Mes doigts étaient humides, poisseux, gluants…

Un extrait de ma saga « En attendant d’être grande ». Chloé est invitée chez une copine de vacances. La maman est au rez-de-chaussée, les deux amies, sont à l’étage, seules. Sandrine implore quelques caresses à Chloé…


D’une main elle enserrait mon bras, son autre main sous sa chemise, caressant sa petite poitrine sans soutien-gorge que je distinguais à travers la lumière, plus jolie que la mienne, surtout avec ces bouts qui pointaient à en percer le tissu, comme je ne les avais jamais vus. Sandrine, et ma poitrine à moi alors ? Et mon corps, et mon entrejambe ? Il n’y en avait que pour elle… Je ne lui en voulais pas.

Mon doigt désobéissant, ce fut l’intéressée qui le stoppa.

Pile à l’instant où je ne voulais plus que ça s’arrête, mon amie se crispa. Ses cuisses se refermèrent vivement, me broyant littéralement la main. Pour un peu elle m’aurait pété une phalange ! Vache, entre dent brisée au square et majeur bousillé, ils sont dangereux les jeux de l’amour et du hasard.

Par réflexe je tentai de le retirer, n’y parvenant pas, étouffant un cri de douleur pendant qu’elle en étouffait un de plaisir. Sa tête toqua contre la moquette, produisant un bruit de choc. Elle était au bout, j’eus l’intuition de l’avoir « terminée », sans bien saisir le sens. La copine se décrispa, ma main fut libérée, en compote.

Mon amie fut prise de quelques ultimes convulsions.

Quelque chose d’incompréhensible s’était déroulé.
Un long moment passa. Puis Sandrine renaquit de ses cendres.

Les rayons de bien-être, qui nous avait mélangées l’une à l’autre, se dissipaient, nous séparaient. Sandrine dans les vapes. Combat rangé bataille gagnée, Sandrine mise au tapis par ma main qui y avait laissé des plumes. Mes doigts étaient poisseux, gluants. Dressant mon majeur devant moi comme pour insulter l’humanité entière, je le fixai avec sévérité. Te voilà dans un bel état ! Ça t’apprendra à n’en faire qu’à ta tête, tu es fier de toi ?

C’était pensé avec humour… j’avais surtout

envie de sucer chacune de ces phalanges luisantes,

au moins pour savoir quel goût Sandrine avait.

Un pan de son être était sur ma peau ! Je n’osai pas, m’essuyant sur la moquette ce qui pourtant n’était guère mieux.

Quand je pense que tout avait débuté par un tout petit mot. Un petit rien ou alors trois fois rien ! L’ombre d’un soupçon, un soupçon de geste ! C’est ce qu’on appelle mettre le doigt dans l’engrenage. Pour un peu la main et le bras y passaient. Pour un peu la Sandrine m’engloutissait tout entier !

Elle émergea. Ses yeux plongèrent dans les miens, je les aperçus briller, une larme sortit d’une pupille dilatée. Moi quand je vois quelqu’un pleurer, je m’y mets aussi. Je l’enlaçai, elle se blottit en boule contre moi, me confiant jusqu’à la fin le rôle de la dominatrice.

Son corps était chaud.

Je regrettais presque d’avoir vécu une bonne partie du moment un peu à la légère. Si c’était à refaire, je le sublimerais dès la première seconde.
Je pense que nous serions restées ainsi longtemps si la réalité ne nous avait pas rappelées à l’ordre.

— Les filles c’est prêt ! Vous pouvez descendre ! Ça fait trois fois que je vous appelle !

Trois fois ? ! Sandrine avait pris la tête toute la matinée à sa maman pour qu’elle achète de la pâte à crêpes. Avant-hier elle en avait déjà fait, nous avions manqué de peu la chute en dévalant les escaliers. En général chez les enfants, il y a des mots magiques qui font accourir. Crêpe, barbapapa, gaufre, glace…
Nous répondîmes de façon très molle.

— Vous dormez ou quoi ? Elles sont toutes fraîches, elles vous attendent !

On sentait la surprise dans le ton. Il faudrait inventer un bobard : on terminait une histoire, un dessin, que sais-je. On se décida à se relever, nous aidant l’une l’autre. Il fallait être raccord avec l’état dans lequel nous étions avant de monter. On se réajusta, se recoiffa…

Même si sa mouille ne se verrait pas, elle enfila une culotte

par précaution.

Reprenant conscience de mon corps, je sentis que ma propre fente s’était humidifiée. J’ignorais qu’un sexe pouvait mouiller à ce point sans contact. Rapide coup d’œil dans le miroir. Les vêtements étaient froissés, ce n’était rien, à cet âge on froisse toujours ses vêtements. Voilà, nous étions remises… Tout du moins en apparence.

Nos bouilles n’étaient pas tout à fait les mêmes, la maman y devinerait de simples jeux d’enfants, sans d’ailleurs se tromper tout à fait. Unique détail montrant qu’aucun crime n’est parfait, cette minuscule tache sur la moquette. Je ne pense pas que la mère la verrait, et si c’était le cas jamais elle n’en devinerait l’origine.

 


 

Un autre passage de « En attendant d’être grande ». Un an plus tôt, Chloé nous conte son étonnante amitié avec le fils des voisins d’en face.

 

En représentation derrière la fenêtre

 

Julius change encore. Lui aussi ! Plus jamais on ne prendra de bain ensemble… Est-ce pour cela qu’il se met à mater dès que je suis dans ma chambre ? Julius habitant en face, sa chambre à lui est en vis-à-vis. Comme il n’y a aucun autre véritable vis-à-vis je n’ai jamais trop fait attention si le rideau était fermé, ouvert, et en quelle tenue j’étais.

A présent, chaque matin puis chaque soir il est au rendez-vous, réglé comme une horloge, posté derrière le radiateur. Se pense-t-il discret ? Ah ces mecs… Cachez le nu et tous le chercheront. Théorie de la rareté, de nouveau… et de l’aléatoire, une fois de plus confirmée. Car selon mon humeur, je peux

me changer dans ma chambre ou non, y rester vêtue ou dévêtue.

Pour Estelle, c’est comme ça qu’observe le vrai Gentleman Voyeur, qui vaut bien plus que celui de plage. La fille s’habillant, se déshabillant, se séchant, sortant de la douche… serait le plus joli tableau. A la plage c’est tout bête, soit avec maillot, soit sans, là, avec la robe qu’on déboutonne ou la ficelle qu’on dénoue, tout gagne en subtilité.

D’autant qu’une fille toute fraîche venant de se doucher, c’est ce qui la rendrait « si tendrement baisable », toujours dixit la cousine. Etre tendrement baisable pourquoi pas, même si c’est inutile puisqu’inapplicable. Le pervers, lui, préférerait la fille bourrée de soirée, en sueur. Eux aiment ce qui est sale, et puis surtout une nana n’ayant plus toute sa tête on peut en profiter.

J’ignore encore qu’Estelle a raison. Plus tard, j’aurai même du mal à coucher après la fête. Se rouler toute crade dans les draps avec un cradot, non merci. Surtout qu’à Paris, odeurs et pollutions sont plus collants encore qu’un garçon.

Autant coucher tout de suite avant la soirée,

ou bien se dire gentiment au revoir et s’attraper le lendemain après la salle d’eau.

Les mecs me trouvent pas simple… c’est le monde qui est trop compliqué, pas moi.

Je n’en reviens toujours pas de cette soudaine fascination de Julius. Il a pu me voir nue de près si souvent, désormais il se cache pour m’apercevoir nue de loin ! Quelque chose m’échappe. Les garçons seraient-ils différents si on faisait salle de bain commune, douche commune, vestiaire commun à tout âge ? Serait-ce une bonne idée…

Ou peut-être les barrières sont-elles nécessaires pour que les mâles partent en chasse et puissent un jour nous engrosser. Peut-être que sans mystère les générations futures se renouvelleraient moins. Ma peau ne lui étant désormais plus « accessible » (elle ne l’a jamais vraiment été) il la recherche, recherche d’interdit et de défi. Seule explication logique, car mon apparence n’a pas tant changé depuis notre tout dernier bain.

Moi-même en quête d’interdits, je dois être compréhensive.

Défi masculin, défi de vaincre, posséder, séduire. Epier sa proie, lutter contre les concurrents, l’approcher, la piéger, et ce depuis la préhistoire… C’est triste et beau à la fois. Planqué derrière le radiateur, si ce n’est pas d’un courage proverbial, c’est toujours un début.

Estelle dit que le mâle veut perpétuer la race en propageant sa semence partout tandis que la femelle n’a qu’un ovule à offrir. Ce qui expliquerait qu’eux chassent tandis que nous sélectionnons. Alors pourquoi Estelle sort-elle avec autant de mecs ? Remarque, ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas sélection.

Bon après, cet interdit n’en est pas vraiment un : Julius a autant le droit d’être à sa fenêtre que moi. « C’est signe qu’il grandit », me dit encore la cousine. Et d’ajouter « Signe aussi que tu devrais peut-être fermer les volets le soir ». Seulement le matin, j’aime bien être réveillée par les rayons du soleil. Et puis… D’abord indécise, je me prête assez vite au jeu,

inventant des petits trucs pour le faire enrager.

Meneuse de revue, actrice, metteuse en scène, je mets en place de savoureuses taquineries. Derrière le placard pour me déshabiller, là où il ne peut voir que ma tête et mes épaules, remettant robe de chambre pour tout déplacement. Faisant mine d’avoir chaud et de vouloir ôter ma nuisette, éteignant au dernier moment pour qu’il ne distingue plus qu’une ombre. Ne portant qu’un t-shirt ras les fesses, choisi pour qu’on voie presque, mais sans bien distinguer.

Suis-je cruelle ? Avare ou généreuse ? En tout cas j’adore. Je n’y vois aucune méchanceté, plutôt de l’espièglerie. C’est aussi une façon de le punir là où il a péché, bien que je ne sois pas certaine qu’il ait péché. Disons, j’aurais aimé qu’il se cache moins et soit plus franc. Je pensais que le jeu le lasserait. Qu’à force de me voir sans me voir, il laisserait tomber.

Mais non, cette théorie de l’aléatoire et du chien de Pavlov se confirme puissance dix.

Plus je le titille, plus il est accro.

Sa rigueur m’impressionne et me flatte, même si je me doute que mon esprit et ma personnalité n’ont aucune importance dans l’affaire. Enfin… toutes ces inventions viennent de mon cerveau.

Ce qui avait débuté comme un simple jeu d’enfant se transforme peu à peu en troublant manège. J’avoue, la situation m’enivre. Et je ne souhaite plus être si dure avec lui.


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