Entretien avec Blanche de Saint-Cyr 2/3

Deuxième partie de mon entretien avec Blanche de saint-Cyr

 

La littérature érotique en général…

 

. Ce domaine souffre de deux idées reçues. On l’accuse  : 1 – d’avoir un style pauvre et un vocabulaire répétitif pour des histoires très clichés  2 – d’être des livres uniquement faits pour exciter. Ces on-dit sont-ils injustifiés ? Justifiés en partie ?

 

Toutes les littératures « de genre » souffrent de discrimination. Ne dit-on pas que les romans noirs sont écrits dans un style pauvre uniquement pour exciter les amateurs de sensations fortes ? Je pense qu’il existe de bons et de mauvais livres, quel que soit le sujet. Le genre ne fait rien à l’affaire, comme dit toujours Jean-François  Copé.

 

. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?

 

Il m’arrive souvent d’être surprise par les fantasmes des autres en lisant de l’érotique, l’humanité est riche et variée, les livres en sont le reflet, donc oui, ça permet une ouverture d’esprit au même titre que n’importe quelle lecture. Il existe même des livres érotiques à base de poulpes extraterrestres, de beaux-pères et de diplodocus, moi en tout cas, une telle ouverture, ça me fait réfléchir.

 

. Livre érotique  : simple amusement ou bien outil de développement personnel ? Pourquoi ?

 

Outil de développement personnel, je ne vois pas bien comment, à moins de choisir un livre sur le sexe tantrique  ?  Mais stimulateur de couple, ça c’est sûr. Lire à deux, à haute voix, s’offrir des livres érotiques, les commenter…

Pensez juste à vérifier avant que votre conjoint partage votre passion pour les poulpes extraterrestres.

 

Votre vision personnelle de la littérature…

 

. Quels sont vos coups de cœur littéraires, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

 

J’adore les « Contes pour petites filles perverses/criminelles/libertines » de Nadine Monfils. C’est noir, poétique, sanglant, drôle et très érotique.

 

. Dans un polar ou un livre d’horreur, on peut prendre plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait pourtant jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?

 

On joue avec la peur, la mort. En érotisme aussi ça permet d’explorer des sensations inédites, mais sans risque, tranquille chez soi. Tous les fantasmes ne sont pas faits pour être réalisés, au contraire le monde des rêves est un paradis à préserver. Surtout aujourd’hui où tout s’achète, tout se vend. Les fantasmes sont gratuits et disponibles à toute heure. Profitons-en.

 

. Qu’aimez-vous lire en général et pourquoi ?

 

De la littérature française contemporaine sans genre particulier, type éditions de Minuit ou P.O.L ; beaucoup de BD, du fantastique/Science Fiction/épouvante, des auteurs traduits (Asie, Afrique, Haïti, Europe de l’Est, Scandinavie, un peu de tout…), des auteurs belges, des auteurs sourds, des auteurs hongrois, des auteurs morts. Et beaucoup de femmes ! Le lien entre tout ça ? Un brin d’humour. Ne pas se prendre au sérieux me semble la politesse la plus élémentaire d’un auteur envers ses lecteurs.

 

Littérature érotique et société…

 

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?

 

L’autre limite, plus subjective celle-là, c’est le choix d’où placer le curseur fantasme/réalité. À un bout, on trouve par exemple des romances érotiques très lisses, avec des personnages amoureux, du luxe, du rêve. Moi ça me laisse de marbre, ça manque de détails réalistes, de sueur, de poils, mais pourquoi pas ? Après tout, chacun ses goûts.

 

J’ai un épisode de Chine lubrique où Liù se prostitue. Là, je pourrais placer le curseur à l’autre bout si je dénonçais les misères des travailleuses du sexe, mais à nouveau, on sortirait de l’érotisme. Je décris ici une prostitution fantasmée, esthétisée. Liù aurait pu gagner sa vie autrement, dans une ferme, dans une auberge, mais elle n’essaye même pas cette solution, elle choisit librement de vendre son corps, de même qu’elle choisit elle-même ses partenaires, ce qui n’arrive pas trop dans la vraie vie.

 

C’est une prostitution enjolivée, sans maladie, sans violence. Liù badine avec ses clients, elle joue, elle jouit. Certains vont trouver que ça manque de romantisme, d’autres au contraire que ça nie les réalités de cette profession. À chaque auteur, chaque lecteur de définir son juste milieu, ses propres tabous.

 

. De quelle façon le monde d’aujourd’hui influence-t-il votre écriture ?

 

Le monde d’aujourd’hui est hyperconnecté, c’est une bénédiction pour les auteurs. On peut discuter avec ses lecteurs, avec d’autres écrivains, proposer ses textes, tenir compte de l’avis des lectrices. C’est très motivant, beaucoup plus que d’écrire seule dans son coin, en marmonnant « à quoi bon ? » la tête sur le Bescherelle.

 

. Un mot sur vos personnages ?

 

Au départ ce sont des inconnus, je les caractérise uniquement selon les besoins de l’histoire. Puis à force de les fréquenter, de creuser leur personnalité, j’ai de l’affection pour eux.

 

. Aimeriez-vous coucher avec eux, ou certains d’entre-eux ?

 

Vraiment pas. Ce serait une forme d’inceste, non ?

 

. Injectez-vous de l’amour dans vos histoires ? Peut-on écrire du sexe sans un gramme d’amour ?

 

J’en injecte parfois, mais pas toujours. C’est loin d’être obligatoire. Par contre, l’histoire des personnages me semble importante. S’il n’y a pas de tension dramatique, le sexe est fade, c’est juste une description du Kamasoutra entre deux inconnus, une suite de pratiques sexuelles plus ou moins originales. Donc de l’amour non, mais une relation intéressante entre les personnages, oui ça me paraît indispensable.

 

. Ecrivez-vous en fonction de ce que le lecteur pourrait aimer, ou bien avez-vous l’écriture plus intuitive ?

 

J’écris en fonction de ce que j’aime trouver dans les livres, en tant que lectrice. À tenter de deviner ce que voudraient lire les autres, on reproduit ce qui existe déjà, et on risque de se vautrer dans les clichés. Mieux vaut rester soi-même. C’est d’ailleurs grâce à ça qu’il existe des romans érotiques à base de poulpes extraterrestres.

 

. Comment faites-vous pour mieux vendre, vous faire connaître, fidéliser le lecteur ?

 

J’ai un blog où les lecteurs peuvent recevoir des nouvelles érotiques gratuites, je me dis que s’ils aiment ce qu’ils découvrent là, ils auront peut-être envie de lire d’autres textes par la suite ?

 

Pour en savoir davantage sur Blanche, lisez la troisième partie de cet entretien, et découvrez ses livres ici.

 

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