Entretien avec Flore Cherry

Jeune, jolie et pétillante, Flore est une figure singulière dans le paysage de l’érotisme littéraire. Atelier d’écriture, organisation de salon, bloging… Une vigueur vraiment impressionnante, qui se ressent dans ses actions comme dans ses propos…

J’ai été étonné et ravi du succès du salon de la littérature érotique 2016 à Paris. Avec un peu de recul, quel est ton retour et à quoi songes-tu pour l’année prochaine ?

J’ai adoré organiser ce premier salon, un vrai défi pour moi ! J’avais l’habitude d’organiser des événements mensuels pour 40 ou 50 personnes, là, j’ai du faire un vrai saut dans l’inconnu.
Cette première édition s’est très bien déroulée, et j’ai pu développer une vraie méthodologie pour donner vie, avec plus d’ambition, au deuxième salon de la littérature érotique qui aura lieu fin novembre 2017 !
Je balance toutes les informations au compte-goutte sur mes réseaux sociaux, n’hésitez pas à me suivre !
 
Lors de ce salon, différents mini concours d’écriture étaient organisés tout au long de la journée : les participations ont été nombreuses et de qualité. Le nombre d’auteurs érotiques en herbe serait-il en augmentation ? Comment l’expliques-tu ?

A travers la littérature érotique, j’essaie d’inciter les gens à s’exprimer sur un sujet qui semble parfois délicat à aborder en famille ou entre amis : le sexe créatif, alternatif, ludique. Beaucoup de personnes se prennent au jeu, et dans le lot, certains ont une vraie plume. Ce qui est très agréable, mais ce qui ne révèle pas pour autant une « tendance » de nouveaux écrivains de littérature érotique.

En tant qu’organisatrice d’ateliers d’écritures érotiques, tu es habituée, je pense, à découvrir de nombreux styles, très variés. Comment lire de l’érotisme sans se lasser ? La surprise est-elle toujours au rendez-vous ?

Pour être honnête, il est vrai que j’ai parfois l’impression que les écrits se ressemblent, que les transgressifs ne le sont plus vraiment, et que ce qui semble excitant pour certains m’apparait comme trivial ; ce qui est dommage et ce que je ne ressentais certainement pas avant ! Et par la même occasion, je deviens très admirative devant la description d’une pensée originale, face à une idée innovante ou un jeu de mot inédit. Je ne dirais pas que je « me lasse » mais que mon écoute est devenue plus exigeante.

Tes activités littéraires sont-elles un loisir ou ton activité principale ?

Mon activité principale (mon job en CDI à temps plein, quoi), c’est le développement de la partie digitale du magazine UNION, un magazine qui regroupe de nombreux témoignages coquins et dans lequel j’écris souvent. Je ne cesse jamais vraiment d’écrire donc, mais mes ateliers d’écriture érotique restent mon « petit plaisir » du mercredi soir !

Tu sembles particulièrement épanouie dans tes activités littéraires, mais aussi de journaliste/blogueuse/youtubeuse/organisatrice. Est-il compliqué d’assumer tout cela, ou n’as-tu jamais rencontré de difficultés particulières ? (vis-à-vis de l’entourage, des relations…).

Je crois que j’ai une famille et des amis géniaux qui comprennent parfaitement ce que je fais. Je n’ai jamais réellement subi de « slutshaming », ce qui serait plus le cas, j’imagine, si j’exhibais ma propre sexualité et que je gagnais de l’argent avec (comme les actrices X ou les camgirls, et qui devraient pouvoir librement l’assumer, au demeurant). A travers toutes ces activités, je me contente de réfléchir, d’écrire et de questionner les gens sur un sujet. Ça pourrait être de la politique ou l’environnement, ça ne changerait pas grand chose à ma journée de travail !
Ce qui a été un peu difficile, c’est de devenir un « paratonnerre » à la misère sexuelle – souvent masculine. Rien de dramatique, mais cela demande des nerfs d’acier, et une ouverture d’esprit obligatoire.
 
Octavie Delvaux m’a dit qu’une femme assumant pleinement sa sexualité faisait peur aux hommes. Qu’en penses-tu ?
Je pense qu’un homme qui assume pleinement sa sexualité peut aussi faire très peur. Vous n’imaginez pas toutes les sortes de paraphilies qui courent à notre époque.

(Blague à part : Je pense que ce que veux simplement dire Octavie Delvaux c’est que certains hommes ont peur des femmes, tout court. Mais pour ceux qui n’en ont pas peur, je pense que voir une femme se caresser librement devant eux ne les dérange pas trop, trop…)

Y’a-t-il un type de personnes particulier venant à tes ateliers, ou bien y’a-t-il de tout ?
– Je vais aller plus loin dans la question : la lecture érotique et la littérature érotique est-elle surtout pour les bobos blancs parisiens, ou séduit-elle tout type d’âge (légal) et de population ? –
La majorité de mes participants ont plutôt plus de 35 ans, sont plutôt blancs, et sont souvent dotés d’un niveau culturel élevé (il faut aimer la littérature, tout de même). Ceci étant dit, je m’attache énormément à la mixité de provenance de mes participants, et je n’hésite pas à convaincre des jeunes gens de 20 ans d’y venir, voire même des personnes qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture. L’idée est plus de passer une agréable soirée en parlant de sexualité (et de TOUTES les sexualités) que de donner un « cours » d’écriture très scolaire et de s’ennuyer dans un cercle fermé de personnes qui se ressemblent.
 
Sur la page Youtube de Femme Actuelle (à laquelle tu participes en tant que Youtubeuse), les sujets sexo arrivent en tête des vidéos les plus visionnées ( https://www.youtube.com/user/femmeactuelle/videos?view=0&flow=grid&sort=p ). Tes propres épisodes font bien plus de vues que les vidéos généralistes de la chaîne. Pourquoi ces sujets accaparent-ils toujours autant, même à notre ère de surinformation ?
 
Parce que Youtube laisse le choix à son auditoire de mater un tuto « do it yourself » sur le nailing art et un truc qui s’appelle « fellation ». Et que la fellation me semble être une activité qui procure beaucoup plus de bien-être que de se peindre les ongles en rose.
Maintenant je ne suis pas fétichiste des ongles.
Mais quand même.
 
Quelles sont selon toi nos plus grandes méconnaissances sexuelles ?
 
La bite n’est pas un muscle. La prostate n’est pas le nom d’un cancer. La femme n’est pas bisexuelle par définition.
Ceci dit, je pense que nous sommes encore aux balbutiements des découvertes sexuelles (comme le clitoris, redécouvert il n’y a que quelques décennies, par exemple) et que nous plongeons encore actuellement dans une grande ère de méconnaissance sexuelle.
On ne sait toujours pas s’il y a un ou deux (ou des) orgasme(s) féminin(s). Quand même…
 

Ton approche de la sexualité semble être plutôt joyeuse, légère, apaisée et pourtant enjouée. Est–ce que cela reflète la société actuelle, tout du moins en partie ?

Je communique en effet de façon joyeuse sur la sexualité, non pas par mimétisme de la société, mais pour être écoutée.

J’ai l’impression que l’on a plus tendance à s’intéresser à quelqu’un de joyeux et de léger sur ce sujet, qu’à quelqu’un qui va moraliser (comme un religieux), rendre anxiogène (comme certains médecins) ou être en colère (comme certaines associations) sur le sujet. Mais toutes les formes de communication se valent, je ne dirais pas que le sexe est « par essence » joyeux – certaines personnes vivent un lourd traumatisme par rapport à leur sexualité, et je le comprends.
 
 
Lis-tu beaucoup de littérature érotique, ou n’est-ce qu’un style apprécié parmi d’autres ?
 
C’est un style apprécié parmi d’autres, voire même un style qui me rappelle un peu trop « le taff » pour que je puisse réellement l’apprécier tranquillement avant de me coucher.
(Ok, c’est pas vrai, je ne lis pas avant de me coucher.)
 
Quelle est l’utilité d’un écrit polisson ? Se préparer, fantasmer, se caresser… ou bien juste rêvasser ?
 
Un écrit polisson n’est pas « excitant » en tant que tel, c’est plus amusant, léger, drôle.
Ça sert à se rencontrer, à échanger sur la sexualité, à trouver des belles idées, à assumer sa lecture, à être ouvert à l’autre… Et ce qui viennent « pour s’exciter » risquent d’être déçus !
 
 
Ecrire de l’érotisme peut-il libérer ? Être une sorte de thérapie (de groupe ?) ?
 
Oui, je pense que certains voient d’ailleurs dans mes événements un espace pour parler d’un sujet qu’ils ont du mal à aborder ailleurs. En revanche, personne n’est ici pour venir « faire sa thérapie » de façon explicite – bien qu’en parler, même sur un ton léger, ça libère !
 
Un lieu et une date pour ton prochain atelier ?
 
Le mercredi 26 novembre avec Eva Delambre, une des plus belles plumes sur la soumission féminine.
Rendez-vous sur le site de Flore : http://popyourcherry.fr/

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