Entretien avec l’auteur Josselin Bordat

Aujourd’hui, faisons la connaissance de l’auteur Josselin Bordat

Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?

Je n’ai que un ou deux sujets, toujours les mêmes (l’IA, le changement), traités sous différentes formes narratives. Et parfois pour d’autres histoires ce peut être un film, un livre qui inspire une reconfig où je me dis : tiens je pourrais raconter ça mais différemment.

. Quelles sont les techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?

Dans mon expérience c’est plus mon roman qui m’a poursuivi, donc j’ai fini par céder, dans la douleur.

. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?

Ça fait presque 20 ans que j’écris pour vivre, pour tout ce qui est concept/humour c’est un plaisir. Pour la fiction, que je ne pratique que depuis quelque années, c’est 90% dur, 40% plaisir. Ce n’est pas un bon pourcentage je sais, c’est dire si c’est dur.

. Quelles sources d’inspiration pour écrire ? Simplement l’imaginaire, ou bien la vie personnelle, celles des autres, les médias ?

On écrit que sur soi, ce truisme est vrai je trouve. Donc soi c’est tout ça, vie perso, lectures etc. Après on transmute ça en autre chose (2078 sur la Planète Zorb) mais bon quand même le héros a mon âge et perd ses cheveux comme moi. Mystère.

. Une idée du visage du lectorat ? Est-il simple d’établir une communication avec ses lecteurs ?

J’écris ce que je voudrais lire, à aucun moment je ne pense au lecteur autrement que pour des questions d’efficacité : est ce clair ? Drôle ? Orignal ? Mais je ne cherche pas à parler au lecteur

. Comment accorder la vie d’auteur érotique avec une vie plus classique (de famille , de bureau…) ? Faut-il ou non cacher cette activité littéraire ?

Pendant quelques années j’étais rédac chef de Crac Crac avec Monsieur Poulpe, une émission olé olé sur Canal+, et j’écrivais 2069, donc je baignais dedans, dans un milieu où c’est la honte de pas savoir qui est Sasha Grey. Donc l’érotique était plutôt un conformisme. Evidemment dans la famille je faisais pas de lectures des passages de triple fist.

. Les thèmes «sulfureux» sont-ils ton domaine de prédilection ?

Pas du tout, mon thème c’est l’ère de l’ia en gros, je n’en ai pas d’autre. Les nouvelles de sexe parlent de ça en réalité la plupart du temps, mon premier roman aussi, le prochain aussi

. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Quel a été le déclencheur ?

je suis un ancien universitaire qui a bifurqué vers l’écriture culturelle et lol avec l’explosion d’internet dans les années 2000

. Auteur professionnel, semi-pro, amateur ? Si amateur : l’activité principale est-elle secrète ? Si pro : est-il difficile de vivre de sa plume, de nos jours ?

J’ai mis quelques années à bien en vivre ; aujourd’hui l’ia rebat toutes les cartes, j’ai le sentiment qu’une ultra minorité va pouvoir être rémunérée correctement. En gros on devrait avoir un prompteur de texte par région de France, payé 4000 euros par mois, et les autres écrivant gratuitement ?

. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?

Je ne suis pas un auteur « érotique » j’ai écrit juste une collection de nouvelles. Pour connaître un peu le milieu autour de la Musardine (librairie érotique légendaire de paris) je dirais que le défi quand on écrit sur le cul c’est qu’on veut ABSOLUMENT que les gens connaissent notre nom. Sauf Marlène Schiappa, et encore.

. On accuse la littérature érotique… d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?

y a des trucs nuls et des trucs géniaux, on peut pas généraliser. En revanche il y a un défi particulier pour tout auteur qui veut écrire de l’explicite : la boite a outils stylistique classique est rincée (chibre, mont de vénus etc), sans qu’une nouvelle soit dispo. Je n’ai pas la solution à ce problème.

. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?

C’est déjà le cas, l’IA écrit mieux que 99,9% des gens. C’est un bouleversement comparable à l’arrivée de l’imprimerie, en un million de fois plus rapide (depuis 2022 en gros) donc je n’ai aucune idée des conséquences. Je ne suis pas optimiste sur le fait de trouver facilement du sens dans l’océan des textes générés. Mon sentiment a chaud c’est que la distinction auteur / lecteur paraîtra, dès les gen alpha, aussi bizarre que le cinéma muet.

. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

Je viens de lire pour la première fois l’Homme sans qualités, dont, sur les 1800 pages, je n’ai sauté que deux ou trois cent.

Les 200 premières pages décrivent exactement ce que nous sommes aujourd’hui, à un siècle de distance.

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?les seuls qui restent sont légaux et légitimes (pédophilie par exemple), ça ce sont des limites nécessaires

Plus généralement, en litterature érotique, si on voit tout, on s’en fout. Pour moi il faut cacher quelque chose, sinon on ne peut rien dévoiler. Et de manière encore plus générale, si on peut tout dire, alors plus rien n’a d’importance. Exemple : M-E. Nabe se trouvait tellement subversif de dire tout ce qu’on n’avait pas le droit de dire, le résultat de cette subversion d’ado attardé étant que personne ne lit Nabe.

. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autres d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?

Elle l’accompagne dans sa version soft : le turbo capitalisme dopé à l’IA a depuis longtemps récupéré le cul comme puissant outil d’engagement des cerveaux. En littérature, le BDSM a été édulcoré aux même fins pour devenir un produit de cons courant – tiens j’ai 10 stations de métro je vais lire le passage ou Grey attache machine dans sa salle de godes, moi Carine, 39 ans, qui ai fait ma communion.

Dans sa version hard de résistance, elle est minoritaire et inopérante. Je sais je suis péremptoire, comme Grey. Baisse les yeux putain.

. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?

j’ai rencontré la femme de ma vie sur tinder donc « pour le mielleur ».

. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?

Interdire les smartphones et tik tok, la libido humaine peut pas cohabiter et concurrencer ces machines a dopamines.

. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

Est-ce une itv clickbait où en fait à la fin on découvre que tu es témoin de Jéhovah ?

 

Merci à Josselin pour toutes ses réponses ! Pour découvrir son univers littéraire, RDV ici.

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