Aujourd’hui, c’est l’auteur Arnaud Vauhallan qui s’est prêté au petit jeu des questions…
. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?
Pour moi ce sont les personnages qui déclenchent l’histoire. Répondre à la question « Qui ? » c’est déjà raconter une histoire. Créer des personnages c’est déjà écrire leur histoire. Tout part de là.
. Quelles sont les techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?
Il faut être prêt à affronter sa propre médiocrité. Il faut continuer, même si le début n’est pas convainquant, même s’il y a des défauts. Et surtout, comme dit Régis Jauffret, que j’aime beaucoup « Ne cherchez pas à faire de la littérature. Vous en ferez de toute façon. »
. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?
C’est une discipline. Pour moi, c’est agréable d’imaginer une histoire et des personnages, mais ensuite il faut rédiger et corriger, c’est plus fastidieux. Selon moi il faut avoir des heures où on le fait. En ce qui me concerne, c’est la nuit, quand tout le monde est couché. Il faut le faire régulièrement, même seulement une heure par jour.
. Quelles sources d’inspiration pour écrire ? Simplement l’imaginaire, ou bien la vie personnelle, celles des autres, les médias ?
Il faut faire feu de tout bois. L’inspiration… on en fait des tonnes avec ça alors que ça n’est pas la question. À force d’écrire on ne se pose même plus la question de l’inspiration, d’ailleurs. C’est la transpiration, qui compte. Le travail.
. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?
Je ne sais pas. Moi j’écris parce que je n’ai pas appris la musique, par exemple. Je préférerais être compositeur. Mais non, ça n’est pas une thérapie d’écrire. C’est un métier. J’écris en pensant à mes lecteurs et à la joie que je peux leur apporter. Est-ce que l’art libère plus que l’artisanat ou la dentisterie ? Je n’en sais rien. On ne demande jamais aux dentistes s’ils font ça comme une thérapie, on le demande toujours aux écrivains.
. Une idée du visage du lectorat ? Est-il simple d’établir une communication avec ses lecteurs ?
Je n’ai pas beaucoup de lecteurs alors je les considère comme des amis, a priori ils me suivent sur les réseaux sociaux. J’ai énormément de mal à me considérer comme « l’écrivain » et eux comme « mes lecteurs », même s’ils m’ont connu de cette manière. Ce sont des gens qui me parlent, je leur réponds, dans un rapport d’égalité.
. Comment accorder la vie d’auteur érotique avec une vie plus classique (de famille , de bureau…) ? Faut-il ou non cacher cette activité littéraire ?
Je ne sais pas. Personnellement, je ne la cache pas. Je dis de moi-même que je suis pornographe. C’est injuste mais c’est moins mal vu dans la littérature que dans le cinéma, si j’étais acteur, je serais estampillé « acteur porno » à vie. Quand on écrit, ça n’est pas le cas.
. Des projets actuels en cours ? Littéraires, ou autres ?
Je suis toujours en train d’écrire au moins quinze manuscrits en même temps.
. Les thèmes «sulfureux» sont-ils ton domaine de prédilection ?
Bien sûr. Les écrivains, les artistes, sont là pour ça, pour jouer avec les limites, les interdits, c’est aussi ce qui permet de les poser. Si l’art n’est pas du tout subversif, s’il n’est que décoratif, autant acheter du papier-peint.
. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Quel a été le déclencheur ?
Oh, j’ai toujours voulu écrire, puisque je ne connaissais pas la musique. À douze ans quand j’ai commencé, je faisais surtout du polar, et puis j’ai fait un peu de tout avant de trouver mon thème (la survie). C’est en écrivant des scènes d’amour dans des romans que j’ai constaté que j’avais du talent pour ça, pour l’érotisme.
. Auteur professionnel, semi-pro, amateur ? Si amateur : l’activité principale est-elle secrète ? Si pro : est-il difficile de vivre de sa plume, de nos jours ?
Semi-pro, je suppose, puisque j’ai un travail et un salaire en dehors de mes activités littéraires, mais ces dernières sont souvent rémunérées. Je suppose que c’est très dur de vivre uniquement de ses droits d’auteur, je n’ai jamais essayé. Le fait d’avoir un salaire qui tombe tous les mois me bouffe certes huit heures par jour mais c’est également ce qui me permet d’écrire ce que je veux. Ça donne une grande liberté. Je ne dépends pas du désir des autres, du bon vouloir des éditeurs, de la mode, je ne dépends que de moi.
. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?
Je conseille d’avoir carrément plusieurs pseudonymes. Imaginez que vous vouliez faire de l’érotique et du jeunesse, par exemple…
. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?
Autant que les autres œuvres. Évidemment les œuvres érotiques ont une fonction je l’espère masturbatoire pour le lecteur mais ça ne doit jamais vouloir dire que les autres fonctions sont éteintes. On peut parler d’amour, de politique, de philosophie, d’égalité, de genre, d’orientation sexuelle, on peut parler de tout dans une œuvre érotique. C’est comme quand vous êtes réalisateur : si vous faites un film d’horreur il ne va pas seulement être horrifique, c’est d’abord un film, même s’il répond aux codes de l’horreur. Le film peut être un chef-d’œuvre. C’est pareil avec l’érotisme. Bien sûr notre société arrosée de pornographie mainstream nous fait oublier ça, mais c’est pourtant vrai. Une œuvre peut être horrifique ou érotique et être un chef-d’œuvre. Rien n’est un sous-genre.
. Livre érotique : simple amusement ou bien outil de développement personnel ?
Ni l’un ni l’autre. C’est un livre à part entière.
. On accuse la littérature érotique… d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?
C’est peut-être justifié, je ne sais pas, je ne lis pas les autres auteurs érotiques. En ce qui concerne mes nouvelles érotiques ce serait, je l’espère, totalement injustifié.
. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?
Moi, je suis un artisan. Tout ce que je fais je le fais avec amour, à la main, en y mettant beaucoup de travail. Selon moi un robot ne connaîtra jamais l’échec, la peur, la tristesse, la colère, l’excitation sexuelle, il pourra donc seulement faire semblant d’écrire. Même si c’est très bien imité, ça ne sera jamais de la littérature.
. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?
Pour les français vivants, j’ai cité Régis Jauffret déjà, j’aime sa manière de travailler. J’aime beaucoup Annie Ernaux, bien sûr, elle a changé la littérature française, c’est un génie, comme Marguerite Duras.
En dehors de la France, j’aime beaucoup Virginia Woolf. Hubert Selby Junior, aussi, il faut absolument lire Le Saule. Je ne lis pas de littérature érotique, je l’ai déjà dit. Je suppose que j’en écris trop, ça ne me dit rien.
. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?
Je pense que c’est exactement le contraire en littérature érotique, on lit ce qu’on aimerait vivre mais qu’on ne peut pas vivre. Néanmoins il y a un lien entre horreur et érotisme, comme il y a un lien entre Eros et Thanatos. J’écris d’ailleurs de l’horreur également. Le point commun est qu’on écrit certains passages avec l’idée de faire frissonner le lecteur, que ce soit de désir ou de peur.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur sa page Lulu. Mais aussi et surtout, lisez la seconde partie de cet entretien (à partir du 9 juin 2025).