Douches troublantes

Première partie d’un épisode haut en couleurs de mes « Dialogues Interdits ». Un directeur de colo expérimente une toute nouvelle façon de gérer les douches collectives filles et garçons.

 

— Tout est prêt pour accueillir le deuxième groupe de l’été je pense ?

— Attends que je regarde la liste. Réfectoire c’est bon, entrée c’est bon… canalisations… Je crois qu’on est okay !

— Le premier séjour de cette colo était cool, non ?

— Tout s’est très bien passé, ouais. Y a qu’un truc que j’ai pas compris, c’est le système que t’as installé entre les douches filles et les douches garçons. Bon c’est toi le directeur, tu fais ce que tu veux mais…

— Quoi, on nous a confié un bâtiment avec un seul espace douches, fallait bien séparer les deux non ? C’est la loi je te rappelle.

— Oui bien sûr, seulement toi tu nous as installé un son et lumière !

— N’exagérons rien.

— Quasiment.

— J’avais pas assez de budget !

— T’aurais eu la possibilité d’installer un VRAI son et lumière tu l’aurais fait !?

— Sans hésiter et sans plaisanter. Mais… le monde de l’animation est ce qu’il est : si peu de sous, si peu de temps.

— Le résultat était quand même original !

Un grand drap séparant l’espace filles de l’espace garçons

en créant des ombres chinoises,

plus une lampe de spectacle qui passe du bleu au vert, puis au rouge…

— J’adore ! L’effet est magnifique. Un pur moment de magie, que tout le monde a vécu comme tel d’ailleurs.

— Les enfants et ados en ont beaucoup joué, j’avoue.

— C’était voulu !

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Souvent le moment des douches est un peu compliqué. Surtout là, quand elles sont collectives ! Aucune cabine séparée ! Certains ont la flemme, sont pudiques, ont peur qu’on se moque de leurs détails physiques… Tout ça quoi. Là ils s’en faisaient toute une fête. Il a juste fallu laisser une animatrice côté filles, à côté du drap pour pas qu’un affreux jojo tente de le retirer… et encore, je crois que personne l’aurait fait : l’ambiance était respectueuse, pas du tout salace.

— Oui d’accord mais… en plus d’une ambiance festive, est-ce que ça aurait pas aussi créé… autre chose ?

— Oui, une atmosphère presque familiale. J’ai fait en sorte que les âges soient mélangés, que des petites se douchent à côté de grandes, tout ça. C’était adorable ! Des ados lavaient les cheveux de fillettes comme des mamans. Puis aussi, c’est important qu’à sept ans on puisse voir l’évolution d’un corps.

Comprendre à quoi on va ressembler : ça donne envie de grandir !

— Je parle de… quelque chose de supplémentaire. Je parle d’une sorte d’atmosphère, comment dire… un peu chaude.

— Ah pour ça ! Chaque soir les filles se sont transformées en œuvre d’art : Violette me l’a confié plusieurs fois : faussement innocentes, les minettes font exprès de se mettre sous le halo de lumière et se douchent ou se sèchent en admirant leurs propres silhouettes s’agrandir, se rétrécir, changer de couleur. Et pas seulement comme un jeu de gamin qui se regarde dans un miroir déformant ! Plutôt en se mettant bien de profil, en se cambrant avec grâce et majesté… Et que les petits culs tout ronds s’en dessinent mieux, accompagnés des petits seins qui ressortent, et qu’on se met sur la pointe des pieds pour rendre le tout plus harmonieux, bien montrer les jambes toutes fines…

Me traite pas de pervers, je te restitue mot pour mot

ce que Violette m’a raconté !

— C’était pour regarder leurs propres ombres ou pour les projeter aux mecs ?

— A la fois s’admirer soi et se savoir admirée par l’autre.

— Elles ont pas trop fait d’étalage ?

— Elles auraient pu. Ainsi qu’une concurrence entre filles, à celle qui serait la mieux formée. Mais là encore l’ambiance était bienveillante ! Les filles ont préféré jouer sur l’élégance.

— La grâce, l’élégance ? La sensualité plutôt !

— C’est une alchimie ! Grâce plus élégance plus nudité égal sensualité.

— Avec les plus petites à tenter de les imiter paraît-il !

— Et chaque soir les petits mecs d’assister au spectacle. Le premier soir à en rigoler un peu, en s’interrogeant sur quelle silhouette appartenait à qui, et puis tout a vite changé.

— Normal, l’ombre chinoise qui grandit, rétrécit, change de couleur… ça donne un parfum d’irréalité.

— T’as tout compris ! Je m’arrangeais aussi pour qu’il y ait de l’encens qui brûle… Et j’ai pas pu descendre de sono mais du haut de l’escalier, je mettais une musique langoureuse…

— Si t’avais pu t’aurais installé des amplis et une boîte à fumée !

— Clairement ! Après c’est un projet un peu compliqué à défendre auprès de la compta.

— T’es allé bien loin pour bien peu, non ?

— C’était un jeu de séduction pour le plaisir du jeu,

de l’art et du spectacle !

Sans idée de drague ! Hyper éducatif.

— En tout cas j’avais jamais fait de colo où les douches duraient si longtemps. Et où tout le monde se précipite pour y aller !

— Qu’un garçon ait hâte de voir une fille de son âge toute nue, même de cette manière pudique et légale, est logique.

— Je craignais un festival de rires gras et de blagues idiotes. Et ils en ont fait un moment sacré ! Se déroulant dans un silence limite religieux !

— Les filles n’auraient rien fait sans ces garçons fascinés. Les garçons n’auraient rien fait sans filles fascinantes.

— Raconte-moi la genèse du projet !

— Quand je suis arrivé sur les lieux, j’ai vu à quel point les locaux étaient mal foutus. Au début j’ai songé que ce serait un tour les filles, puis une demi-heure après les garçons. Mais l’accès aux douches était incontrôlable.

Là oui

on en aurait eu des petits voyeurs ! Ou petites voyeuses.

Et puis on avait trop peu de temps le soir, trop de groupes à doucher.

— Je sais, t’as fait au mieux avec des locaux trop petits pour un tel nombre !

— Mon spot passant lentement par toutes les couleurs a été LE moyen d’éviter les blagues salaces. Tu vois le style ? Au lieu de fuir le problème, tu plonges dedans. Tu le magnifies ! La lumière du jour laisse distinguer les corps nus ? Eh bien, on va encore plus les mettre en avant. Et on va les mettre ainsi… en valeur. Se valoriser soi-même c’est important. D’esprit comme de corps !

— Il n’en tiendrait qu’à toi y aurait aucun drap blanc et garçons et filles se doucheraient ensemble !

— Mais non ! Les interdictions et tabous nous poussent à être imaginatifs… Heureusement qu’il y en a.

— Donc t’as voulu faire de cet espace une… procession du masculin et du féminin.

— Exactement.

— Sauf qu’au final ça a juste été une procession du féminin.

— Je pense que les filles auraient aimé, elles aussi,

regarder les garçons en ombres chinoises !

Mais… pas assez de temps pour ça. Les douches pouvaient pas non plus durer une heure ! Déjà qu’on en était pas si loin et que ça débordait de plus en plus sur le temps de veillée… Alors une sorte de hiérarchie s’est installée d’elle-même. Niveau nudité, fascination, les filles sont les boss. Depuis toujours et pour toujours !

— Quand je pense qu’ils sont venus nous suggérer que le matin une bonne petite douche était excellente pour la forme, et qu’il en fallait donc deux par jour. Ce qu’on leur a parfois accordé. Parfois seulement… le budget aurait été explosé !


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