Suite de notre série d’entretiens avec des auteurs sulfureux ! Aujourd’hui, découvrons Blanche de saint-Cyr…
Votre façon d’écrire et de vivre la littérature…
. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?
L’étincelle arrive toujours comme Freddy Krueger, sans prévenir, pendant mes rêveries, la nuit où le jour. À vrai dire, j’ai mille idées par semaine. Mais l’inspiration survient parce que je nourris sans cesse mon imagination de lectures, de films, d’expos, de voyages en tout genre. Mon cerveau brasse le tout et s’emballe « Que se passerait-il si Feddy rencontrait Isabelle Filliozat ? », et c’est parti.
. Quelles sont vos techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?
J’écris une première trame, ensuite je réécris et retravaille jusqu’à ce que le résultat me convienne. Je laisse ensuite le texte de côté plusieurs semaines, voire plusieurs mois, le temps de l’oublier en travaillant sur autre chose. Quand je reviens dessus, j’ai un regard neuf qui me permet de le corriger plusieurs fois à nouveau. Et ainsi de suite.
. Qu’est-ce qui fonctionne le mieux… écrire dans la joie et l’apaisement, ou plutôt dans la pression et la souffrance ?
La joie et l’apaisement donnent de meilleurs résultats, mais j’écris quoi qu’il arrive. Si on attend toujours le bon moment pour s’y mettre, on risque de mourir écrasé par un bus avant d’avoir fini le premier chapitre.
. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?
Des contraintes ? S’il s’agit des tâches rébarbatives comme les vérifications orthographiques par exemple, en effet, mais ce n’est qu’une part infime du travail, donc je ne me pose pas la question.
J’écris, ça me plaît, donc j’écris. S’il s’agit de la contrainte de trouver du temps pour écrire, c’est plutôt un plaisir aussi, donc non, des contraintes, je n’en vois pas. Ah si, en fait, j’en vois une. C’est toute cette débauche de fric, l’argent qui coule à flots dans les escarcelles des auteurs. On a beau se faire creuser des piscines pour nager la brasse parmi les Louis d’or, on ne sait plus quoi en faire. C’est épuisant à la fin.
. Avez-vous vos propres tabous en matière d’écriture ? Vous arrive-t-il de vous censurer ?
Je dois souvent me forcer à rester sur les rails de l’érotisme. Prise par le flot de l’écriture, mes personnages se laissent distraire, ils pensent à des détails tue-l’amour, ils commentent la gastro de Hanouna (c’est leur caniche) au lieu de passer au lit, bref je suis obligée de les recadrer. C’est ma seule censure. Il faut que ça reste érotique.
. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?
Autobiographique, je ne dirais pas ça, par contre le roman s’inspire forcément des goûts de l’auteur, on écrit sur ce qu’il nous intéresse d’explorer. En ce qui me concerne, j’ai une passion pour les voyages, pour l’Asie qu’on retrouve dans mes textes, mais ce qui compte vraiment, c’est l’histoire qu’on en fait.
. Avez-vous une idée du visage de votre lectorat ?
Le visage, pas vraiment. Mon lectorat se situe plutôt entre le nombril et les genoux.
. Est-il simple d’accorder cette vie forcément un peu sulfureuse avec une vie plus classique de famille ? Cachez-vous cette activité littéraire à certains ?
Ma vie n’a rien de sulfureux, les gens confondent souvent l’auteur avec son œuvre et je tiens à ma tranquillité, donc je préfère n’en parler qu’aux personnes de confiance. Ça évite pas mal de malentendus. Le monde est plein de Jean-Claude Duss.
Votre parcours, votre futur…
. Soudain, votre dernier livre se vend à 10 millions d’exemplaires… indescriptible joie ou énorme angoisse ?
Énorme angoisse : la gloire ne m’attire pas du tout, j’aime ma petite vie paisible. Je pense que si ça devait arriver, j’engagerais une actrice pour me représenter. Je la choisirais squelettique, fumeuse et très rousse avec de la gouaille et bonne descente. Ce serait amusant.
. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Qu’est-ce qui vous y a amené ?
J’ai toujours écrit, aucune autre voie ne me convient mieux. Par contre, je suis arrivée à l’érotisme par surprise. J’écrivais un chapitre de roman où un couple se retrouvait intimement après la naissance de leur premier enfant. Je n’avais pas du tout prévu d’entrer dans les détails de cette scène, mais les personnages m’ont échappé, beaucoup plus délurés que prévu, et j’ai adoré ça. Donc j’ai continué.
. Êtes-vous auteur professionnel, si oui est-ce un métier difficile ? Ou bien êtes-vous plutôt amateur ou semi-pro ? (En ce cas : votre principale activité est-elle secrète ?)
Au départ, je suis ingénieur agro, preuve qu’il n’est pas nécessaire d’être nulle en maths pour aimer les lettres. Blague à part, l’érotisme de la moissonneuse-batteuse est un sujet encore largement sous-traité dans la littérature actuelle.
. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?
Je pense que chacun gère comme il l’entend, moi j’écris sous pseudo car j’aime les jeux, les déguisements. J’aime choisir à qui je révèle ou non mon activité. Mon croque-mort, par exemple, pas sûr qu’il assumerait encore l’entretien des tombes de mes ancêtres. Et je ne vous parle même pas de mon charcutier.
. Si vous pouviez étendre votre création favorite sur un autre support, que choisiriez-vous ? B.D., peinture, cinéma, téléfilm, série télé, histoire audio ?
La BD, sans hésiter. Je dessine moi-même certaines de mes couvertures, mais je ne suis pas assez chevronnée pour la réalisation d’une BD entière. Par contre, je me suis mise au scénario.
Pour en savoir davantage sur Blanche, lisez la deuxième partie de cet entretien, et découvrez ses livres ici.