Relookeuses pour apprenties séductrices

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Dans la communauté autogérée et libertaire des Trois Chèvres, on ne porte pas toujours de vêtements… Ceci dit, le soir, les tissus redeviennent instruments de séduction. Chloé et Clarisse, en vacances avec leur tante Marthe, en profitent pour jouer les « coachs relookeuses » auprès des copines de leur âge.

Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…

 

Chaque soir cependant, après dîner, nos habitudes coquettes revenaient. Normal, la température tombait et il fallait se couvrir. Là où il y a obligation de vêtements, le culte de l’apparence revient. Ce retour des complexes et des compétitions nous plaisaient bien… autant que leur absence en journée. Tout nous plaisait en somme, l’un comme son contraire : nous n’étions pas des enfants si compliquées.

Avant chaque veillée, Clarisse et moi prenions le temps de nous doucher, nous changer, enfiler des habits propres et plus féminins. Avec un certain succès. Si, enfin, de vrais regards pleins et entiers, comme je les aime ! Dieu qu’ils m’avaient manqué. Charlie était le plus charmé de tous. Et le mieux, must du must, cerise sur le clafoutis : certains ados nous zyeutaient également. Jusqu’à quinze ans ! Quel honneur.

Je ne crois pas qu’on serait sorties avec des garçons de cet âge, ni que c’était là leur souhait. Tout de même, ça faisait drôlement plaisir.

Les copines, plutôt que de voir cela d’un sale œil, nous complimentèrent et nous demandèrent conseil. C’est ainsi entre filles, les compliments précèdent souvent les demandes… Toutefois, je les savais sincères. Nous devinrent ainsi les référentes relooking de la communauté, en tout cas pour la tranche six-treize.

Ne dit-on pas qu’au pays des aveugles, les borgnes… Sans doute n’étions-nous pas les meilleurs coachs du monde : seulement, il n’y avait que nous. Estelle, si elle l’avait voulu, nous aurait battues à plate couture : ses conseils auraient sans doute été les meilleurs, et de loin.

Mais aux Trois Chèvres, la cousine restait en mode baba et se souciait de tout sauf d’apparence. Son allure lui importait peu, et elle portait parfois des frusques si ringardes que son séjour prenait des airs de voyage temporel. Elle avait ici tous les gars à ses pieds quoi qu’elle fasse, ce qui n’incitait pas à l’effort vestimentaire.

Si les garçons des Trois Chèvres la voyaient en mode minette, je crois qu’ils en perdraient la boule !

Ma foi, s’ils voulaient… ils n’avaient qu’à se montrer moins faciles à séduire.

Entre les sexes, plus chacun est exigeant, plus on se tire vers le haut. Enfin concernant Estelle, elle restait belle de toute façon.

À chaque veillée désormais, le même petit rituel se mettait en place : nous nous placions aux toilettes du Home collectif et les filles venaient nous voir, jusqu’à une bonne dizaine. Le matériel était déjà posé sur les lavabos, et chacune, tour à tour, passait devant le miroir pour se faire coiffer, pailleter, vêtir.

Elles faisaient la file, certaines arrivant en culotte ou en tenue d’Eve, les bras chargés de vêtements pour qu’on les conseille sur la robe, le pantalon ou la chemise à enfiler. Les parents passant par-là, rigolaient drôlement en voyant tout ce petit monde.

Je ne me souviens plus bien de l’étendue de notre talent… tout ça ne devait pas être si extraordinaire. Qu’importe, nos clientes étaient toutes ravies. Toutes les six-treize ans n’étaient pas à nos basques pour autant, certaines nous ignorant ostensiblement.

Il y en a même qui se sapaient encore plus mal pour bien montrer à quel point elles ne se sentaient pas concernées. La tenue nymphette a toujours été vectrice de guerres et de conflits, même entre filles. Encore que dans cette communauté, les « guerres » restaient toujours très pacifiques, si pas bienveillantes. Il est vrai que nous amenions ainsi, voire « imposions » en un sens, une partie de notre univers citadin.


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