Episode de « Dialogues Interdits », collection de petites histoires complètes uniquement constituées de dialogues…
— Il t’a fait jouir ?
— On peut pas dire, non.
— Il t’a donné au moins un peu de plaisir ?
— C’était pas si mal. Le plaisir était surtout psychique. J’ai beaucoup aimé partager avec lui ce moment de complicité.
— Il a juste tiré son coup et rien d’autre ?
— Il a pas songé à demander plus. Une branlette espagnole, une sodomie, d’autres postures, je sais pas moi.
Rien du tout, et son sexe s’est même pas rapproché de ma bouche.
Pourtant il pouvait, comme le reste j’aurais été d’accord. Après qu’il se soit retiré, je me suis dit que vraiment, c’était trop bête… J’ai donc essuyé et l’ai un peu sucé. Il vient de l’époque où on suçait beaucoup moins. Qui sait si c’était pas la première fois qu’on le lui faisait ?
— Ça lui a redonné envie ?
— Il a aimé, une semi-érection est revenue… pas de second coup. Pas grave.
— Eh bé dis donc quelle histoire.
— Quelle sale histoire ?
— Quelle… drôle d’histoire. En fait, plutôt une belle histoire !
— On devrait toutes la vivre de temps en temps.
— Coucher avec les frustrés qu’ont jamais accès aux jeunes filles telles que nous ?
— Et pourquoi pas ? Le monde serait meilleur.
— Heureuse que tu parviennes à le faire. Moi je pourrais pas. C’est curieux que tes yeux pétillent autant.
— Pourquoi ?
— D’habitude quand tu me racontes tes aventures elles sont beaucoup plus excitantes.
— Tu trouves celle-ci pas du tout excitante !?!
— En tout cas très originale. Après… bon vous avez couché quoi. D’une manière très classique, sans aucun détail singulier ou grisant. Et même plutôt des détails qui font pas rêver. Alors qu’est-ce qui t’a autant plu ?
— L’instant présent. T’y étais pas, tu peux pas comprendre.
C’est comme quand tu roules un patin à un amoureux.
C’est du déjà-vu, ça se fait partout dans le monde chaque seconde des millions de fois, et pourtant tu le vis comme un évènement exceptionnel, que t’aurais envie d’aller chanter sous les toits.
— Pour un patin avec un amoureux d’accord. Mais pour une baise molle avec un vieux SDF ?
— La magie de la complicité. Le temps de quelques câlins le fameux vieux est devenu un prince charmant et j’ai eu le sentiment de faire magnifiquement bien l’amour avec lui.
— Tu veux dire qu’il va devenir un régulier ?
— Oh, sans doute pas non plus. Peut-être qu’on couchera de nouveau ensemble… Une fois, ou deux ?
— Si tu te mets à loucher sur les vieux tas, je t’en présenterai. Dans mon quartier on les ramasse à la pelle.
— Cruelle. Pourquoi tu irais pas coucher avec eux, toi ?
— Y’en a trop.
— Et un seul. Pourquoi pas un seul ?
— Faudrait avoir le cran. Maintenant, ça nous mettrait sur un pied d’égalité toi et moi. J’aime pas que tu me dépasses dans les expériences extrêmes !
— Qui aurait pensé que t’aurais vu un petit missionnaire comme une expérience extrême ?
— J’avoue. Je sais pas si j’aurai la force de t’imiter.
— Allez courage ! J’en vois justement un là-bas… Lance-toi ! On est tout près de ma rue, je te laisse mes clés. Je vois bien que t’en as envie finalement. Tu vas voir, tu seras surprise du résultat.
— J’oserai jamais.
— Et si on y allait toutes les deux ?
— Ce serait drôle.
Offrir à un vieux qu’a rien pour lui ce dont rêvent tous les beaux jeunes hommes musclés qu’on croise.
Ce serait une belle revanche sur la vie pour le vieux en question.
— Allez viens ! On y va.
— Je sais pas.
— Pourquoi tu dis ça alors que tes pas se dirigent vers lui ?
— Parce que je te suis.
— D’accord ! Seulement je te préviens : va falloir me suivre jusqu’au bout.
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