Deuxième partie de l’entretien avec l’auteur Zeppo…
. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Qu’est-ce qui t’y a mené ?
Je crois qu’il n’y a qu’une seule réponse à cette question : le plaisir de faire plaisir ! En fait, je suis un continuel militant. Tout ce que je fais dans la vie, j’y mets un sens. La littérature érotique a cela d’important pour moi : le corps et l’esprit sont touchés ensemble. C’est lorsque je m’en suis rendu compte que j’ai glissé vers cette littérature. Il n’y a que peu de temps que je m’intéresse à ce qui s’est fait avant. Et ça n’a fait que confirmer ce que j’avais remarqué : le livre le plus distrayant du monde peut être chargé de sens, si on veut bien ouvrir son esprit pour recevoir le message de l’auteur. Je sais que mes mots écrits ont fait jouir des gens… Et je crois que ce fait a autant changé ma vie que la leur…
Mais il serait difficile de répondre à cette question sans préciser que jeune adolescent, je me suis branlé de nombreuses fois à la lecture de Xaviera, de Xaviera Hollander. On revient toujours à nos premiers amours !
. Es-tu auteur professionnel, si oui est-ce un métier difficile ? Ou bien es-tu plutôt amateur ou semi-pro ? (En ce cas : ta principale activité est-elle secrète?)
Je suis un simple amateur ! Je n’ai aucune prétention quant à l’écriture. J’écris pour le plaisir et continuerai de le faire tant que le plaisir sera au rendez-vous. Mon activité principale, je ne peux pas vous la dévoiler sans vous tuer juste après !
. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?
Je ne crois pas qu’utiliser un pseudonyme soit forcément ne pas assumer ses écrits. J’utilise un pseudonyme pour être plus tranquille, certes, mais aussi et surtout parce que je ne vois pas ce que ça apporte au lecteur. Si j’écrivais autre chose que de la littérature érotique, j’utiliserais aussi un pseudonyme (peut-être est-ce d’ailleurs déjà le cas?). Les livres que je lis, je ne les lis pas parce que j’aime l’auteur ou l’autrice, je les lis parce que leur travail me plaît, alors que ce soit écrit San Antonio ou Frédéric Dard sur la couverture, peu m’importe.
J’ai remarqué qu’en tant qu’auteur de littérature érotique, ce qui marche le mieux, c’est de montrer qu’on vit ce qu’on écrit, laisser imaginer que la fiction pourrait peut-être être autobiographique. Et certains jouent bien le jeu, avec merveille. C’est même totalement vrai, pour certains et certaines. Mais jamais on ne demandera à un auteur de science-fiction de montrer qu’il est déjà allé dans l’espace pour en parler. J’écris de la fiction, et ma vie privée n’a rien à voir là-dedans. Sur les réseaux sociaux, il est facile de se faire happé et de ne plus mettre de barrières entre sa vie d’auteur et sa vie privée. Avec un pseudonyme, il est plus simple de ne pas en arriver là. Et l’imaginaire de ceux et celles qui lisent le livre n’en est que plus libre encore !
Certains hommes m’ont contacté sur Facebook, par exemple, en étant persuadés que j’étais une femme… J’avoue ne pas avoir toujours cassé leur rêve ! 🙂
. Si tu pouvais étendre ta création favorite sur un autre support, que choisirais-tu? B.D., peinture, cinéma, téléfilm, série télé, histoire audio ?
Il y a encore quelques semaines, j’aurais répondu BD sans hésiter… Mais récemment, j’ai entendu un bout de mon premier roman (Comment je suis devenue une pro) lu par Charlie, dans un de ses podcasts les Lectures Érotiques de Charlie (LEC, sur le site https://charlie-liveshow.com/histoire-erotique-nouvelles-erotiques/). Et franchement, ça m’a retourné ! Alors peut-être une histoire audio, aussi… Surtout si elle qui lit !
La littérature érotique en général…
. Ce domaine souffre de deux idées reçues. On l’accuse : 1 – d’avoir un style pauvre et un vocabulaire répétitif pour des histoires très clichés 2 – d’être des livres uniquement faits pour exciter. Ces on-dits sont-ils injustifiés ? Justifiés en partie ?
Le style dépend de l’auteur. Quand on lit Les onze mille verges de Guillaume Appolinaire, on se prend un vocabulaire bien fleuri dans la tronche ! Et de ce que j’ai lu, les clichés sont présents, oui… Mais franchement, les clichés sont présents partout : tournez la tête vers une pub, et vous ne verrez que ça ! Allumez votre télé, votre radio, le monde tourne sur des clichés ! Pourquoi la littérature érotique échapperait à la règle ? Les plus grands best-sellers de littérature dite « générale » sont remplis de clichés… c’est un peu comme de reprocher au rap d’être rempli de politique… Si les clichés existent dans la littérature érotique, c’est parce que les gens adorent ça, simplement ! Mais réduire la littérature érotique à ça, c’est malheureusement surtout ne pas la connaître…
Et ce seraient des livres uniquement faits pour exciter ? Alors ça, j’aurais jamais cru le voir comme un reproche ! Bien sûr que l’érotisme est fait pour exciter ! Mais est-ce qu’on parle de l’excitation du corps, de lèvres qui s’humidifient, d’un membre viril qui durcit dans son jean’s ? Ou de tous les sens à la fois ? Exciter le corps et l’esprit : voilà ce qu’est l’érotisme, même lorsqu’il va sur les chemins de la pornographie. Exciter les sens, c’est ouvrir l’esprit. Il n’y a pas d’érotisme à des fins purement érotiques. La pornographie, peut-être, peut parfois avoir pour seul but de tendre le corps du lecteur ou de la lectrice… l’érotisme, il y a peu de chances !
. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?
Oh ! On dirait que tu t’attendais à la réponse d’avant ! Comme je l’ai dit plus haut, les lectures érotiques nous mettent dans une espèce d’harmonie avec nous-mêmes, et avec notre monde. Et ça ouvre des portes, parfois. Ce n’est pas dit que ça arrive à chaque fois, forcément. Mais peut-être une fois sur mille… et c’est bingo, là ! Quand on commence à se demander, en lisant une histoire de BDSM, mettons, quand on commence à se mettre à la place du personnage, et se demander si on aimerait ça, ou simplement constater physiquement que malgré ce qu’on aurait cru, ça nous excite… Alors, l’érotisme a atteint son but : l’ouverture à l’Autre. Suis-je comme le personnage ou différent, pourquoi est-ce que lire m’émoustille mais que je ne m’imagine pas du tout à sa place ? Où est le fantasme pur, et de quoi serais-je capable dans la réalité ? Ce sont toutes les questions qu’on peut se poser en lisant de la littérature de ce genre. On en ressort souvent avec plus de questions que de réponses. Il m’est arrivé de ressentir de la honte à vouloir continuer de lire une histoire… c’est exactement ce sentiment qui m’a donné envie de m’y mettre !
Je crois que la littérature érotique n’est pas aussi anodine qu’on le pense : certes, vous en ressortez excité(e), voire même vous vous êtes caressé(e) et vous avez joui ; mais avant tout, vous vous êtes plongé(e) dans un monde qui n’est pas le vôtre (ou pas complètement), et vous l’avez fait vôtre ! Avec cette littérature, on ne peut pas tricher. On ne peut pas « aimer moyennement ». Soit ça ne nous touche pas et on ne ressent même pas l’excitation purement physique que la lecture est sensée nous procurer ; soit on est touché(e), et là il n’y a pas de marche arrière possible. Lorsque votre corps participe à la lecture, vous ne pouvez pas prendre le recul que vous prendrez dans toute autre lecture… Bien sûr, on ne se rend pas forcément compte de tout ça dès la fin de la lecture. Il m’a fallu des mois pour comprendre ça : c’est dans la littérature érotique que les mots prennent leur pleine dimension d’arme massive !
À suivre…
Pour retrouver Zeppo :
https://simplement.pro/u/Zeppo