Il fait chaud, Timothée !

Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…

Les vacances… petit séjour avec tata Marthe, cousine Estelle et copine Clarisse, dans une petite maisonnette avec piscine louée pour l’occasion. Pourquoi ne pas en profiter pour titiller un peu un copain de plages, invité à jouer ?

Si la plage est toujours aussi belle, elle demeure trop peuplée. Compressées dans nos maillots et n’aimant pas la cohue, il nous reste le Disney Club en dernier recours. Trampoline, château gonflable et quelques camarades de jeux, on se rattrape. En deux jours on se fait un bon copain du nom de Timothée.

Marthe discute avec ses parents, ils sont tout près de chez nous et acceptent qu’on invite leur fils. Enfin un peu de piment. Pour ne pas que ma Clarisse reste toujours à la masse, je lui souffle la confidence. « Tout à l’heure on va le tester. Tu sais ? Par rapport aux maillots sur la plage et nos baignades dans la piscine ». Ouf, Clarisse a compris et est d’accord, ça la fait marrer.

Ce qui s’annonce à mes yeux comme un moment troublant n’est pour elle qu’une joyeuse gaminerie.

Timothée arrive, on joue, on boit un jus de fruit, puis je donne le signe à Clarisse et hop, avant que le copain n’ait pu dire quoi que ce soit nos vêtements sont à terre et nous à l’eau. On ne lui avait pas dit qu’on avait une piscine, Timothée est venu sans maillot et ne veut pas se faire engueuler par sa maman s’il y va en slip. On rigole, on tente de l’éclabousser, on lui dit de venir, encore et encore. Il fait super chaud, l’œil est tenté.

Pas par nos corps, par la baignade. Le copain regarde tout autour, constate qu’il n’y a personne pour regarder, puis saute le pas. On applaudit, je lui fais un bisou et Clarisse aussi, Timothée est aux anges. On entend la mobylette d’Estelle pétarader, elle revient du camp scout. Instant de panique de Tim : « T’inquiète ! C’est que la cousine. C’est elle qui nous a appris à laisser nos maillots au placard ». On l’invite à nous rejoindre aussi.

Voyant le copain et ne voulant pas le choquer elle hésite un instant, puis devant notre insistance et remarquant que Timothée a la même tenue que la nôtre et semble charmé à l’idée qu’elle vienne (le contraire m’eut étonnée),

elle se désape aussi et vient barboter à nos côtés.

L’ambiance change immédiatement car le garçon, qui n’y voyait qu’un truc marrant et un peu interdit, devient soudainement sérieux. Sérieux, oui, tant le corps d’Estelle capte toute son attention. C’est à peine s’il fait semblant de regarder ailleurs.

Les règles viennent de changer. Pour mon orgueil, c’est une jolie bourde. Clarisse et moi on se faisait une gentille concurrence au cœur d’un petit jeu de séduction envers Timothée, et voilà qu’Estelle nous met K.O. en un round. Il faut dire qu’elle a des arguments naturels de choc… On ne boxe pas dans la même catégorie. Impossible de s’en relever et rien à redire, à côté d’un physique pareil on fait pâle figure.

À peine entrée dans la piscine, le débat était déjà clos. N’étant pas de taille à lutter, tous nos efforts (même ceux de Clarisse, qui a enfin compris le vrai but de l’opération) pour nous faire remarquer du copain, restent vains. Autour de la propriété, ça s’est emballé. Le bel homme, les deux frangins, un père de famille,

tout le monde mate discrètement notre Estelle.

Pas un seul regard pour nous, je dis bien, pas un seul. Les adultes, d’accord. À la rigueur, tant mieux. Mais pour notre tranche d’âge, c’est misère qu’ils n’aient d’attention que pour les plus grandes. Refroidies, on ressort, là encore dans l’indifférence générale même s’il y avait là l’occasion de nous observer de la tête aux pieds. Timothée continue de faire quelques passes de ballon avec Estelle.

Regardant peu le ballon, il n’arrive pas à grand-chose, Estelle rit sous cape. Puis, voyant des gens dans les jardins voisins, Tim se rend compte de la situation, prend honte et ressort en se cachant, avançant accroupi jusqu’à la serviette. Je la lui aurais bien planquée rien que pour l’embêter.

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