Lorsqu’un coeur balance alors qu’un corps s’agite

Soirée spectacles à la communauté. Chloé réfléchit à ses sentiments amoureux…

Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…

J’enfilai la robe blanche, me peignis, me mis un peu de brillant dans les cheveux, y fis un nœud. Un petit regard dans le miroir : j’étais splendide. Me précipitant en dehors du dortoir, je m’arrêtai soudain. Non. Tout de même, je ne pouvais pas lui faire ça.

Je revins, pris la robe bleue, le peigne, et courus à la veillée. En plus, si tant est qu’on soit dans la séduction, autant être à armes égales… À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Il était tard, il faisait frais, on allait avoir froid avec nos gambettes à l’air, qu’importe, faut savoir souffrir pour être belle.

Assise avec les autres, Clarisse fut toute surprise de me voir vêtue ainsi, et toute contente que j’ai pensé à elle. Pour se changer, elle s’éloigna. La Clarisse du début d’été aurait fait le tour de passe-passe sans bouger de sa place. La Clarisse de maintenant savait que Charlie était dans le coin et que, tant qu’à faire, mieux valait qu’il assiste à une apparition de fée plutôt qu’une métamorphose de crapaud en princesse.

Le spectacle débuta sur une petite scène aménagée devant nous, le feu de bois dansant derrière les comédiens. On alterna entre petites scènes martiales et lecture de légendes médiévales. Tom fut de la partie et joua un moine, puis un soldat. Plusieurs filles avaient les yeux qui brillaient devant son jeu, pas de danger pour lui, la relève était assurée.

Coup du sort, Tom et Charlie avaient une scène commune dans laquelle ils s’affrontaient. Ça, c’était le comble. Encore qu’on ne pouvait y voir une allégorie de la réalité, car au fond ils n’avaient jamais été en bisbille. La scène fut bonne, et leurs épées de bois s’entrechoquèrent en une parfaite chorégraphie. On nous parla de dragons, de malédictions, de lutins, d’autres choses encore dont je ne me souviens plus.

En fait, je crois qu’on n’écoutait pas vraiment. Les paroles de Charlie nous parvenaient aux oreilles comme du velours, telle une jolie musique ensorceleuse. Non, ce n’était pas le même sentiment qu’avec Tom. C’était bien davantage.

Moins de passion et d’attirance physique. Plus d’amitié, de tendresse, d’amour.

Je n’aurais su l’expliquer par des mots. Ces dernières semaines, tous trois avions développé des rapports si intenses… ils avaient mûri d’eux-mêmes sans même que l’on s’en soit rendu compte. C’est maintenant qu’on s’en apercevait.

Généralement, dans le titre de chaque histoire, on retrouvait « prince », « fée » ou « chevalier ». La toute dernière se nommait « La révolte des princes ». Je sortis de mon hypnose et cette fois-ci, écoutai attentivement.

Charlie et trois autres garçons étaient des princes de différents royaumes. Après s’être fait la guerre, ils allaient devoir unir leurs forces pour vaincre l’armée d’un terrible magicien semant la désolation derrière lui. Un conte me rappelant les histoires de chevalier que je m’imaginais lors de caresses.

Les princes se disputaient, tentaient de s’entendre, se battaient et au dernier moment se réconciliaient pour s’unir contre les forces du mal. Et cette impression constante que Charlie était seul sur scène, ou entouré de faire-valoir, que la légende contée n’avait été écrite que dans le but de la faire entendre à deux filles du nom de Clarisse et Chloé.

L’histoire était comme une union fraternelle de chevaliers qui souhaitaient se battre pour aller déshabiller les princesses qui les attendaient, prisonnières du méchant. À être autant en émoi devant une simple scène, peut-être déformais-je encore la réalité… Encore que, on dit que certains contes sont bourrés d’allégories coquines. On appelle ça des lectures à plusieurs niveaux je crois. Je sortais du premier niveau de lecture que j’avais toujours connu, pour entrer dans le second, plus mature. Signe que je grandissais ?


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