Entretien avec l’auteure Camille Sorel 1-2

Le questionnaire passé sous la plume de l’auteure Camille Sorel. Première partie…

 

. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?

Pour moi, la nécessité crée l’étincelle. Je ne peux pas faire autrement qu’écrire certaines choses, sinon elles restent en travers de ma gorge. Quand je suis dans cet état inconfortable qui ne me laisse plus le choix, je me mets au travail.

Je me suis souvent dit que j’écris comme un chat vomit.

 

. Quelles sont les techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?

La discipline bien sûr. Écrire est un loisir de luxe, j’en suis consciente. Cependant c’est un travail qui consomme de la sueur et des larmes. Je pense que le talent n’est pas pour grand chose dans la réussite d’un texte.

. Écrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?

C’est très difficile. Depuis environ trois ans j’ai perdu le plaisir. Peut-être que la publication de mon premier roman a été une telle joie, une telle fierté… et un tel embarras que j’en suis traumatisée.

Au lieu de me remettre au travail je suis restée sidérée : j’avais réalisé mon plus grand rêve, écrire un roman et le voir publié. Et ce roman semblait glorifier ce que j’aurais voulu dénoncer. Comment avais-je pu me trahir moi-même à ce point ?

 

. Quelles sources d’inspiration pour écrire ? Simplement l’imaginaire, ou bien la vie personnelle, celles des autres, les médias ?

Pour ma part, le terreau est toujours ma vie personnelle. Lorsqu’une graine germe elle s’épanouit et l’imagination prend le relais.

. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?

La vie me prend sans arrêt de court. Quand ça devient trop intense, trop étrange, trop douloureux… j’ai besoin d’écrire pour mettre en ordre. Je me relis et je comprends mieux.

Une autre raison qui me pousse à écrire depuis l’enfance est tout simplement la possibilité de finir mes phrases. Je suis le genre de personne que l’on interrompt. Très souvent, je ne suis pas prise au sérieux et il m’est difficile d’exprimer ma pensée véritable.

J’écris pour être entendue.

 

. Une idée du visage du lectorat ? Est-il simple d’établir une communication avec ses lecteurs ?

Les blogs ont permis cela – mais c’est passé de mode.

À la grande époque de Twitter, nous échangions beaucoup (scribouillard.e.s et lecteu.rice.s). C’étaient de belles années !

 

. Comment accorder la vie d’auteur érotique avec une vie plus classique (de famille , de bureau…) ? Faut-il ou non cacher cette activité littéraire ?

J’ai choisi de ne jamais cacher ma vie d’autrice érotico-pornographique. Mes fils ont toujours su que j’écrivais des histoires en rapport avec le sexe. Ils sont heureux pour moi et absolument pas intéressés par le contenu de mes publications !

Je le dis en toute simplicité si l’occasion se présente. Mais je ne dévoile mon pseudonyme qu’aux personnes de confiance.

 

. Des projets actuels en cours ? Littéraires, ou autres ?

J’ai participé à trois recueils de nouvelles aux éditions de la Musardine (Indécentes, Immorales et Ardentes). Ce sont des textes écrits par des femmes, de beaux ouvrages. Je suis fière d’y avoir contribué !

L’envie d’écrire un texte plus long se réveille doucement en moi. J’attends l’évidence.

 

. Les thèmes «sulfureux» sont-ils ton domaine de prédilection ?

Jusqu’à présent, oui. J’avais beaucoup à dire au sujet de la sexualité. Ce sujet m’intéressait et m’interrogeait.

Aujourd’hui, si je devais écrire sur ce thème ce serait, comme Ovidie dans La chair est triste, hélas ! pour expliquer mes raisons d’avoir renoncé au sexe avec les hommes. J’ai compris qu’en tant que femme hétérosexuelle – et avec mes fantasmes de soumission – j’avais plutôt intérêt à éviter l’intimité avec les mecs.

 

. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Quel a été le déclencheur ?

Depuis l’école élémentaire, j’écris. J’ai noirci des dizaines de cahiers. Je ne compte plus les cahiers et stylos achetés en urgence à l’extérieur de chez moi pour répondre à un besoin vital d’écrire.

Pendant une période de ma vie, j’ai vécu une histoire hors du commun avec un homme. Il était mon « Maître » et j’étais sa soumise. Nous avions créé un blog sur lequel nous écrivions nos aventures sexuelles, en illustrant nos textes des très belles photos qu’il prenait de moi. Ce blog a eu du succès et nous nous sommes fait connaître. C’est ainsi que j’ai reçu la proposition d’écrire un roman pour La Musardine.

. Auteur professionnel, semi-pro, amateur ? Si amateur : l’activité principale est-elle secrète ? Si pro : est-il difficile de vivre de sa plume, de nos jours ?

Je suis autrice amatrice. J’ai l’immense chance d’être correctement rémunérée par La Musardine pour mes publications. Mais même si mon roman s’est bien vendu l’année de sa parution je n’ai même pas atteint l’objectif de m’offrir un ordinateur grâce à mes droits d’autrice. Vivre de mon écriture n’est pas envisageable pour moi.

 

. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?

C’est un choix personnel. J’ai pris un pseudonyme pour ne jamais embarrasser mes fils. S’ils veulent dévoiler que leur mère écrit des histoires de cul, c’est leur décision.

Et finalement, je suis bien contente que mes collègues de travail ignorent que je suis familière de situations dans lesquelles des personnes sont mises en laisse.

 

. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?

Connaître d’autres histoires que la sienne est toujours enrichissant. Se sentir bousculé.e, avoir envie d’autre chose, éclater de rire, détester un personnage et s’attendrir sur un autre… tout ça, c’est un supplément de vie.

 

. Livre érotique  : simple amusement ou bien outil de développement personnel ?

Les deux ou bien ni l’un, ni l’autre. Ça dépend du bouquin, de nous, du moment… c’est une rencontre comme les autres. Parfois ça ne donne rien et parfois ça change la vie.

 

. On accuse la littérature érotique… d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?

Là aussi, ça dépend du bouquin.

La collection dans laquelle mon roman est publiée, Les nouveaux interdits, a pour ambition d’être choisie comme un roman de gare et de surprendre par sa qualité. Ce sont des romans qu’on peut lire d’une main et que l’on peut relire par plaisir littéraire. L’équivalent d’un Simenon, mais dans le porno.

Personnellement je déteste l’écriture érotique surannée. Les textes qui abusent des périphrases et du vocabulaire désuet me tombent des mains. Une bite est une bite. Et personne ne parle de « con » pour dire « chatte ». J’aime quand les personnages agissent avec des motivations. Les histoires où ça baise tout le temps sans aucune raison, ça ne vaut pas le coup (ah, ah, jeu de mots).

 

Merci à l’auteure pour ses réponses. Pour en savoir davantage sur son univers, Visitez sa page Babelio. Et rendez-vous sur Plume Interdite pour la seconde partie…

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