Deuxième partie de l’entretien avec l’auteur Sylvain Lainé…
La littérature érotique en général…
. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ? Simple amusement ou bien outil de développement personnel ?
Je peux témoigner de lecteurs qui ont lu Eva Delambre par exemple, et qui grâce à ses écrits ont pu trouver l’audace de s’épanouir davantage dans leur sexualité. Le partage authentique d’expérience de vie peut susciter de l’inspiration, telle une perspective glorieuse qui apparait soudainement devant nous pour dépasser nos propres limites.
Il peut devenir par effet de miroir la clé qui nous manquait pour mettre en lumière une partie encore inconnue en nous ; mettre en route le moteur d’un nouveau type de fonctionnement avec lequel nous nous sentons soudainement plus en alignement ; un accès en quelque sorte à notre souveraineté, libérée des carcans familiaux, sociaux etc… Un livre érotique peut donc nous permettre de déployer nos « ailes », et de voler au cœur de notre être soudainement mis en lumière par des mots, des idées chargées d’une énergie positive. J’en suis convaincu.
. On accuse la littérature érotique… d’avoir un style pauvre, un vocabulaire répétitif et des histoires clichés… et d’être uniquement conçue pour exciter. Accusations injustifiées ? Justifiées ?
Qui accuse de la sorte est certainement pauvre et limité en lui-même. L’attitude juste pour l’accusateur serait alors de créer au mieux quelque chose de nouveau, non pas de juger. Ceci dit, sur l’échelle de valeurs qui vont du médiocre ou génie, tout y est donc permis. C’est à mon sens une qualité à prendre en considération. L’érotisme tant critiqué possède en son cœur une véritable lumière. C’est d’ailleurs pourquoi il est tant lapidé en place publique. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet.
. L’I.A. saura-t-elle un jour, selon toi, écrire de vraies belles histoires (érotiques ou non) ? Quel sens tout cela a pour toi ?
L’I.A. peut faire la synthèse de tout ce qui existe déjà et en faire un remix à son niveau. Beaucoup d’auteurs de BD l’utilisent à notre époque pour créer des dessins. Mais rien ne remplacera le chi qu’un humain peut y mettre, c’est-à-dire son énergie, que les lecteurs sensibles ont plaisir a ressentir. Le plaisir de lire vient de là il me semble. Sinon ca sonne creux, à l’image d’un musicien qui enchainera des notes à un niveau technique, sans pour autant y mettre sa sensibilité. Le mental n’est pas le seul à pouvoir jubiler. Le ressenti doit se faire aussi au niveau des « tripes » et de l’âme.
. Un ou deux coups de cœur littéraire, que ce soit en érotique ou tout autre style ?
Les 6 tomes de DUNE de Frank Herbert constituent une histoire sur plusieurs millénaires absolument fantastique. Le dernier tome aborde le sujet d’Honorées matriarches qui veulent dominer un empire galactique grâce à l’énergie sexuelle qu’elles maîtrisent. Elles dominent les mâles grâce au plaisir total qu’elles procurent. Ceci dit, aucun contexte érotique n’est réellement mis en place. Un vrai chef d’œuvre de la science fiction.
Un deuxième coup de cœur : ORGIE de G. Marbeck. Un voyage historique sur les traces des cultes orgiaques de l’antiquité à nos jours.
. Dans un polar ou un livre d’horreur, on prend plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?
Le mystère d’écrire des choses repoussantes pour soi vient d’une profonde honnêteté et d’une inspiration débordante. C’est se connaître soi-même. Puis se faire peur en quelque sorte. Quel plaisir ! Et quel délice de la partager avec les lecteurs.
. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?
Le marquis de Sade est par excellence, avec « Les 120 journées de Sodome », Juliette, Justine et compagnie, l’écrivain des perversions extrêmes, du plaisir dans les crimes macabres et du blasphème porté à un point d’honneur où se ravissent certainement les athées les plus fanatiques. Son univers est infernal. Les surréalistes l’ont porté en lumière. Pourquoi l’interdire ? Pourquoi interdire les mots qui désignent ou expriment le pire, ce que certains définissent comme la splendeur du mal absolu ?
Parce qu’ils vont influencer les plus fragiles ? Le marquis de Sade n’a pas inventé toutes les atrocités qu’il décrit. Elles existaient avant lui dans les récits historiques du règne des tyrans, et des conquêtes sanglantes accumulées au cours de l’histoire. Les satanistes et les criminels, de nos jours, n’ont pas lu Sade. Dommage car ils auraient ainsi certainement pu canaliser leurs pulsions sordides grâce à ce type d’exorcisme : l’effet miroir de nos pensées permet à notre conscience de prendre de la hauteur. C’est le principe de base des ateliers « art plastique » mis en place dans les hôpitaux psychiatriques. Donc interdire des récits quels qu’ils soient : non. Ce qui doit disparaître disparaîtra de lui-même.
. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autres d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?
La dualité en toute chose n’a jamais été si forte à notre époque actuelle. L’érotisme en général propose aussi deux voies qui s’opposent en apparence. Une qui va dans le sens de l’obscurantisme religieux, le transhumanisme, le cannibalisme mondain. Et l’autre aspect plus lumineux de l’érotisme qui propose la femme libre dans toute sa créativité et sa magie, jusqu’à même décider d’être soumise, par amour. Par amour ou par désir d’épanouissement.
Le chamanisme et autres disciplines au service de l’humain affirment que le Féminin Sacré nous « sauvera » de la destruction. Image des défis politiques, économiques, sanitaires et climatiques dans lesquels nous sommes englués en 2025. C’est pour dire l’importance de l’énergie sexuelle, cette force de vie par excellence à prendre en compte actuellement, pour ce qu’elle est réellement. Elle est spirituelle. Et seule une conscience spirituelle (non pas religieuse), pourra permettre de co-créer un nouveau souffle pour l’humanité.
Imaginez un peu ce grand renouveau dans la connaissance de soi et du Féminin « sacré ». Les putains sacrées dans l’antiquité, initiaient les mâles dans des temples dédiés à la Déesse mère. Elles partageaient avec chaque homme les mystères de la sexualité, de son énergie. Plus elle circulait librement dans l’humain et plus la société fonctionnait de façon fluide. Et puis les guerres détruisaient tout pour permettre à un nouveau cycle de fleurir. Nous sommes à mon sens à la fin d’un cycle.
—————————-
Pour découvrir l’univers littéraire de Sylvain Lainé, voir ici ses livres en version eBook et papier, et ici en version audio.