Entretien avec l’auteur Lilian Auzas 2-2

Retrouvons de nouveau Lilian Auzas pour la seconde partie de notre entretien…

 

. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?

Ne nous mentons pas, le sexe est partout. Je ne parle pas forcément de pornographie. Mais le sexe, il est simplement là. Il a toujours été là. On ne serait pas plus de 8 milliards d’individus sur Terre sinon… On le pratique tous ou quasiment ; et parfois même celles et ceux qui sont censés ne pas le pratiquer. Non, no tabou du moment que c’est consenti. Arrêtons avec l’hypocrisie.

Je trouve ça tout à fait normal ET sain que l’érotisme s’exprime ; ce, peu importe comment : art, littérature, musique, etc. La façon dont on traite de sexualité, dont on parle de sexe, dit beaucoup sur la société et la culture. En France, on a de la chance. On peut discuter. Le sexe, c’est quand même quelque chose de fabuleux. Je suis gay et je vis dans un pays où je peux vivre ma sexualité. Et de façon général, il y a de belles choses dans l’érotisme : Oscar Wilde a écrit de beaux textes… Erotica compte pour moi parmi les meilleurs albums de Madonna. Par exemple.

. Livre érotique  : simple amusement ou bien outil de développement personnel ?

Ça dépend. Les deux sont très bien selon mon humble avis. Cela dépend de ce que l’on attend, de ce que l’on cherche sur l’instant T. Par exemple le porno… Parfois on veut regarder un gonzo qui nous montre l’acte un peu dans ce qu’il y a de brut. Et puis, parfois, on a besoin d’une petite histoire, d’un scénario qui nous ferait fantasmer, etc. Vraiment, je crois que ça dépend de beaucoup de paramètres.

. On accuse la littérature érotique… d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?

Ecrire n’est en soi pas facile. Pourquoi écrire de l’érotique devrait être plus facile ? Au contraire, ça l’est d’autant plus à cause de ce que vous avez énuméré. Il faut travailler le récit, éviter les clichés, fouiller le vocabulaire, etc. Bien sûr, il faut émoustiller le lecteur, mais à titre personnel, le cul pour le cul, surtout en littérature, ça ne m’intéresse pas ; je vais être un peu vulgaire, mais ça ne me fait pas bander. Non plus en tant que romancier, d’ailleurs. Je voulais une histoire pour Nordick, un truc qui m’aide à faire évoluer les personnages et mon intrigue. Et je dois dire que j’ai adoré écrire Nordick.

. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?

C’est sans doute pas bien mais je suis un peu déconnecté par rapport à ça. Je n’ai pas trop d’opinion sur le sujet. Tout ce que je peux dire c’est qu’un possible roman écrit par une IA, ça ne m’intéresse pas. Je ne le lirai pas. Je ne dis pas que ça ne pourrait pas être de bonne qualité, je ne sais pas, je m’en fous. En tant qu’auteur, je n’irai pas dans ce sens-là.

Vision personnelle de la littérature…

 

. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

Pour ce qui est de l’érotique, j’adore Chloé Saffy. Son dernier roman, La Règle de Trois m’a cueilli. J’ai adoré. J’ai hâte de découvrir son prochain, La Vocation, qui sort à la prochaine rentrée littéraire. Le sujet m’intrigue. Sinon, rien à voir, j’ai adoré un petit roman norvégien qui sort le même jour que mon Nordick mais chez Actes Sud : Les Invités d’Agnès Ravatn.

. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?

Je pense, oui. On n’écrit pas forcément des choses qu’on aimerait voir nous arriver dans la vraie vie. On ne pense pas forcément ce que l’on fait dire à nos personnages, personnage principal compris. Heureusement que je n’étais pas d’accord avec tout ce que je fais dire à Leni Riefenstahl dans mon premier roman, par exemple. La littérature érotique, je crois, ne fait pas exception.

Littérature érotique et société…

 

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?

Pas de limite, pas de tabou. La littérature est un vaste champ des possibles. Ecrire des atrocités ne veut pas dire qu’on les prône. Si j’écris, je ne sais pas, une scène de viol, ou un meurtre atroce, ou quelque chose d’horrible quel qu’il soit… Je dois pouvoir le faire. Du moment que cela sert mon roman, à mon histoire.

. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autres d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?

La littérature érotique est victime de moqueries parce qu’on imagine des clichés. J’invite celles et ceux qui se moquent à en lire. De façon générale, toute la négativité qui tourne autour de l’érotisme n’a qu’un moteur : l’hypocrisie. Et la religion est hypocrite. Prenons le christianisme par exemple.

La Bible regorge d’érotisme et de tabous. On peut ne pas vouloir lire d’érotisme, ne pas vouloir s’y intéresser, aucun problème avec ça. Mais je suis contre la censure. Déjà parce que c’est idiot mais aussi parce que ce serait contreproductif.

Je n’ai aucun problème avec Dieu. J’ai un problème avec les hommes qui se réclament de lui. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent mais qu’ils me laissent vivre. On devrait les ménager… Ok, mais me ménagent-ils, eux, avec leurs propos ? Non. Et pourtant, Dieu sait que la bêtise m’offense.

 

. Quelle technique personnelle pour mieux vendre, se faire connaître ?

J’écris ce que j’ai envie d’écrire. C’est un acte très intime. Je ne pense absolument pas aux ventes et à ces choses-là.

 

. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Je suis né en 1982. J’ai grandi avec cette schizophrénie sociale où tout commençait à être permis, où tout choquait, etc. J’étais là quand Madonna a sorti Sex et j’ai vu les malades du SIDA. J’ai un recul devant tout ça. La pornographie ne me choque pas ; je ne veux pas dire qu’il faut la montrer facilement, non. Mais j’ai ce recul nécessaire.

Si je me mate un gang-bang, ça veut pas dire que je veux participer à un gang-bang. Quand j’entends des gens qui accusent le porno de tous les maux, ça m’enrage un peu. Déjà parce que les gens ont une vision tronquée du porno à cause de la généralisation du gonzo. Le porno, ce n’est pas ça. Le porno, c’est plein de choses.

Si des garçons se comportent mal, c’est avant tout un problème d’éducation. J’ai vu du porno ado, comme tous les garçons de ma génération, comme celles d’avant et d’après. Ça n’a pas fait de moi et de mes camarades des violeurs potentiels. Le problème est ailleurs. L’éducation et la trop facile accessibilité aux sites de cul à cause d’Internet. Tout le monde en regarde, il faut l’admettre et réfléchir à des solutions concrètes. Interdire le porno, à mon sens, provoquerait quelque chose de bien plus grave.

. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe  : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?

Ça dépend. Je ne sais pas pour les hétérosexuels, mais pour ce qui me concerne en tant que gay, ça dépend vraiment de mon envie, de mon humeur, du garçon que j’ai rencontré, de si je suis en couple ou non, etc. J’aime draguer et/ou me faire draguer. J’aime le jeu de la séduction. Et puis parfois, j’aimerais passer directement à la case sexe. Vraiment, ce n’est pas linéaire, c’est selon.

 

. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

Mon rapport au divin est personnel. Je ne peux pas en parler ni ne veux en parler. Rien de grave ou de tabou. C’est juste que je suis en chemin. Je ne sais pas.

. Différences hommes-femmes… Biologie ancestrale ou construction sociale ? …Ou peut-être un peu des deux ?

Il n’y a aucun doute sur le fait que la biologie existe et qu’un homme est un homme et une femme une femme. La différence physique ne peut être niée tout comme son « rôle » biologique. Maintenant, évidemment qu’il arrive que la nature se trompe et que le corps ne correspondent pas à qui l’on est intérieurement.

Et que par conséquent, il faille corriger cette erreur. Ce qui compte c’est d’être bien dans son corps. Ensuite, au sens sociologique, il y a des choses à revoir. Le patriarcat, etc. Personnellement, en tant qu’homme, je ne me reconnais absolument pas dans le vieux schéma du mâle dominant et cette pression sociale du mâle performant m’a beaucoup perturbé plus jeune. Et je ne parle même pas du fait que je suis gay. J’imagine bien la pression, l’injustice sociale que ressentent les filles. Heureusement, les choses changent.

. Qu’est-ce qui pourrait rendre notre rapport à l’autre plus sain ?

Le respect. Tout simplement. Respecter l’autre mais aussi soi-même.

. Faut-il réaliser ses fantasmes ?

Si on en a envie, oui. Si on considère aussi que c’est le bon moment. La seule règle à respecter c’est le consentement. Parfois, c’est aussi bien que des fantasmes restent des fantasmes et qu’ils agissent comme moteur pour d’autres actes sexuels par exemple. A titre personnel, j’ai réalisé quelques fantasmes. Certains furent décevants, d’autres absolument géniaux.

. Un souvenir sexuel particulier à nous partager ? (Formidablement intense, ou au contraire incroyablement décevant)

Je ne peux pas en parler. C’est très très très porno. Mais ce formidable souvenir illumine encore mon jardin secret.

 

En savoir davantage ? Découvrez son univers littéraire ici… Merci à l’auteur pour ses réponses !

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