Seconde partie de l’entretien avec l’auteur Arnaud Vauhallan…
. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?
L’art a des limites, tout comme la liberté d’expression. Nous avons une éthique en tant qu’artistes. Personnellement, je ne touche pas à la pédophilie, la nécrophilie, l’inceste ni la zoophilie. Et dans mon œuvre j’essaie de faire passer le message qu’un fétichiste, par exemple quelqu’un dont le fantasme est de se faire violer, est fétichiste de la mise en scène de viol. Puisqu’il est consentant, il ne peut s’agir d’un véritable viol. De la même manière, les masochistes ne rêvent pas d’être réellement torturés, etc. Bien sûr dans la littérature on peut écrire une scène non-consensuelle mais on l’écrit pour des gens qui ont une sexualité consensuelle.
Si on prend l’exemple de Bastien Vivès et de ses bandes-dessinées érotiques tournant autour de la pédophilie incestueuse, je dirais que ça ne doit pas être censuré parce qu’il existe des gens qui ont ce fantasme, et puisque ce sont des dessins on ne peut pas considérer qu’il s’agit de pédocriminalité, mais ça ne doit selon moi surtout pas être considéré comme de la littérature érotique « normale », ni être mis en vitrine, c’est quelque chose de niche qui doit rester dans sa niche. Même s’il dessine très bien, ce monsieur n’avait pas à être mis en valeur, la réaction des féministes et des défenseurs des droits de l’enfant est parfaitement normale.
. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autres d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?
Je suppose que vous venez de le dire : dans une société de plus en plus religieuse et obscurantiste, la littérature érotique risque d’être de plus en plus réprimée, surtout si elle a quelque chose à dire sur l’égalité hommes-femmes, sur le consentement, la contraception, l’homosexualité, le sado-masochisme, etc.
On peut penser que la littérature érotique va devenir salutaire, d’autant qu’aujourd’hui les débats sur le consentement et l’égalité ont eu lieu, aujourd’hui on ne peut plus écrire du point de vue du héros mâle, hétérosexuel, blanc, qui va baiser plein de femmes et y prendre du plaisir, sans que la question de la réciprocité du plaisir ne soit évoquée.
Même dans le polar on ne peut plus faire ce que faisait San Antonio, avec tout le respect que j’ai pour lui, les personnages féminins ne peuvent pas être là pour le seul plaisir du personnage principal masculin. Aujourd’hui les femmes sont considérées comme des êtres humains, elles ne peuvent plus être des potiches ni des objets sexuels, elles sont des sujets sexuels. La littérature érotique, si elle continue à exister, sera donc tout à fait nécessaire et salutaire, même si elle n’est pas lisse ni politiquement correcte, même si elle joue avec des tabous. Nous n’avons, je pense, jamais eu autant besoin d’elle.
. Quelle technique personnelle pour mieux vendre, se faire connaître ?
Je préfère ne pas donner mes techniques car elles sont vraisemblablement très mauvaises. Je conseillerais aux jeunes écrivains de faire exactement le contraire de ce que je fais, du point de vue promotionnel.
. Faut-il écrire selon le souhait du lectorat ? Ou bien selon ses propres envies ?
Il faut écrire pour les lecteurs, jamais pour soi. Mais il ne faut pas donner au lecteur ce qu’il veut, il faut lui donner ce dont il a besoin. Pour l’érotisme, ça implique de connaître les gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.
. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Pour le meilleur quand on parle de consentement et d’égalité, pour le pire quand on parle de banalisation de la pornographie. Je suis pornographe mais je crois en la pudeur, je crois que la nudité est quelque chose de précieux qu’on ne donne pas à n’importe qui, en tout cas de manière érotique, c’est différent pour les naturistes, bien sûr.
Je crois que pour certaines personnes un acte sexuel est totalement anodin et banal tandis que pour d’autres c’est très précieux voire sacré. Chacun doit s’écouter, par exemple il n’est pas question de montrer telle partie de son corps parce que tout le monde le fait si ça nous met mal à l’aise. De même, il ne faut pas se forcer à avoir ses premiers rapports à tel âge parce que c’est l’âge moyen, il faut être vraiment prêt. Ne pas se forcer.
La sexualité est la chose la plus merveilleuse de la vie, mais elle est fragile, elle peut être blessée, impactée, traumatisée, il faut prendre soin de sa sexualité.
. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?
Je ne peux pas être partout, je suis désolé.
. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels : vérité dérangeante ou affreux cliché ?
Le pouvoir et l’argent sont les arguments de séduction des hommes qui n’en ont pas d’autre. Je n’ai jamais eu ni pouvoir ni argent, je n’ai pourtant jamais eu de problème à séduire.
. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?
Je ne vois pas ce que ça peut foutre. Tant que la personne est consentante pour coucher avec vous, que vous l’ayez séduite en lui demandant « A quelle heure on baise ? » ou en lui faisant une grande cour de plusieurs semaines, ce qui importe est qu’elle soit consentante.
L’hypocrisie est surtout chez les célibataires involontaires qui veulent baiser avec n’importe quelle femme et ne comprennent pas que les femmes attendent un homme qui veut coucher avec elle, pas avec n’importe laquelle. Pareil avec la « friendzone », ça n’existe pas. Les femmes ne sont pas là pour coucher avec moi. Si une femme me considère comme son ami, c’est que je suis son ami. Si je veux coucher avec elle et qu’elle ne veut pas, ce n’est sûrement pas du fait de l’amitié.
. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?
Non. Je ne vois pas pourquoi l’Univers aurait été créé par une entité qui, elle-même, n’aurait pas été créée. Si le dieu des monothéistes peut être incréé, alors l’Univers aussi. J’ai une vision polythéiste, païenne, si j’étais croyant je dirais qu’il y a plusieurs dieux. Mais il n’y a aucun élément pour penser les dieux. Quand j’aurais un élément, j’y penserais, en attendant, ça n’existe pas.
. Différences hommes-femmes… Biologie ancestrale ou construction sociale ? …Ou peut-être un peu des deux ?
L’être humain est un grand singe. Et c’est aussi un être humain évoluant dans sa culture humaine. La culture est pour lui une seconde nature. Il y a des différences biologiques et des différences sociales, cependant chez l’humain le conditionnement social est plus fort que le conditionnement biologique. J’ai tendance à ne pas confondre les mâles et les femelles avec les hommes et les femmes. La plupart des hétérosexuels cisgenres sont obsédés par les différences entre les femmes et les hommes, c’est central pour eux. Il y a pourtant plus de variables d’un individu à l’autre que d’un sexe à l’autre.
. Qu’est-ce qui pourrait rendre notre rapport à l’autre plus sain ?
Moins parler de soi et écouter l’autre beaucoup plus. Se mettre à sa place. Accepter que l’autre fonctionne différemment de soi.
. Faut-il réaliser ses fantasmes ?
Bien sûr.Sauf si le Code Pénal l’interdit. Mais oui, bien sûr, il faut réaliser ses fantasmes, dans la mesure du possible. Pourquoi ne faudrait-il pas ?
. Un souvenir sexuel particulier à nous partager ? (Formidablement intense, ou au contraire incroyablement décevant)
Je déconseille formellement aux gens d’avaler leur piercing à la langue pendant qu’ils font un cunnilingus. C’est tout ce que je peux dire.
Pour tout savoir de l’univers d’Arnaud, rendez-vous dès à présent sur sa page Lulu.