Deuxième partie du questionnaire envoyé à Françoise Rey...
. Ce domaine souffre de deux idées reçues. On l’accuse : 1 – d’avoir un style pauvre et un vocabulaire répétitif pour des histoires très clichés 2 – d’être des livres uniquement faits pour exciter. Ces on-dits sont-ils injustifiés ? Justifiés en partie ?
Pour ce qui est de la littérature érotique en général, je n’en sais rien, je n’en lis presque pas. Pour ce qui est de la mienne, j’ai la fierté de prétendre que ces 2 idées sont totalement injustifiées.
. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?
Elles nous ouvrent surtout et d’abord à nous-mêmes. Je sais par des sexologues que je fais partie de leurs recommandations auprès de leurs patients.
. Quels sont vos coups de coeur littéraires, que ce soit en érotique ou tout autre style ?
Colette, Giono, Zola, l’immense Hugo. Et avant tout le reste, le magnifique Cyrano de Bergerac, de Rostand. Pour moi le chef d’œuvre absolu.
. Dans un polar ou un livre d’horreur, on peut prendre plaisir à imaginer des choses que l’on n’aimerait pourtant jamais vivre. Est-ce également le cas en littérature érotique ? Quel est ce mystère ?
Moi, si je prends plaisir à une lecture érotique, c’est que le scénario me semble plausible et vivable. Sinon, pas de plaisir.
« Je n’aime pas la violence. Le sang, les coups, le « trash » comme on dit. Mais peut-il s’agir là de littérature érotique ? »
. Qu’aimez-vous lire en général et pourquoi ?
Je lis, comme j’écris, de moins en moins. J’ai du mal à me laisser embarquer, une sorte de déformation professionnelle me fait analyser chaque construction de phrase, regretter chaque répétition… C’est gênant.
. A une époque, bien des ados et même préados ont découvert l’érotisme via les pages de sexe cru de « S.A.S. ». Ces lectures peuvent-elles jouer sur l’éveil sexuel, avoir un aspect pédagogique ? Ou bien doit-on laisser cela impérativement aux plus de dix-huit ans ?
A 18 ans, on n’est pas tous mûrs de la même façon. Cette date limite est trop artificielle. Quoi qu’il en soit, La lecture, c’est bien pour les jeunes. Quand les textes sont bien écrits. Ce n’est pas le contenu qui peut pécher, mais le style, la construction, le vocabulaire.
. Quelle est la limite dans la littérature érotique ? Faut-il des tabous et des interdits, si oui lesquels ?
Les enfants. Il ne faut pas risquer de troubler le lecteur avec des histoires qui mettent en scène des gosses. Et puis moi, je n’aime pas la violence. Le sang, les coups, le « trash » comme on dit. Mais peut-il s’agir là de littérature érotique ?
. En quoi cette littérature résonne-t-elle avec la société actuelle, à l’heure entre autre d’un certain retour à l’obscurantisme religieux ?
La société actuelle est avide de bien-être, de plaisirs soignés, elle est soucieuse des corps et de leur épanouissement : engouement pour la gastronomie, la thalasso, tout ce qui apaise, ou exalte, fait vibrer, stimule un appétit, une gourmandise, une connaissance des sens, les siens propres, ceux des autres, un art de les séduire… N’est-ce pas là la définition de la littérature érotique ?
. De quelle façon le monde d’aujourd’hui influence-t-il votre écriture ?
Il ne l’influence pas. J’ai écrit il y a peu une nouvelle dont le héros était Macron. Voilà. Juste ça. Macro est-il à lui tout seul le monde d’aujourd’hui ?
. Que ressentez-vous par rapport à vos personnages ? Vous ressemblent-ils, vous sont-ils opposés ? Sont-ils des amis ?
Je suis souvent très amoureuse de mes personnages. D’ailleurs, ils ont leur propre vie, évoluent librement sans trop me demander mon avis. Lorsque je pense à eux, à certains d’entre eux, j’ai vraiment l’impression de les avoir connus (au sens biblique du terme, entre autres)
. Aimeriez-vous coucher avec eux, ou certains d’entre-eux ?
Je viens de vous le dire : c’est généralement fait, du moins c’est le souvenir que j’en garde.
. Injectez-vous de l’amour dans vos histoires ? Peut-on écrire du sexe sans un gramme d’amour ?
J’injecte beaucoup d’amour dans mes textes, mais on peut, bien sûr, écrire du sexe sans un gramme d’amour !
. Ecrivez-vous en fonction de ce que le lecteur pourrait aimer, ou bien avez-vous l’écriture plus intuitive ?
Mais écrire en fonction de ce que le lecteur pourrait aimer, c’est bien cela, une écriture intuitive !
« Je me rappelle une question d’un journaliste : « Vous vous caressez en écrivant ? » A quoi j’avais répondu : « Je ne peux pas, je suis droitière pour les 2 »
. Comment faites-vous pour mieux vendre, vous faire connaître, fidéliser le lecteur ?
Vendre et me faire connaître, ce n’est ni mon travail, ni ma responsabilité. C’est ceux de mes éditeurs, agents etc. Fidéliser, mon Dieu, j’essaie de ne pas démériter d’un livre à l’autre. De varier, de surprendre toujours, d’exciter. D’émouvoir. D’amuser. De faire que le lecteur ou la lectrice se reconnaisse un peu chaque fois dans les élans que je décris, les sentiments, les sensations, les doutes, les peurs, les plaisirs…
. Si votre œuvre totale pouvait se résumer en un message, quel serait-il ?
Il faut oser. Sans avoir peur de déplaire. Ceux qui vous aimaient continueront à vous aimer. Les autres, rien à perdre, on s’en fout !
. Ecrire peut-il vous provoquer une excitation sexuelle ? Et lire ? Rêver ? Imaginer ?
Je me rappelle une question d’un journaliste : « Vous vous caressez en écrivant ? » A quoi j’avais répondu : « Je ne peux pas, je suis droitière pour les 2 » C’était l’époque où j’écrivais encore au crayon. En fait, je suis rarement excitée quand j’écris. La lecture, oui, le rêve, les scénarios , les fantasmes, quoi ! Mais je vieillis. Tout s’use. Et attention, aucune mélancolie, tristesse, amertume là-dedans. J’aime bien vieillir, me regarder vieillir et noter les stades différents de cette énième métamorphose de ma personne.
« Je me rappelle une question d’un journaliste : « Vous vous caressez en écrivant ? » A quoi j’avais répondu : « Je ne peux pas, je suis droitière pour les 2 »
. Si la société d’aujourd’hui était réduite à un couple, quels seraient ses problèmes sexuels ?
Pas la jalousie, toujours !
. Familles recomposées, sites de rencontres, dénonciation du harcèlement, banalisation de la pornographie… en quelque décennies, notre image du sexe et de l’amour a été chamboulée. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Les deux mon colonel ! Progrès du côté de la banalisation de la pornographie, qui ne m’a jamais paru être une mauvaise chose, ouverture du concept du couple à l’idée de l’amour pluriel, ça, à mon avis, c’est un pas en avant, encore trop timide. Quant au fameux harcèlement, on y met tout et n’importe quoi. Quand j’entends certains témoignages, je me dis que j’ai été harcelée mille fois dans ma vie, sans jamais en être plus affectée que ça, et que j’ai été moi aussi une harceleuse, et personne ne s’est jamais plaint !
À suivre…
En attendant, retrouvez ici les ouvrages de Françoise Rey...