Les séjours chez tata Marthe

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Chloé adoooore sa tante Marthe. Plus encore que maman, qui sait ? Les séjours qu’elle passe chez sa tante lui donnent l’occasion de vivre pleinement son côté sauvage…

Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…

 

Il paraît que tout est question de lieu. Je suis dans une école branchouille et citadine. Les enfants de bobos sont en principe éduqués à l’esprit « world » et à la tolérance : en fait c’est tout le contraire. Même les mélanges entre niveaux sont moins courants. Les « grands », si on peut les appeler ainsi, ne jouent plus trop avec les petits. L’air de rien, Plusieurs copains et copines de ma classe ne fréquentent plus ma Clarissou. Pour rattraper cette injustice, je décuple mon attention envers elle. Selon tata Marthe, dès qu’on s’éloigne un peu des villes les enfants aiment être des enfants.

Là-bas les garçons ne jouent pas les gros bras et les filles ne font pas les midinettes.

Et quand ça arrive, ça joue ensemble tout de même. Je m’en rends compte moi-même car je passe certains week-ends chez tata Marthe et Estelle, ce qui permet aux parents de classer le courrier tant qu’ils veulent. Parfois, Clarisse m’accompagne. Quand tout est réuni, c’est le paradis sur terre quarante-huit heures durant. Soleil, piscine, prairie, vaches et herbes folles. Et aussi toute une ribambelle d’enfants de tous âges avec qui jouer. Effectivement, les gosses des villes et ceux des champs ne viennent pas de la même planète.

On adore être avec eux, même si Clarisse et moi on s’offre des escapades régulières pour rester rien que toutes les deux. On se planque en forêt et on rejoue au panda-catch, en y ajoutant des raffinements de saleté.

On se roule dans l’herbe, la terre, on patauge dans la boue, on grimpe aux arbres en s’écorchant.

Quand on revient on est dans un état incroyable, nues, en sueur, pleines de boue, de la terre dans les cheveux, des brins d’herbe accrochés à la peau.

On a du mal à se reconnaître dans le miroir : parfois, nos corps sont recouverts d’une telle couche qu’on nous croirait presque habillées de la tête aux pieds. Estelle est pliée de rire : « Vous avez encore ramené la moitié de la forêt avec vous ! » dit-elle en nous ôtant les feuilles et branchettes emmêlées dans nos cheveux.

La forêt abrite des légendes, on les connaît toutes. Celle du lutin, du Dahu, du lapin de Pâques. Et aussi de façon un peu moins féerique, quoique, celle du couple qui baise. Ça, chez les enfants aussi c’est une sacrée légende ! Causez de forêt à un copain de classe un peu déluré, il vous en parlera immédiatement. On a passé un temps fou à chercher une preuve de toutes ces légendes.

Au moindre bruit, au moindre petit animal qui passe, au plus petit mouvement dans les arbres, l’impression de surprendre quelque chose… un être magique, ou un couple. Je sais désormais qu’on n’aurait jamais pu croiser de lutin ou de lapin de Pâques. Et pour le couple, au moins on aura essayé. L’important étant que les racontars nous aient permis d’explorer les bois de fond en comble. Pour rattraper cette frustration, plus tard, cette dernière légende c’est moi qui la créerai.

Marthe soupire un peu. « Mais qu’est-ce que vos mamans vont encore me dire ? ». Elles ne disent rien : personne ne leur révèle nos jeux, puis

les habits ne s’abîment pas tant que ça, vu qu’on les hôte avant de faire les folles.

Bon, comme on est bien obligées de les porter de temps en temps on les abîme malgré tout. À force, lors de ces week-ends maman ne me confie plus que de vieux vêtements chiffonnés. Elle est chouette maman, quand elle veut. Ces jeux-là ne sont que pour Clarisse et moi : on n’y a jamais invité les copains copines des maisons voisines.

 


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