Retrouvons l’auteure Wedreca, découverte sur le site de diffusion d’écrits en ligne Atramenta. Seconde partie de l’entretien…
. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?
C’est une question épineuse, à vrai dire… mais très intéressante.
Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer le viol dans les textes érotiques. Je pense qu’on est tous d’accord pour dire que personne n’aimerait être réellement violé(e). Et pourtant, ce fantasme d’être pris(e) de force est assez répandu chez certaines femmes (et certains hommes, sans doute aussi). Alors quoi ?
Eh bien, je dirais que le cerveau a ceci de très tordu de vouloir imaginer des choses que l’on ne voudrait pas vivre en vrai… juste comme ça… juste pour voir… juste pour se dire « et si… ».
Le truc, c’est qu’entre un meurtre dans un polar et un viol dans un livre érotique, il y a une énorme différence : le premier ne génère pas de plaisir (ou alors, il faut aller consulter), alors qu’une relation sexuelle est censée en donner. Et c’est là que se trouve toute l’ambiguïté et la gêne qu’on éprouve à lire certaines œuvres.
C’est pour cela que, par exemple, je me refuse à décrire des scènes de viol sans qu’un certain consentement ou bien irréalisme ne vienne rendre la chose acceptable. Ou bien alors, il s’agit d’un vrai viol (au même titre qu’un meurtre) et alors, je trouve que c’est une grave erreur si l’auteur(e) le décrit dans le but d’exciter le lecteur.
Mais je sais que certain(e)s auteur(e)s pensent autrement et je le respecte. C’est juste que je me sentirais trop mal à l’aise de susciter de l’excitation avec une scène allant à l’encontre de la morale (mais qu’est-ce que la morale ? Vous avez 4 heures…).
Quand je vous disais que cette question était épineuse ;).
. Quelle technique personnelle pour mieux vendre, se faire connaître ?
N’étant pas dans une démarche de vente, je ne peux pas dire que je recherche absolument la notoriété. Ceci dit, dans la démarche de publication sur une plateforme communautaire, je trouve important de lire les autres et de commenter leurs textes. La reconnaissance est le seul salaire que reçoivent ces auteur(e)s… et ça fait tellement plaisir de recevoir des commentaires. Et dans ce cas-là, c’est le fait d’échanger qui nous fait connaître.
. Faut-il écrire selon le souhait du lectorat ? Ou bien selon ses propres envies ?
Là encore, il y a deux écoles. Certains diront qu’il faut s’adapter au public tandis que d’autres diront qu’il faut d’abord écrire pour soi.
Personnellement, je me place plutôt dans le second cas. J’écris en premier lieu pour mon plaisir. Si les gens aiment, tant mieux, je suis contente. Mais s’ils n’aiment pas, tant pis, ça veut juste dire que ma plume n’est pas adaptée à leurs attentes.
Après, je comprends tout à fait qu’un écrivain qui vit de ses écrits cherche à élargir le spectre de son lectorat. Mais je ne suis pas dans ce cas-là.
. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Pour le pire, j’en ai bien peur.
Le seul point positif que je vois dans l’évolution de la sexualité à travers le temps est peut-être l’ouverture d’esprit des jeunes générations. Pouvoir embrasser ma copine dans la rue aurait été très mal vu, il n’y a encore pas si longtemps.
Mais à part ça, la pornographie et la banalisation de la violence ne font que tirer vers le bas une sexualité déjà bien amochée.
. Que faire face à cette misère sexuelle touchant toutes les couches de la population ? Pourquoi tant de laissés pour compte ?
J’avoue que j’y pense quand j’écris. Je me doute bien que beaucoup d’hommes (et peut-être aussi de femmes) se retrouvent à chercher le plaisir sexuel dans des substituts tels que la pornographie ou la lecture de textes érotiques.
Et parfois, je me demande si, en tant qu’autrice, je ne participe pas à enfermer ces gens dans une bulle d’illusions, ou au contraire, si c’est une bulle d’oxygène que je leur offre. La question reste entière.
Alors, en attendant, j’écris… en espérant que mes petits pansements érotiques aident les plus seuls à jouir d’un pan de leur vie, inaccessible à un moment donné.
. Le pouvoir et l’argent, formidables alliés sexuels : vérité dérangeante ou affreux cliché ?
Si la question est « Avec de l’argent, peut-on acheter à peu près tout en termes de sexe ? », j’ai bien peur que la réponse soit oui. J’imagine que tout a un prix, et qu’avoir beaucoup d’argent signifie avoir accès à tous les services sexuels disponibles. Mais si tous les types de baise peuvent s’acheter, faire vraiment « l’amour » reste, à mon avis, un privilège encore inaccessible par l’argent. Que l’autre vous désire au plus profond de son être et vous fasse l’amour avec son cœur, ça, ça ne s’achète pas !
. Toujours passer par la séduction, la drague et la discussion pour en venir au sexe : hypocrisie à proscrire ou jeu charmant ?
« Un jeu charmant » aurait envie de dire mon petit cœur tout mou ^^. Quel délice de se faire séduire et de gravir une à une les marches qui mènent au saint Graal de l’extase finale !
Maintenant, en ce qui concerne la littérature érotique, il faut bien souvent prendre des raccourcis. Par exemple, dans ma série des quickies (qui tourne autour des deux-mille mots par histoire), il m’est parfois nécessaire de rapidement entrer dans le vif du sujet (si vous voyez ce que je veux dire).
Mais c’est un jeu. Et comme tout jeu, le plaisir ne réside pas uniquement dans le résultat, mais aussi dans le chemin que l’on parcourt pour y arriver.
Valeurs et convictions…
. Pourrait-il y avoir une forme de divinité ayant créé l’univers ? Une vie après la mort ?
Oulala ! La question qui tue !
Je vais être très claire : je ne suis pas croyante. S’il existe un but à tout ça… à la vie… à l’univers… je pense qu’il va bien au-delà des religions que les hommes prennent pour acquises. Mais ceci n’est que mon opinion, et je respecte bien entendu toutes les croyances et les gens qui y croient.
. Différences hommes-femmes… Biologie ancestrale ou construction sociale ? …Ou peut-être un peu des deux ?
Égale ne veut pas dire identique !
Comment croire une seconde que l’homme et la femme soient identiques ? Bien sûr que non ! Maintenant, qu’est-ce qui fait cette différence… génétique ou éducation ? Je dirais les deux. Car si les petits garçons tapent dans le ballon pendant que les petites filles jouent à la poupée, il y a fort à parier que ni la génétique seule, ni l’éducation seule, n’en soit l’unique cause.
Mais est-ce une raison pour ne pas se battre pour l’égalité ? Car, au-delà des préférences propres à chacun, si une femme veut devenir footballeuse professionnelle ou un homme assistant maternel, il est un devoir pour la société de leur laisser la chance d’y parvenir.
. Qu’est-ce qui pourrait rendre notre rapport à l’autre plus sain ?
Pouvoir parler librement de sexualité, par exemple. Se sentir libre d’exprimer ses fantasmes sans peur d’être jugé.
Si j’écris sous couvert d’anonymat, c’est bien parce que, sinon, je ne me sentirais pas le courage d’écrire ne serait-ce que le quart de ce que j’écris là. Il est dommage de devoir se cacher pour fantasmer… alors que tout le monde fantasme. Nous ne nous cacherions alors plus derrière une fausse morale en carton-pâte, et pourrions assumer nos petites perversités comme autant de facettes de soi avec lesquelles on aime parfois jouer pour en retirer du plaisir.
. Quelle sexualité au quotidien ? Vie sage, de couple, abstinente, libertine ?
Simplement en couple (avec une femme). Je le précise, mais j’espère qu’en 2025 cela ne fait aucune différence.
Pour ce qui est des petites particularités de ma sexualité, sans aller jusqu’au BDSM, disons que j’ai quelques affinités avec les jeux de contraintes. Une corde ou des menottes, et je ne réponds plus de rien ! Bon, blague à part, je trouve que ce genre de jeux décuple le plaisir dans le lâcher prise et la frustration (mais pas trop de frustration quand même, hein ^^).
. Faut-il réaliser ses fantasmes ?
Bonne question !
Je pense qu’il y a autant de réponses que de fantasmes. Je sais que certains de mes fantasmes ne seront jamais réalisables, et que même s’ils l’étaient, ce n’est pas du tout dit que je prenne autant de plaisir que j’en ai eu à les imaginer.
Je pense qu’il est très agréable de réaliser de petits fantasmes, mais qu’il faut accepter de garder les plus lourds bien au chaud dans sa tête. C’est d’ailleurs la principale raison qui me pousse à écrire : vivre mes fantasmes sans limites.
. Un souvenir sexuel particulier à nous partager ? (Formidablement intense, ou au contraire incroyablement décevant)
Oh Oh ! Petit curieux !
Un des moments les plus sensuels qu’il m’ait été donné de vivre est mon premier contact charnel avec ma chérie. Je le raconte dans « Lieu de grâce », un texte que j’ai écrit sous une impulsion, à la suite d’une demande sur un forum. C’est là que je me suis rendu compte à quel point ce moment avait marqué mon corps… mon être… et ma vie.
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