Enfin, la série d’entretiens avec des auteurs d’écrits érotiques reprend ! Pour tout dire, je n’ai plus le temps de concevoir des interviews entièrement personnalisées. J’ai donc proposé à différents écrivains et blogueurs des questionnaires préparés d’avance, deux en fait, l’un plus orienté sur la sexualité en général, l’autre davantage sur la littérature. Plusieurs ont accepté, l’un des premiers fut le poète Cyr…
« Tout ce qui peut exciter mon imagination et/ou ma libido. Il y a une quête d’immortalité sous-jacente, pour retenir ce qui échappe et le prolonger, pour le transmettre. »
. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?
Pour ce qui est de « se raconter des histoires », c’est une sorte d’évasion naturelle dans un monde parallèle. Nombreuses sont les histoires que je me raconte à moi-même, je parle aussi des poèmes pour m’endormir, rien de tout cela n’est écrit, mais nourrit sans doute de futures créations.
Pour ce qui est de raconter ces histoires, de passer à l’acte d’écriture, c’est le désir « d’inscrire dans le marbre » un vécu particulier, l’intensité d’une expérience ou d’un fantasme, d’un rêve… – tout ce qui peut exciter mon imagination et/ou ma libido. Il y a une quête d’immortalité sous-jacente, pour retenir ce qui échappe et le prolonger, pour le transmettre.
C’est l’Histoire qui crée l’histoire… le désir y circule, entre soi et avec les autres, sans doute est-ce lui le moteur.
. Quelles sont tes techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?
J’ai commencé un roman il y a quelques mois, c’est nouveau pour moi et je n’en viendrai à bout que dans un long temps je pense, j’ai besoin de laisser infuser entre les chapitres, même si j’ai la trame pour avancer et conclure. Je ne suis pas non plus un fan ou grand lecteur de romans, je préfère les formats courts : nouvelles, contes, poèmes… ou, pour les ouvrages plus longs, des œuvres philosophiques et politiques. Je n’aime pas la répétition sinon dans la réflexion, j’aime la surprise en littérature.
Pour l’écriture en poésie, l’essentiel de ma production littéraire, ma technique est donc d’écrire sur le vif, en quelques minutes, puis de relire le texte tout de suite et, si besoin, le retoucher : déroulé ou images pas clairs, phrasé mal rythmé… Le poème rejoint une pile ou une page de carnet et je passe à un autre. J’écris ainsi pendant quelques mois (2 ans maxi), jusqu’à amasser une ou plusieurs centaines de poèmes. Je fais une pause dans l’écriture et je trie, je fais des choix, quant à la qualité du texte (retenu / à retoucher / non retenu) et quant au contenu (des thématiques émergent).
Je les rassemble en différents recueils dont je vois se dessiner les courbes au fur et à mesure et dont je fixe progressivement le cadre, selon quelques idées prédéfinies (thématique, début et fin de l’histoire globale). Mes recueils peuvent être lus comme un roman, du premier au dernier poème, et l’on peut glaner des textes de ci de là qui gardent leur sens propre, indépendamment de la progression de l’ensemble de l’ouvrage. Les textes originaux subissent des transformations pour s’intégrer les uns après les autres, en veillant à conserver leur cachet initial. Mon souci d’éviter les répétitions me permet d’affiner le vocabulaire, les expressions, les images… Le travail final est de correction orthographique et mise en page ; que l’oeuvre soit « bonne à tirer » selon l’expression éditoriale dont le sens érotique peut ici être souligné.
. Qu’est-ce qui fonctionne le mieux… écrire dans la joie et l’apaisement, ou plutôt dans la pression et la souffrance ?
Autant j’ai besoin de temps et de calme pour composer mes recueils, autant un poème peut être griffonné dans n’importe quel contexte. Quoi qu’il en soit, l’amusement reste mon guide : je prends plaisir à écrire ou je n’écris pas. La souffrance m’impose des réflexions que je partage parfois, mais pas sous forme de poésie. En effet, je n’apprécie pas la poésie dépressive qui, malheureusement pour moi, se retrouve souvent en nombre dans les catalogues d’éditeurs qui font l’effort de proposer plus de poésie que d’autres.
« A mon sens, la poésie doit être sonore et/ou rythmée pour ne pas être ennuyeuse, la lecture doit couler en l’esprit comme une musique pour embarquer le lecteur et ne pas le lâcher. »
. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?
La poésie s’est progressivement éloignée des contraintes (nombre de pieds, de vers, structures diverses, rimes…) pour devenir libre. Du coup chacun écrit de la poésie un peu comme il veut. C’est tant mieux. On reste libre également de se donner des contraintes, des exigences. Pour moi, cela stimule la création. Tout comme une lecture trop « facile » m’ennuiera, je ne prends pas plaisir à simplement aligner des phrases. J’ai quasi-exclusivement privilégié la rime dans mes textes, pour ses sonorités.
J’ai aussi réalisé un recueil en vers réguliers, mais ce n’est pas le cas de tous mes textes : la musicalité et le rythme viennent aussi du choix des mots. Mon objectif est de présenter une poésie qui chante en bouche ou qui surprenne et amuse le lecteur, qui excite ses neurones ou d’autres zones érogènes… Cela demande une exigence envers le résultat de lecture de ce que l’on produit, d’en devenir satisfait ; et c’est donc un plaisir que de s’y contraindre.
On ressent un certain rythme dans tes rimes… Peut-on y voir une influence slam ? Ou chanson française ?
Sans doute il y a l’influence de Gainsbourg et du Rap-Ragga de la scène française, sinon celle ancestrale des percussions, tam-tam hypnotiques qui résonnent au cœur de l’humanité. Le Slam non, c’est un mouvement qui a émergé quand j’avais déjà commencé à écrire de cette façon.
A mon sens, la poésie doit être sonore et/ou rythmée pour ne pas être ennuyeuse, la lecture doit couler en l’esprit comme une musique pour embarquer le lecteur et ne pas le lâcher.
. Livre érotique : simple amusement ou bien outil de développement personnel ? Pourquoi ?
Ça dépend du livre. Pour un développement personnel, l’outil doit être bien conçu pour être efficace. Il peut être un déclencheur accidentel aussi, selon l’histoire de chacun, les résonances qu’il y trouve. Je vise avant tout l’amusement, l’évasion dans mes écrits.
Mon recueil « ABC De l’Eros » toutefois s’inscrit dans une démarche « pédagogique » : j’y montre une approche progressive qui mélange le doux et le dur, et qui selon mon expérience, m’a porté au ravissement orgasmique tout autant que mes partenaires. Après il n’y a pas de recette universelle, sinon que chaque situation, chaque personne nécessite une approche particulière.
À suivre…
Retrouvez Cyr sur son site : http://www.poesie-erotique.net/