Entretien avec l’auteure Anna Wendell 2-2

Seconde partie du questionnaire d’auteur auquel Anna Wendell nous a fait le plaisir de répondre…

 

. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?

 

Je crois hélas qu’elle le fait déjà, et c’est très inquiétant. A contrario, j’apprends à vivre avec l’IA, à connaître les outils, ses points forts et faibles. Parce qu’on n’a pas le choix, on doit prendre le train sans quoi on restera en fond de file. Pour le moment, ce que l’IA produit n’est guère qualitatif, cependant, j’ai bien peur que certains/nes lecteurs/rices ne fassent pas vraiment la différence, notamment ceux qui dévorent les livres à la vitesse éclair. Et c’est bien ce point qui m’inquiète. J’espère tout de même que la force de l’humanité restera dans son cœur et sa capacité à transmettre des émotions. Je le fais depuis bientôt 10 ans, je compte bien continuer et me mesurer à cette IA qui envahit nos vies.

. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?

 

Je suis et resterai une fan de Bernard Werber. J’ai adoré tous ses romans, je le trouve incroyable dans ses idées, ses idéaux, sa façon de voir le monde et de transmettre. Mon favori : “Le papillon des étoiles”. Dans un autre genre, la saga “La Guilde des Ombres” a mon cœur. J’aimerais arriver à la cheville d’Anna Triss rien que dans la création de worldbuilding. (voici d’ailleurs l’exemple parfait d’une auteure de romance qui possède une plume de talent)

 

. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?

 

Absolument. Comme beaucoup de lecteurs/rices disent : “On fantasme à fond sur ce héros, mais on en voudrait pas dans la vie”. J’écris de la dark qui frôle parfois le thriller et l’horreur. Clairement, j’adore travailler dans ce genre pour la psycho des personnages. C’est fascinant. Je mets un point d’honneur d’ailleurs à respecter cette psychologie. Vous ne verrez pas de psychopathe ou sociopathe tomber amoureux dans mes romans.

Au mieux, il nourrira une obsession malsaine, mais je déteste les histoires qui transforment des malades en bisounours. Pour moi, il faut rester cohérents, même en fiction. Et les personnages dangereux sont ceux qui font le plus fantasmer, c’est clair. Cela ne signifie en aucun cas que le lecteur ou la lectrice est déviant, mais que, comme tout le monde, il/elle éprouve le besoin de se lâcher, de libérer son imaginaire dans des histoires sombres pour mieux oublier ses soucis.

 

. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?

 

Je n’ai aucun tabou ou limite à la seule condition que l’œuvre (livre, série, film) soit bien classifiée et qu’il y ait les avertissements nécessaires. Parce que chaque personne a ses propres limites en termes d’érotique/horreur/déviance selon son vécu et sa sensibilité. Un sujet précis touchera énormément quelqu’un alors qu’il laissera une autre indifférente.

 

. Quelle technique personnelle pour mieux vendre, se faire connaître ?

 

Ah, le sujet sensible : la com. Tout un art, d’autant plus sur un marché qui est surchargé, voire noyé. Je dirais les réseaux sociaux d’abord, ensuite une newsletter efficace et une présence en salon/dédicace. Le plus dur est de fidéliser les lecteurs/rices, vraiment. Je trouve d’ailleurs cela de plus en plus dur d’année en année. Il faut se renouveler, communiquer sans cesse, batailler. Et en toute franchise, c’est épuisant. La com représente un bon tiers voire la moitié de mon job. Je n’ai pas de technique personnelle, je cherche encore à vrai dire. J’essaye de suivre les tendances, étudier le marché, voir ce qui fonctionne, faire de beaux visuels (Spoiler : ça ne fonctionne guère).

. Faut-il écrire selon le souhait du lectorat ? Ou bien selon ses propres envies ?

 

Encore un point sensible que j’aborde souvent avec d’autres auteures. Pour marcher, on doit suivre la tendance, faire de “l’alimentaire”. Mais en ne faisant que cela, on se perd, on perd notre flamme et notre lumière à mon sens. Aussi, je crois qu’un mix entre les deux fonctionne. C’est ce que je fais. Et il y a aussi les souhaits des lecteurs/rices qui demandent des romans, qui finalement ne trouvent pas le public.

Encore une fois, on ne sait jamais à l’avance. Chaque projet est une vraie prise de risque.

 

. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?

 

Je dirais qu’il y a deux changements opposés. Depuis une quinzaine d’année, la littérature érotique (et aussi les sites de rencontres etc.) s’est démocratisée, permettant aux femmes de s’assumer, de dire haut et fort qu’elles lisent des histoires d’amour souvent sulfureuses, qu’elles ont une vie sexuelle et qu’elles en sont fières. Je vois là un acte fort et féministe. En revanche, ces dernières années, je trouve que la tendance revient (avec la nouvelle génération) à décrier cet élan. Je trouve que la société se renferme doucement dans des tabous, des jugements. Hélas, pour moi, c’est un retour en arrière.

 

. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ?

 

Pourquoi tant de laissés pour compte ? J’ai la nette sensation que l’on connaît une période sombre (je parle pour la France notamment), que les temps sont durs, et que les réseaux salissent beaucoup les échanges humains. Beaucoup ont perdu foi en l’autre (ce qui est mon cas et que j’essaye d’améliorer). On préfère la solitude pour mieux se protéger, hélas ainsi, on se renferme, on s’écarte du monde et de la vie. La vraie vie. Mais je souhaite toujours positiver, je crois qu’on peut faire mieux et se relever.

. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels  : vérité dérangeante ou affreux cliché ?

 

Pour moi, le sexe, l’argent et le pouvoir (qui va de pair) est ce qui fait tourner le monde. C’est moche, mais c’est ainsi. On doit vivre dans cette société menée par les plus puissants. Et bien sûr que c’est réel et dérangeant.

 

. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe  : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?

 

Je dirais un jeu charmant, et une hypocrisie. Mais pas à proscrire. Même les animaux s’y adonnent. On sait où ça mène, d’autant plus avec l’expérience, mais franchement, c’est toujours un plaisir, non ? Cela dit, je ne parle pas pour moi, car en toute transparence, je suis solitaire (pour les raisons évoquées plus haut).

 

. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?

 

Comme je dis toujours : je crois en tout et en rien. De base, je suis scientifique (oui, rien à voir avec l’écriture). On pourrait croire que je suis pragmatique, mais ce n’est pas vraiment le cas. J’ai moult théories, mais sans preuve, je ne peux pas dire que j’y crois. Mes idées, je les parsème dans mes romans, notamment dans ma saga “Gardiens” qui est une suite de romans écrits à mes débuts, puis retravaillés ensuite. Comme je le disais, on met beaucoup de nous à nos débuts. Cela dit, j’ai vécu deux ou trois expériences qui me font de plus en plus croire à une vie après la mort. Et comme a dit Antoine Laurent de Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ».

. Différences hommes-femmes… Biologie ancestrale ou construction sociale ? …Ou peut-être un peu des deux ?

 

Je dirais un peu des deux. Dans le sens où, biologiquement, on ne peut nier être différents. Un homme aura plus de force par nature, une femme peut procréer. Cela dit, les différences sont essentiellement dues à la construction sociale d’une société très patriarcale. Une société qui œuvre à établir l’égalité désormais, une excellente chose.

 

. Qu’est-ce qui pourrait rendre notre rapport à l’autre plus sain ?

 

Communiquer. Pour moi c’est la base qui manque à beaucoup de monde. Je trouve qu’il y a trop de personnes fermées à la discussion, très extrêmes dans leurs idées, voire agressives (peu importe les opinions, c’est général). Les réseaux ont amplifié ces soucis à mon sens.

 

. Quelle sexualité au quotidien ? Vie sage, de couple, abstinente, libertine ?

 

Solitaire depuis des années. Et je m’en porte très bien. Les blessures poussent parfois à ce genre d’extrême. Ainsi que les amours impossibles.

. Faut-il réaliser ses fantasmes ?

 

Je suis absolument pour si on en a l’occasion. En toute sécurité bien sûr, et tant que ça n’atteint pas autrui (violence, non-consentement, enfants…).

 

. Un souvenir sexuel particulier à nous partager ? (Formidablement intense, ou au contraire incroyablement décevant)

 

Je dirais une histoire particulière. Une histoire que je souhaite de vivre à tout le monde et personne à la fois. La passion, la vraie. Celle qui détruit et embrase, celle qui ne laisse que des cendres. Une osmose parfaite, des nuits d’amour littéralement sulfureuses, des heures d’érotisme décomplexé qu’on pourrait croire exister seulement dans les romans. Le seul homme avec qui j’ai pu dormir perdue dans ses bras. Un homme qui m’a ensuite détruite malgré cet amour brûlant, qui s’est détruit lui-même. Une relation hyper malsaine au final. Je ne regrette rien, car c’était exceptionnel. Mais je refuse tout net de le revoir, car ce serait replonger dans cette spirale indécente et en ressortir plus morte que vive. Inévitable.

 

Merci à Anna pour toutes ces réponses ! A présent, visitez son site pour découvrir davantage son univers littéraire.

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