Entretien avec l’auteure Camille Sorel 2-2

Le questionnaire passé sous la plume de l’auteure Camille Sorel. Seconde partie…

 

. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?

J’ai fait le test. J’avais un synopsis en tête. J’ai demandé à l’IA de faire le résumé d’un roman en 12 chapitres racontant cette histoire. En se situant aujourd’hui et dans une ville précise. J’ai été bluffée du résultat. Mais pour que ce coup de pouce aboutisse à un roman intéressant il faut une âme humaine, un ton et surtout une intention.

Donc ok pour aider à se lancer mais en aucun cas pour écrire l’histoire.

 

. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

Je suis fébrilement admirative d’Amelie Nothomb. La femme et l’écrivaine. Je trouve ses écrits d’une justesse parfaite, ils me vont droit au cœur.

. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?

Je te sais gré de faire cette comparaison ! Lorsque l’on me demande de parler de mes récits éroticopornographiques, la question tombe inévitablement : est-ce que je m’inspire de mon vécu ? Je réponds toujours : si j’écrivais des polars ou des histoires d’horreur, vous me poseriez la question ?

La littérature érotique est comme toutes les littératures. Histoire personnelle, choses vues, grandes peurs, fantasmes… s’entremêlent. Peu importent les proportions. C’est l’objet final qui compte. Les secrets de l’auteu.rice lui appartiennent.

 

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?

L’avantage de la littérature porno, par rapport aux vidéos, est qu’elle ne blesse personne. Je peux raconter les pires horreurs, personne ne les aura subies pour mon ouvrage. Pour les fantasmes extrêmes je recommande de privilégier les livres.

Concernant les tabous et les interdits j’en ai peu, seulement deux limites. La première est infranchissable, ce sont les enfants. En aucun cas ils ne doivent être impliqués ni de près ni de loin dans la sexualité des adultes. Ils sont totalement absents de mes récits. La deuxième limite, c’est de ne pas imposer de sexualité à ceux qui n’en ont pas fait le choix. Je voudrais éviter que le sexe ne surgisse dans l’espace public. Il y a de très bons endroits pour ça, des clubs, des restaurants libertins ou des moments privés. La librairie de la Musardine affiche sur sa porte « librairie érotique réservée aux adultes ». Je trouve que c’est sain.

 

. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autres d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?

La sexualité fait partie de toutes les vies, qu’elle soit en pause, en grève, active ou solitaire. C’est un sujet humain qui n’a rien de honteux. Les espaces littéraires, les lieux dédiés, les représentations artistiques ou bien les témoignages sont légitimes. Ces espaces sont importants et doivent être protégés.

Ceux qui prônent le silence autour de ces sujets ont certainement des choses à cacher. La parole libre ne les arrange pas.

 

. Quelle technique personnelle pour mieux vendre, se faire connaître ?

Pour ma part, aucune technique. Cependant j’ai beaucoup utilisé les réseaux sociaux pour m’exprimer librement. Lorsque je suis publiée, je partage l’information. S’il y a d’autres techniques, je les ignore.

. Faut-il écrire selon le souhait du lectorat ? Ou bien selon ses propres envies ?

Mon roman s’inscrit dans une collection et répond à un cahier des charges en termes de qualité littéraire, d’ancrage contemporain et de quantité de scènes pornographiques. S’il n’avait pas été destiné à cette collection, il aurait été très différent. J’ai donc écrit non pas pour plaire à un lectorat mais pour m’inscrire dans une ligne éditoriale, ce qui est bien normal. On oublie trop souvent qu’écrivain.e, c’est un travail, pas une fulgurance intacte du génie à l’impression.

Je dirais donc qu’il faut écrire selon sa personnalité, son besoin, son style… et être réaliste sur les contraintes éditoriales sans se trahir soi-même. Un numéro d’équilibriste !

 

. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Je trouve que la vision du sexe et de l’amour évolue bien. Les jeunes me donnent beaucoup d’espoir ! Ils sont éduqués au consentement, la fluidité des genres leur semble naturelle…

Comme toute médaille a son revers, cette évolution a fait émerger son opposition, avec le courant masculiniste / trad wifes. Pourvu que les dialogues restent ouverts !

 

. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?

Quelle misère sexuelle ? Celle des incels ?

 

. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels  : vérité dérangeante ou affreux cliché ?

Le pouvoir et l’argent sont à mes yeux de formidables vecteurs d’impunité. Mais les temps changent. Les Harvey Weinstein meurent en prison et les vieux Depardieu sont au tribunal. Pourvu que ça dure, et que la honte change de camp !

. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe  : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?

Simple éthique. Faire du sexe sans passer par la séduction, la drague et la discussion c’est aller droit vers la commission d’un viol.

 

. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

Je pense qu’une force universelle joue un rôle de chef d’orchestre. Comment nommer cette force ? Pacha Mama, Dieu ou les Aliens ?

. Différences hommes-femmes… Biologie ancestrale ou construction sociale ? …Ou peut-être un peu des deux ?

Différences biologiques ponctuelles et construction sociale générale au détriment de la femme et en faveur des hommes. Il est temps que les femmes du monde entier prennent toute leur place humaine. Debout, les femmes !

 

. Qu’est-ce qui pourrait rendre notre rapport à l’autre plus sain ?

L’écoute. La véritable écoute. L’intérêt sincère pour autrui.

 

. Quelle sexualité au quotidien ? Vie sage, de couple, abstinente, libertine ?

En grève depuis 503 jours. Je suis – malheureusement – hétérosexuelle – et ne veux plus partager d’intimité avec un homme. D’abord parce que je ne fais plus confiance au seul homme que j’aime et ensuite à cause de l’affaire Pélicot. Cette affaire m’a tout simplement écœurée des hommes, banalement capable de violer tout le temps.

. Faut-il réaliser ses fantasmes ?

C’est un point sensible pour moi. Aujourd’hui j’ai 50 ans et j’ignore si j’ai eu raison de réaliser les miens. Cela m’a apporté certes le bonheur d’écrire un roman, mais aussi le malheur amoureux, et mille et un traumatismes. Est- ce que c’est raisonnable ?

 

. Un souvenir sexuel particulier à nous partager ? (Formidablement intense, ou au contraire incroyablement décevant)

Le pire jour de ma vie : une cave à Bagnolet, une dizaine hommes. Un viol collectif orchestré par l’homme que j’aimais. C’était en 2016 et j’y pense tous les jours.

 

Merci à l’auteure pour ses réponses. Pour en savoir davantage sur son univers, Visitez sa page Babelio.

 

 

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