Il y a un mystère troublant dans la chambre parentale…
Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…
Cela dit, il arrive encore aux parents de « classer le courrier ». Ça me fait plaisir qu’ils aient au moins une activité commune en dehors des repas. Tout de même, il y a là-dessous une énigme que j’aimerais résoudre. Précoce peut-être, pas au point de tout savoir, surtout en ces années où Internet et les SMS n’existaient pas, et où il n’était pas rare d’apprendre le principe de la sexualité à huit ans et de croire au père Noël à sept.
Le mystère du courrier, pas question de le laisser passer.
Parce qu’on n’en reçoit pas assez pour que des classements si fréquents aient un sens. Aussi me mets-je à m’approcher de la chambre dès qu’ils y vont. En collant mon oreille très fort à différents endroits de la porte, je repère un point où elle est moins épaisse. Le son passe un peu. Lorsqu’il n’y a pas de bruit dans l’immeuble, il me semble percevoir comme une respiration rapide et haletante.
Celle de maman, je dirais. Un peu la même que lorsqu’on fait la course avec les copines et qu’on reprend notre souffle. À ceci près que maman a le souffle très saccadé. Des fois c’est rapide, puis lent, puis frénétique, puis soupirant, puis appuyé… ses réactions sont incompréhensibles.
En tout cas mes doutes se confirment : quand ils disent qu’ils vont classer le courrier, ils ne vont pas du tout classer le courrier. C’est à se demander ce que papa fait quand il dit qu’il va faire du sport, ou ce que fait maman quand elle dit qu’elle va voir une expo. Le fait de ne pas savoir me donne une superstition du courrier. Je sais, c’est idiot. J’en viens à faire mine d’oublier d’aller le chercher quand on m’en charge.
Ce secret postal m’obsède ! Peut-être obtiendrais-je une réponse chez les voisins… les semaines qui suivent, je profite de la nuit pour aller coller mon oreille un peu partout au plancher de l’appartement.
En plus de mon appareil auditif, j’ai entre les mains mon jeu de « La mallette de l’espion » offerte par tata Marthe. Parmi les accessoires il y a une espèce d’entonnoir électronique pour écouter à travers les murs. Ça a beau être un jeu de gamin en plastique, ça ne fonctionne pas si mal. On vit dans les grands ensembles, ces fameux immeubles censés être provisoires qui existeront toujours quarante ans plus tard. Les murs y sont peu solides, mal insonorisés. En journée on entend l’eau couler, les enfants jouer, les engueulades.
Ça me fait plaisir car je constate souvent que par rapport aux autres, ça ne va pas si mal entre papa et maman. Ainsi, je découvre que d’autres couples classent le courrier la nuit.
Certains de façon bruyante, surtout les filles dont des gémissements ou cris me parviennent parfois aux oreilles.
Ont-elles mal ? Les rapports entre hommes et femmes consistent-ils à se faire souffrir ?
Je ne suis pas sûre, car ce ne sont pas les mêmes cris que ceux des films d’épouvante que je vois en cachette certains soirs. Ils sont plus singuliers, ambigus. Quant aux garçons, leur souffle est si rauque que je ne sais jamais si le partenaire est un homme ou si la belle est en compagnie d’une bête.
Le mystère s’épaissit. J’en parle à Clarisse qui, après y avoir réfléchis, pense savoir. Elle, sa maman lui parle de tout, en tout cas de bien des choses, notamment ces fameuses « choses de la vie ». Elle lui a expliqué quelques trucs concernant ce que font les filles et garçons lorsqu’ils sont grands. Bien qu’ayant une petite idée, je n’avais jamais fait le rapprochement avec ces « classements de courrier ».
Enfin quoi, ils ont déjà une enfant, moi, Chloé ! Et ils n’en veulent pas d’autres, je le sais. Puis ne suffit-il pas de s’aimer une seule fois par enfant ? Clarisse n’est certaine de rien. Elle-même pensait que s’aimer, ça se faisait en silence. L’homme dans la femme, il suffisait d’attendre patiemment que la petite graine passe.
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