Expérience… moins sensuelle que prévu ?

Chloé vient de tenter une petite expérience avec un garçon… endormi. De retour dans sa chambre, elle songe à ce qu’elle vient de vivre…

— Extrait de « En attendant d’être grande »,  la vie d’une femme libérée nous racontant son passé, de sa naissance à son âge adulte —

 

Au creux de mon lit je réfléchis, sans trop savoir qu’en penser. Techniquement parlant, l’objectif avait été largement atteint, et même au-delà. Pourtant, je n’avais comme… pas eu mon compte. Je vérifiai : pas d’erreur, j’étais sèche, même si je ne l’avais pas été du début à la fin (encore que le mot « fin » soit peu approprié pour un acte inachevé et même pas vraiment débuté).

Le fait en lui-même… ne m’avait rien fait, je crois. Ce qui m’avait enflammée, c’était tout le reste : me faire le plan en tête, le préparer, marcher, ramper,

me dévêtir, approcher, sentir le doux parfum du souffre et du risque…

L’interdit, l’indécent, le sulfureux !

Voilà qui avait été excitant. L’acte purement sexuel en lui-même m’avait laissée de neige. Il y avait eu une curiosité… rien d’autre. Il manquait l’essentiel ! Ce truc, cette poudre de perlimpinpin, cette pincée de sel et de poivre. Ce trouble qu’on appelle émotion, amitié, amour, complicité, connexion.

Cette dimension de l’esprit capable de vous faire commettre des folies sur un malentendu, vous faire aimer un Cyrano de Bergerac, un Quasimodo, un Elephant Man… vous faire accepter des choses insensées. Cette force faisant de nous des êtres si faibles et malléables, et en même temps si supérieurs aux autres espèces.

Ceci dit, me revinrent en tête les livres de biologie… les échanges, les paroles d’Estelle… J’avais oublié la mécanique. Celle du va-et-vient, bien sûr !

Le geste de la pompe à vélo, qui se donne du pénis dans une main, une bouche ou une chatte.

Dedans, dehors, aller, retour, entrer, sortir…

Punaise, à aucun moment ça ne m’était venu. La base de la base ! Stupide pucelle que j’étais, quelle dinde, quelle gourdasse ! Non, pas question d’y retourner : là, je n’en avais plus du tout le courage. Puis merde, j’avais le temps. A onze ans, heureusement qu’il me reste encore un peu de candeur et de naïveté. Et procéder par étape n’était pas si mal.

 

Les rayons de soleil m’éveillèrent. Il était tard, nous étions dimanche, un léger reflet contre l’oreiller me piqua l’œil : un cheveu. Un des miens. Une peur me vint alors : et si un autre s’était égaré dans le plumard de Léopold ? Ou plusieurs ? Maman est comme moi, elle repère les petits détails.

Si elle lui fait son lit et qu’elle remarque, je me mangerai davantage de mandales en un jour qu’en toute une vie, ou bien je serai punie jusqu’à l’an deux-mille.

Je descendis. Maman et Carl étaient à la cuisine, Léopold à la salle de bain. De nouveau, j’entrai là où j’avais donné à l’affreux mouflet ce qu’il ne méritait pas. Soulevant les draps, scrutant partout,

je ne trouvai rien d’autre qu’une étrange tache transparente qui n’était même pas à moi.

Ouf ! Plus de peur que de mal.

 

J’hésitai à raconter cela à Clarisse. Ma foi, elle ne me disait pas tout, je ne vois pas pourquoi je devrais tout lui dire. La vanité finit par l’emporter sur l’orgueil…

Elle m’écouta avec attention et posa pas mal de questions. Je pus répondre à peine à la moitié. Comme si cette nuit avait fait de moi une spécialiste, allons ma Clarissou ! On s’interrogea sur nombre d’éléments, dont la curieuse tache. Mon amie se souvint d’un passage à ce sujet dans le livre de biologie.

C’était donc ça ! De fait j’avais, je suppose, transpercé un rêve sage pour en faire un rêve coquin. J’avais fourni le début du scénario, il avait fait la suite… en ayant l’excellente idée de ne pas le finir en moi. Tout compte fait j’étais heureuse qu’il ait aimé ces instants, même en rêve.

Aucune culpabilité à avoir : oui je sais, j’avais agi sans son consentement ! Mais au courant de l’affaire

il aurait consenti plutôt mille fois qu’une, je le garantis.

Pour Clarisse comme pour moi, rien d’étonnant que l’acte soit réservé aux prostituées (c’est ce dont nous étions alors convaincues… c’était la réputation qu’avait l’acte).

Rien d’étonnant que ce soit super agréable pour le garçon et pas du tout pour la fille. Qui devait soit être payée, soit super amoureuse au point de faire un truc un peu dégueulasse par amour pour lui.

 

Mon intuition féminine me trompait rarement et c’était bien malheureux : les vacances d’été n’étaient pas encore là que déjà grondait l’orage entre Carl et maman. J’avais bien fait d’en profiter.

Le collège n’était même pas un répit, désormais, tout le monde se sentait « grand ». Garçons et filles se donnaient des airs. Et que ça parle sexe à tout-va, et que ça drague… On en riait moins, rire du sexe c’est bon pour les primaires.

Souvent, on en parlait même avec des airs exagérément sérieux, que je trouvais à la fois drôles et navrants. Je pris la ferme décision que tout cela n’abîmerait pas mon enfance : afin d’éviter la contamination, plus un mot sale ne devrait sortir de ma bouche.

Même si tu te doutes que je ne tiendrais pas dix ans non plus. Je ne devais pas non plus être comme ces midinettes dont me parlait Estelle qui à force d’être fleur bleue ne prenaient aucun risque par peur de désillusion.

A toujours attendre le prince charmant, on finit pour n’en percevoir plus que la queue du cheval blanc,

au loin à l’horizon…

Mon petit doigt me disait que je n’avais pas trop à m’en faire sur ce point. Surtout, je ne devais plus fréquenter n’importe qui. Ah sur ce point oui, j’allais faire ma bourgeoise ! Quand je pense que certains garçons nous tournaient autour à grands renforts de mots crus, pensant nous effaroucher pour mieux nous conquérir !

Encore que ce n’était pas pour déplaire à certaines. Eh oui, qui se ressemble s’assemble, les certains et certaines se retrouvent. Paraît que nous les filles on aime les « bad guys ». Un garçon sauvage ou provocant, pourquoi pas. Un gamin immature, sans façon. Au moins ces filles nous éloignent les oiseaux de mauvais augure.

Qui se ressemble s’assemble et vice versa : qui ne se ressemble pas s’éloigne, et c’est bien pour cela que rien ne pouvait durer entre Carl et maman. Elle et lui, c’était un peu un accident industriel. Carl était trop beau, trop gentil, trop intelligent pour elle. Une rupture est un peu comme un décès : on a beau y être préparé, quand ça tombe on reste incrédule.

Et lorsqu’un matin Carl m’annonça enfin que lui (et accessoirement son fils) partirait d’ici quelques jours, je ne pus retenir mes larmes. Pour me l’apprendre, le seul courage de maman avait été de m’envoyer celui qu’elle considérait déjà comme son ex.

Par charité chrétienne, le tout dernier jour, je racontai à un Léopold éberlué chaque étape de mon escapade nocturne.

Ça lui ferait une histoire sacrément classe à raconter aux copains, et de quoi se palucher bien des nuits en pensant à moi.

Au moins papa cessa de me questionner sans arrêt. Pour lui faire plaisir, je lui dis que maman était triste et moi contente (c’était exactement l’inverse).

Je vis partir Carl avec une attitude de petite fille lucide, consciente qu’elle ne le reverra jamais.

–––––

Pour lire cet eBook en entier (et bien d’autres) RDV sur Kobo Books ou Google Books. Acheter mes ouvrages soutient et encourage mon travail.

Pour lire ma nouvelle gratuite « Sex Boxing », rdv ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *