Troisième et dernière partie de mon entretien avec Blanche de saint-Cyr…

 

. Si votre œuvre totale pouvait se résumer en un message, quel serait-il ?

 

Je suis heureuse que quelqu’un se rende enfin compte que j’ai un message à faire passer. Le voici  : mon gros poulet, n’oublie pas d’attacher ton manteau quand tu sortiras de la piscine après l’école.

 

Sexe et société…

 

. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?

 

Oui, le syndrome de la misère sexuelle, c’est hyper grave. Sans doute le sperme qui stagne et provoque une crise de putréfactose, comme chez Houellebecq. L’auteur regrette l’époque où les jeunes vierges étaient obligées de se marier pour s’insérer dans la société, du coup les hommes pouvaient leur imposer le devoir conjugal.

 

À l’entendre, il existerait une crise de la virilité, menacée par le féminisme. Or en réalité, il n’y a pas d’affaiblissement masculin ni dans le politique, ni dans l’économie, ni dans le quotidien. Ce discours est une stratégie face aux revendications d’égalité entre les sexes, une volonté de renouveler l’idéal de la puissance masculine. Les hommes qui se plaignent de misère sexuelle prennent les femmes pour des objets. Vous avez vu leur discours ? Comment voulez-vous qu’une femme s’intéresse à eux ?

Ma solution à la misère sexuelle serait donc d’éduquer les garçons. Et vite.

 

. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels  : vérité dérangeante ou affreux cliché ?

 

Il semblerait que ce soit vrai dans les romances érotiques ou les jeux vidéo, mais dans la vraie vie, j’en doute fort. En tout cas moi, je ne connais pas ce genre de femmes. Avec mes copines, l’intelligence, l’humour et la gentillesse nous semblent bien plus sexy que l’argent et les muscles. Comme disait ma grand-mère Florette, la beauté ça ne se mange pas en salade.

 

. Innombrables femmes harcelées au quotidien, un peu partout et depuis très longtemps  : montée en épingle de cas isolés ou triste phénomène de société ?

 

Une majorité de femmes harcelées par une minorité d’hommes harceleurs (les vrais poulpes, ce sont eux). Le droit de cuissage n’est pas un phénomène de notre société actuelle, c’est un phénomène ancestral. Mais il faut voir les choses du bon côté  : plus on en parle, moins les harceleurs se sentent légitimes. Plus les hommes normaux sont étonnés de voir que ça existe à si grande échelle, et plus les harceleurs perdent des alliés. On avance dans le bon sens.

 

. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe  : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?

 

Se passer de la séduction c’est comme zapper l’apéro pour bondir plus vite à table. À moins d’avoir un train à prendre, pourquoi préférer le fast-food à la gastronomie ?

 

Par contre, je trouve les Françaises très attentistes, elles prennent peu d’initiatives en matière de drague. Voici le conseil d’une Belge  : les filles, on a changé de siècle, alors bougez-vous, invitez les hommes qui vous plaisent, organisent des soirées sexy, et demandez vous-mêmes votre mec en mariage.

 

Par l’éducation sexuelle et affective dès la maternelle. Il existe des mots adaptés à chaque âge. Pour apprendre le respect de l’autre, le consentement, les droits des enfants. Dans les cours de récré, les petits jouent déjà à s’embrasser sur la bouche, à soulever les jupes des filles. Pourquoi attendre pour en parler, pour les éduquer ? Et les enfants abusés par des adultes, à qui profite ce silence ?

La sexualité ne devrait pas être un tabou. Après tout, on a tous deux fesses, y a pas de quoi se les peindre en vert pour les exposer au Louvre.

 

Vos valeurs et convictions…

 

. Pour vous, fidélité et exclusivité sexuelle ne doivent-elles faire qu’un ?

 

C’est à chaque couple de définir son fonctionnement. Le tout, c’est de se mettre d’accord.

 

. Avez-vous une opinion quant aux petits mouvements minoritaires orientés sur le polyamour ? Le matriarcat ?

Je suis contente de vivre à une époque et dans un pays où les mouvements minoritaires ont le droit d’exister et de vivre selon leurs convictions, dans le respect de chacun. J’espère que cette liberté, cette ouverture d’esprit, continuera de s’étendre. C’est toujours intéressant d’explorer d’autres modèles, d’autres façons de faire, plutôt que d’accepter la tradition sans se poser de question. J’admire ces personnes courageuses et intrépides, même si actuellement je ne partage pas leurs besoins.

 

. Pensez-vous qu’il pourrait y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

 

Absolument pas. Je suis athée de mère en fille depuis 3 générations.

 

. Qu’est-ce que pour vous l’égalité homme-femme ? Jusqu’où mener cette vision ?

 

Eh bien jusqu’à l’égalité totale. Un homme n’a pas de seins pour allaiter, mais il peut donner le biberon, changer les couches. Je souhaite l’égalité dans tous les domaines. Y a encore du boulot…

 

. De fortes envies de sexe au quotidien, cela s’explique-t-il par des goûts personnels ou la biologie ?

 

Par une certaine disponibilité mentale, il me semble, comme les ados ou les célibataires sans enfants. Les gens qui croulent sous les charges professionnelles et familiales ont moins le temps de penser au sexe. Ce qui nous ramène à la question de l’égalité homme-femme.

 

. Au-delà, fait-on réellement le choix de sa sexualité ? Peut-on choisir d’être hétéro, homo, d’avoir une faible ou une grosse libido, être fidèle ou infidèle, sage ou frivole ?

 

On ne choisit bien sûr pas de naître homo ou hétéro.

Pour le reste, impossible de répondre d’un seul bloc tant ces termes regroupent des réalités diverses. Certaines personnes, hommes ou femmes, ne s’intéressent pas du tout au sexe. Pour le reste, on choisit en partie (voir réponse ci-dessus), selon son mode de vie et la façon dont on l’adapte à sa sexualité. Même s’il reste des diktats, on a la chance de vivre dans un pays très libre.

 

. Est-il utile qu’il y ait un(e) dominant(e) et un(e) dominé(e) dans le sexe ? Si oui, pourquoi ?

 

Utile, non je ne crois pas. C’est juste une possibilité de jeu sexuel parmi d’autres. Agréable, sans doute.

 

. Une personne qui vous lit se met à fantasmer sur vous et à vous écrire des courriers torrides… fantasmez-vous en retour ? Prenez-vous la mouche, en riez-vous ?

 

Aucun des trois, ça me laisse perplexe. Que les gens confondent autant la fiction et la réalité, je trouve ça vaguement inquiétant. Je me demande si Fred Vargas reçoit des propositions de contrat comme tueuse de gage.

 

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