Entretien avec l’auteur Lilian Auzas 1-2

Aujourd’hui, faisons la connaissance de l’auteur Lilian Auzas

 

. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?

Je ne saurais le dire. Je pense que c’est différent selon chacun. Personnellement, j’ai toujours eu beaucoup d’imagination. Je n’ai donc aucun problème à inventer, à trouver une histoire. Une fiction. Mais, j’aime aussi les biographies, et plus particulièrement celles de femmes artistes. Leur destinée, leur travail, leur art, leur parcours, tout cela m’inspire.

Ce fut le cas par exemple avec Leni Riefenstahl ou Anita Berber qui m’ont inspiré deux romans. Ici, dans cet exercice d’écriture-là, j’aime me glisser dans la peau de personnages et imaginer leur pensée d’après ce que l’on sait d’eux. D’elles en l’occurrence.

J’aime recréer une « humanité » en quelque sorte. Et j’aime trouver cet équilibre entre le fait avéré, le fait historique, l’événement, et cette part d’humanité, ce for intérieur que l’on doit imaginer et créer. En tant que romancier, j’adore ça. Avec la fiction pure, le champ est plus libre – ce qui ne veut pas forcément dire que c’est plus facile.

. Quelles sont les techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?

Oh, mes tiroirs et mon ordinateur regorgent de débuts de romans ou d’idées jetées comme ça. Non, une histoire s’impose ou elle ne s’impose pas. Il arrive qu’elle s’impose plus tard. Il arrive aussi qu’elle ne s’impose pas voire jamais. Ecrire, c’est très instinctif et très concret à la fois.

On tire sur un fil et ce qui se passe alors est très surprenant. C’est comme le fil rouge d’Ariane, on est propulsé dans un dédale insoupçonné. C’est toujours satisfaisant d’en « venir à bout » comme vous dites…

Mais dans le fond, je crois qu’on n’en vient jamais à bout… C’est pour cela qu’on continue à écrire, qu’on travaille déjà sur le prochain livre ou sur un texte. Je crois qu’on n’est jamais satisfait complètement. Ecrire c’est la recherche de quelque chose d’indéfinissable. Une musique, un rythme, une image. Quelque chose de bien précis dans notre tête mais de quasi impossible à écrire. Pour rester dans la comparaison mythologique, pour moi, écrire, c’est vouloir combler le tonneau des Danaïdes.

. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?

Ecrire, c’est difficile. Parce qu’il n’y a pas de règle. Je parle de l’acte même d’écrire, pas de la grammaire, la conjugaison, etc. Ecrire, c’est véritablement conquérir un territoire que l’on ne connaît pas mais que l’on invente en même temps. C’est s’approprier l’inconnu. C’est un combat qui demande de la rigueur, de la concentration… Le plaisir vient plus tard, quand l’histoire commence à tenir debout, quand le paysage est plus lisible et maîtrisé. Ecrire, ce n’est pas une partie de plaisir.

. Quelles sources d’inspiration pour écrire ? Simplement l’imaginaire, ou bien la vie personnelle, celles des autres, les médias ?

Comme je l’ai dit au début, mon imagination travaille beaucoup. Ou alors le destin de personnages ayant existés m’inspire énormément. Il m’arrive rarement que ma propre vie m’inspire mais ça m’arrive. Pour moi, l’écriture est synonyme d’évasion, c’est pourquoi mes romans ne collent jamais à l’actualité. Je n’aime pas lire dans un roman, qu’il soit fiction pure ou autofiction, ce que je lis déjà dans les journaux.

A titre personnel, je n’irai pas lire maintenant un livre qui se passe en pleine guerre en Ukraine ou en 2025 dans l’Amérique de Trump. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire ni que ce n’est pas bien ni que ce n’est pas intéressant. Ce n’est juste pas mon truc. J’ai besoin de lire autre chose, et donc d’écrire autre chose. Mais des écrivains aiment coller à la réalité et le font très bien.

. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?

Je suis comme tout le monde. J’aurais bien des choses à exorciser, ah ah ! Il m’est arrivé d’écrire des choses personnelles, mais ce n’était pas très bon. Je me débrouille mieux je trouve en passant par la poésie même si j’en publie peu. Il y a toujours des traces de soi dans ce qu’on écrit même si c’est une fiction.

Mais dans mon cas, on est sur de l’archéologie. Si je sais où elles sont, je ne pense pas que mes proches sauraient les trouver… Cela me fait rire d’ailleurs avec Nordick, mon dernier livre qui est un roman érotique gay. Mes amis vont s’imaginer des choses… Plus sérieusement, je crois que dans l’avenir, un roman personnel m’attend. Il est dans ma tête. Il viendra. Mais ce n’est pas encore le moment.

. Une idée du visage du lectorat ? Est-il simple d’établir une communication avec ses lecteurs ?

Je ne me soucie absolument pas du lecteur au moment où j’écris. Ce serait réfléchir à un effet possible de son écriture sur le lectorat. Et ça, je ne veux pas y penser. Anticiper un effet, à mon humble avis, c’est desservir son histoire et son roman. Non, on doit écrire tout seul avec soi-même.

Sortir, écrire ce que l’on veut. Les autres, ce n’est pas le moment d’y penser. Ecrire, c’est assez paradoxal parce que si c’est un incroyable don de soi, c’est aussi et surtout un acte très égoïste : on écrit d’abord pour soi-même. Le lectorat, on s’y intéresse une fois que le livre est en librairie. Et j’adore rencontrer et discuter avec les lecteurs.

. Comment accorder la vie d’auteur érotique avec une vie plus classique (de famille , de bureau…) ? Faut-il ou non cacher cette activité littéraire ?

Je ne sais pas si je suis un auteur érotique. Je suis un auteur et parmi mes livres il y a un livre érotique. Du moins, pour l’instant. Je vois la littérature comme un vaste champ des possibles. J’écris de la fiction, de la non-fiction, des essais, de l’historique, du théâtre, des nouvelles, de la poésie… L’érotique est une corde de plus à mon arc. Nordick, j’ai adoré l’écrire mais ça n’a pas été facile.

Pour ce qui est du pseudo, je comprends tout à fait qu’on veuille en prendre un quand on écrit de l’érotique (famille, travail, etc.). Personnellement, j’avais envie d’assumer parce que ma vie à côté me le permet, et surtout, parce que je me contrefiche complètement de ce que les gens pourraient dire de moi. Que je connaisse ces gens ou non d’ailleurs. Ce qui m’intéresse, c’est d’échanger sur Nordick. Et pour l’instant, je n’ai que de bons retours de lecture. Pour une première dans l’érotique gay, je suis content.

. Des projets actuels en cours ? Littéraires, ou autres ?

J’ai toujours quelque chose sur le feu. En ce moment, je travaille un nouveau roman.

. Les thèmes «sulfureux» sont-ils ton domaine de prédilection ?

J’aime regarder là où personne ne regarde. J’aime aller là où personne ne va. Je suis intéressé par ce qui n’intéresse pas grand monde. C’était déjà comme ça à l’école. J’aime aussi ma liberté. Mon côté verseau ascendant verseau sans aucun doute. J’aime aller partout sans pour autant définir un territoire qui m’appartient. En littérature, je considère qu’il y a de la place pour tout le monde.

. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Quel a été le déclencheur ?

J’ai toujours voulu écrire. Je ne peux pas l’expliquer. J’ai toujours écrit. L’élément déclencheur pour aller vers la publication fut Leni Riefenstahl. J’écrivais un mémoire en histoire de l’art sur elle. Et puis je me suis dit : « mais c’est un personnage de roman ! » Je me suis lancé. Et là, j’ai osé montrer mon travail.

. Auteur professionnel, semi-pro, amateur ? Si amateur : l’activité principale est-elle secrète ? Si pro : est-il difficile de vivre de sa plume, de nos jours ?

Je commence à gagner un petit peu d’argent avec mes écrits. Mais ce n’est pas facile. Depuis peu, j’ai un nouveau travail. Je suis gardien d’immeuble ; ce qui me laisse du temps pour me consacrer à l’écriture. Avant, j’ai surtout travaillé dans des commerces. On me demande souvent si ma vie de quartier, mes observations en tant que gardien pourraient m’inspirer un roman.

Non, je ne veux pas. J’aurais pourtant des choses à raconter. Pareil lorsque j’étais vendeur. Si je racontais deux ou trois anecdotes dans un roman, vous me diriez que je les ai inventées… Non, comme je vous l’ai dit plus haut dans cet entretien. Je ne veux pas coller à l’actualité dans mes romans et cela passe tout d’abord par ma propre actualité si je puis dire.

 

En savoir davantage ? Découvrez son univers littéraire ici… Ou lire la seconde partie de ce questionnaire (diffusion le 28/05/2025).

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *