.
Des histoires inachevées, j’en ai plein mon ordi. Certaines ne font pas plus d’une page, d’autres s’étirent sur dix ou quinze. C’est toujours un crève-cœur de les laisser tomber, mais ça vaut mieux que de continuer à perdre son temps. Je suis absolument incapable de « sauver » une histoire mal barrée.
Tout ce que je peux faire dans ces cas-là, c’est tout reprendre depuis le début mais sous un autre angle, avec d’autres personnages, un ton et un contexte différents, etc. Là, soit je me casse encore la figure et ça finit une fois de plus dans le dossier « Inachevés », soit miracle ! la sauce prend, les pièces du puzzle s’emboîtent comme par magie et l’histoire peut aller au bout. J’écris alors à toute vitesse, dans une sorte de transe. Je ne sais pas l’expliquer autrement.
En fait, je me rends compte que je suis mal placée pour donner des conseils en matière d’écriture. On recommande partout aux auteurs en herbe de se documenter, de faire un plan, un découpage en chapitres ou en scènes, une fiche descriptive pour les principaux protagonistes, etc. Or, sauf exception rarissime, je ne fais strictement rien de tout ça : il me vient une vague idée, je me lance et basta.
Toute ma série intitulée « À mon réveil », par exemple, est constituée de textes plus ou moins improvisés. Ces trois mots fonctionnent comme un « Il était une fois ». À mon réveil… il se passe un truc fou, débile, impossible, et je pars là-dessus sans avoir la moindre notion de ce qui va arriver ensuite à mes personnages, ni a fortiori de la façon dont l’histoire va se terminer. Apprentis écrivains qui d’aventure lisez cette interview, ne prenez pas exemple sur moi !
. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?
Pourquoi est-ce que contrainte et plaisir seraient incompatibles ? Tout la sexualité SM, entre autres, repose sur leur combinaison ! A la base je suis assez disciplinée, ordonnée, etc., par conséquent les contraintes ne me dérangent pas, elles structurent au contraire ma vie quotidienne sous forme d’habitudes régulières.
J’ai besoin d’un minimum de deux heures quotidiennes où je ne fais qu’écrire, en m’isolant du reste du monde. Si je ne m’y mets pas tous les jours, l’outil se rouille. Mais cette obligation que je m’impose, je ne la ressens même pas vraiment comme une contrainte.
Chaque matin j’ai hâte de m’asseoir devant mon ordi, curieuse de voir quels délires ou quels passages pleins d’émotion vont (peut-être) encore sortir de ma cervelle. Et si jamais ça devient chiant (par manque d’inspiration, parce que l’histoire est entrée dans un cul-de-sac, etc.), je te l’ai dit, j’ai plutôt tendance à laisser tomber et partir sur autre chose.
. Quelles sources d’inspiration pour écrire ?
Pour moi c’est surtout la littérature et mon propre imaginaire. Ma vie personnelle et celle des autres vont intervenir plus pour alimenter l’histoire : je vais donner à tel ou tel personnage les traits (physiques ou psychologiques) de quelqu’un que j’ai connu, calquer le décor sur des lieux que j’ai fréquentés, ou encore baser telle ou telle scène sur une situation que j’ai vécue, mais ça reste marginal.
Les médias en revanche m’inspirent rarement car je ne lis pas les journaux et n’ai pas la télé. Ce qui soi-disant « se passe dans le monde » (et qui n’est que la vision déformée qu’en ont les journalistes) ne m’intéresse pas outre mesure. Je vis dans un monde parallèle, en fait. Sérieux.
. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?
Les deux ! Je crois beaucoup à ça. Mes meilleures histoires, celles qui, comme je le disais, résultent d’une sorte de miracle, celles dont j’ai eu l’impression qu’elles s’écrivaient quasi toutes seules, je ne peux les expliquer que parce qu’à un moment le sujet abordé touchait en moi quelque chose de profond et de viscéral, qui a d’une certaine façon décuplé mes banales ressources intellectuelles.
Il me semble évident qu’en écrivant, on se met toujours en scène derrière ses personnages (pas forcément celui ou celle qui dit « je » ou le personnage principal, d’ailleurs) et on rejoue sans le savoir des événements de son passé, ou bien on jongle avec ses propres peurs, on réalise ses rêves secrets, etc.
. Une idée du visage du lectorat ? Est-il simple d’établir une communication avec ses lecteurs ?
Rien de plus simple sur les forums consacrés à l’écriture, du moins quand on publie en lecture libre comme c’est mon cas : on a un contact direct et immédiat avec ses lecteurs, lesquels sont, qui plus est, souvent eux-mêmes auteurs. Pour ça, Internet est génial.
Avec l’édition papier, dont j’ai une toute petite expérience, on n’a aucun retour (hormis les échanges avec la maison d’édition) et on ignore tout de son lectorat. Ou alors il faudrait, je suppose, écrire et publier massivement, courir les salons du livre, etc., mais je ne me vois pas faire ça. Ça demande un caractère extraverti que je n’ai pas.
La suite dans la deuxième partie de cet entretien.
Cette nana est juste géniale !
Je l’ai rencontré sur Atramenta, et depuis, je ne la lâche plus (moi, psychopathe ? 😉
En tout cas, je ne peux que vous conseiller d’aller voir ce qu’elle écrit, c’est juste du délire 😛
Bisous ma Joce
Wed
Tiens tu es là toi aussi ?
Je suis assez d’accord avec toi, le peu que j’ai lu m’a beaucoup plu et il m’en reste encore beaucoup à lire. Tout comme toi. 2 styles différents mais toutes les deux, c’est un régal de vous lire.
En 2 jours sur Altamenta, j’ai fais le plein d’émotions en tous genres.