Le questionnaire du site passé par la plume de l’auteure Violetta Liddell. Deuxième partie…
. Livre érotique : simple amusement ou bien outil de développement personnel ?
Eh bien… Un peu des deux ! Je voulais explorer un genre hybride (horreur/fantastique/érotique) et ma démarche était un peu expérimentale. Depuis toujours, je me demandais comment Lolita aurait été écrit du point de vue de Lo au lieu de celui d’Humbert…
Les Agonies de l’Innocence est donc une sorte d’expérience avec cette idée, en version postmoderne et avec des influences gothiques ! Même si, avec ce recueil, je me suis sentie souvent incomprise, je me suis diablement bien amusée à l’écrire. J’avoue.
. On accuse la littérature érotique d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?
Concernant Les Agonies de l’Innocence, je me suis pris de nombreuses remarques telles que « bon, c’est du sexe quoi », « manque d’aboutissement », « scénario improbable et tordu », « personnages trop matures pour leur âge », « fins bâclées », « provocation pure avec trop peu de fond/qui ne s’attarde pas beaucoup sur les conséquences ».
Alors non, Les Agonies de l’Innocence, ce n’est pas 50 Nuances de Grey. On est plus proches du style de Sire Cédric ou de Poppy Z. Brite (comme l’avait si justement fait remarquer une chroniqueuse). Excepté dans la première novella, les héroïnes ne sont ni présentées comme victimes, ni comme instruments ; elles ne sont pas manipulées par des tiers.
Elles utilisent consciemment leur charme pour arriver à leurs fins et sont actrices de leur délivrance. Le livre a été placé dans la catégorie « Érotisme » alors qu’il n’exploitait pas que ce genre. Et pour certains livres, mal placé = mal perçu. Forcément, ça doit conditionner le « bon, c’est du sexe quoi » dans la tête des lecteurs. Alors que Les Agonies de l’Innocence, ce n’est pas de l’érotisme purement masturbatoire : c’est du sexe mêlé à des sujets tabous dans notre société, avec une approche horrifique et psychologique.
C’est à la fois subversif et intellectuel, car c’est une réflexion sur des choses qui dérangent, qui perturbent, qui intriguent, voire qui excitent sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. La face obscure de l’âme humaine que personne n’ose reconnaître ou affronter.
Ce n’est pas de la « provocation pure » quand les conséquences, clairement exposées dans les dénouements, sont la vengeance meurtrière ou le suicide ; je ne vois pas sur quoi il est nécessaire de s’attarder davantage. Et c’était mon choix, en tant qu’auteur, de faire passer les conséquences dans les dénouements pour créer l’effet de choc.
La littérature érotique uniquement conçue pour exciter, qui souffre d’un style pauvre, d’un vocabulaire répétitif et d’histoires d’amour clichés, est généralement celle que consomme la « ménagère » en crise de la quarantaine, le père de famille/le grand-père assommé par la routine et les responsabilités, ou l’adolescente en fleur.
Ces lecteurs ne sont pas à la recherche de sous-textes, de critiques sociales, d’enquêtes policières dans l’érotisme. Ils sont en quête de sensations fortes ou d’histoires d’amour parfaites, qu’ils vont consommer rapidement sans avoir à réfléchir.
A l’inverse, le public dit « alternatif », faisant partie d’un milieu socio-culturel un peu en marge et/ou d’une communauté LGBTQ+, n’hésitera pas à faire des recherches plus poussées, afin de dénicher des livres qui deviendront de véritables coups de coeur ou des sources d’inspiration.
Bien sûr, la littérature érotique destinée à un public alternatif souffre de ses propres clichés ! Mais elle offre souvent un style plus riche, plus poétique, plus incisif. Elle est souvent plus franche dans la noirceur.
En somme, il y a différents types d’érotisme, destinés à différents types de publics.
. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?
Je pense que le rôle de l’IA n’est pas d’écrire des histoires à la place des auteurs. Cela devrait rester un outil pour aider les auteurs dans leur travail (centralisation des informations et des ressources, brainstorming, etc.) mais cela ne doit en aucun cas les remplacer. Le rôle de l’IA devrait être de remplacer l’humain dans des tâches pénibles, pas de tuer l’industrie de l’art…
. Un ou deux coups de cœur littéraires, que ce soit en érotique ou tout autre style ?
– La Mort aux Yeux de Porcelaine (Gudule)
– Contes pour Petites Filles Perverses (Nadine Monfils)
– Entretien avec un Vampire (Anne Rice)
– Lolita (Vladimir Nabokov)
– Le Treizième Conte (Diane Setterfield)
– Jessie (Stephen King)

. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?
Personnellement, dans une histoire d’horreur, imaginer des choses que je n’aimerais jamais vivre me permet d’exorciser énormément de sentiments négatifs (colère, frustration, solitude, trahison, désespoir, abandon, honte/humiliation, rejet…). Je ne pourrais pas m’en décharger autrement qu’en les projetant sur mes personnages.
En littérature érotique, c’est un peu différent ! Tantôt je peux projeter des choses que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, tantôt je peux projeter des souvenirs d’expériences hors du commun, tantôt je peux projeter des fantasmes délirants. Je pense d’ailleurs que le mélange des trois est assez efficace !
. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?
Pour moi, la limite, c’est Sade. Un peu trop de provoc pure et dure sans avoir beaucoup de fond. Même si les profs à la fac nous expliquaient que Sade, c’était politique dans le contexte de l’époque, quand la violence dans l’érotisme devient teintée de politique ou d’apologie, ça me fait tiquer.
Les pratiques déviantes peuvent être érotisées, bien sûr, mais j’ai un peu plus de mal lorsqu’elles donnent dans la violence naturaliste, et qu’elles sont politisées ou ouvertement prônées… A mon sens, certains de ces écrits peuvent être dangereux, notamment entre les mains d’un lectorat peu en phase avec la réalité.
Merci à l’auteure pour ses réponses. Pour en savoir plus sur son travail, visitez sa page Babelio. Et bien entendu, rendez-vous ici pour la troisième partie du questionnaire.
