Le pire des moments pour tromper

Une tromperie qui s’achève en Vaudeville…

Episode de « Dialogues Interdits », collection de petites histoires complètes uniquement constituées de dialogues…

 

— Cette histoire de mari qui rentre de voyage plus tôt que prévu, je pensais que ça arrivait que dans les théâtres de boulevard, les comédies ou les mauvais romans.

— Christophe est pas ton mari…

— C’est tout comme. Au point où ça en est, on aurait été mariés ce qui est arrivé aurait pas été pire.

— Tu crois qu’il va te quitter ?

— C’est surtout que ça a jeté un gros froid.

— Pourquoi il est revenu. Des soupçons ?

— Non, les grèves Air France. J’ai vérifié, c’est vrai. C’était pas un coup inventé parce qu’il se méfiait.

— Si seulement t’avais vérifié…

— Impossible : grève surprise ! Les médias l’ont su qu’après. J’ai été au courant avant eux.

— Et donc, arrivée surprise. Sans même t’envoyer de texto avant, sans même t’appeler ! A mon sens c’est bel et bien signe de soupçons. A quel moment il est entré ?

— Sur la fin… Il a rien entendu, d’où effet encore plus inattendu :

quand je reçois mon amant on se la joue toujours super discrets, rapport aux voisins qui pourraient cafter.

— A défaut de vous entendre, les voisins pourraient apercevoir le fautif.

— Le fautif en question est livreur. Il vient toujours avec son uniforme et un carton vide, genre il m’apporte un repas à domicile.

— Un carton vide… un vrai-faux livreur ! Pour une livraison de semence. Ouah le cliché ! Et un livreur qui reste pas le temps de livrer le repas, mais le temps du repas entier. Alors qu’y a des mecs qu’achètent un costume de livreur juste pour reproduire un fantasme !

— Pour faire plus vrai, je fais de temps en temps appel à la même compagnie quand je suis avec Christophe. Histoire de pas être livrée uniquement quand je suis seule.

— Et l’amant est déjà venu apporter une livraison à Christophe et toi ?

— Seulement une fois.

— Et la surprise de trouver le livreur te livrer son sperme, ça a donné quoi ?

De la bagarre ?

— De la panique oui, de la bagarre non. Il est resté bouche bée, et Tonio s’est rhabillé en quatrième vitesse pour filer comme un lâche pendant que je me remettais piteusement en état. Dans la précipitation il a même pas remis son slip. Je l’ai jeté à la poubelle.

— « Comme un lâche »… Parce que t’aurais préféré qu’il reste ?

— Non, bien sûr ! Je raconte n’importe quoi. C’est pas la faute de Tonio, encore moins celle de Christophe. C’est la mienne.

— Tout de même, t’es actrice porno depuis six ans maintenant. Tu passes tes semaines à te faire embrocher par je ne sais combien de partenaires.

— C’est pas pareil ! A la rigueur plus c’est cru moins il est jaloux. Je pense même qu’il s’en excite. En tout cas dans un cadre professionnel mes baises l’ont jamais dérangé.

— Sans rire, vu la montagne de fric que tu ramènes à la maison…

— Il a aussi un bon salaire de son côté.

— Il visionne tes tournages ?

— Des fois. Et il voit bien que je prends pas un vrai plaisir, que

quand je jouis pour de vrai c’est avec lui.

Par contre si je vais boire ne serait-ce qu’un petit café avec un collègue, là je te raconte pas la scène.

— Vu les collègues…

— Aucune raison qu’un collègue cherche à me sauter en dehors des tournages ! Il peut déjà le faire en étant payé…

— J’y pense, t’aurais pas pu faire passer Tonio pour un acteur ? Après tout ça arrive de répéter certaines scènes, non… ? Par exemple un acteur débutant qu’aurait eu besoin de bosser des positions.

— Question physique c’était crédible : poitrail musclé, grand, gros sexe, gueule bien macho comme je les aime…

— Pffff, quelle originalité. Tu vas chercher ailleurs ce que t’as déjà sur les plateaux.

— Non, il répond pas aux critères de tournage. Pour un œil expert et avisé comme le mien… Pour le profane l’illusion serait parfaite. Si Christophe était arrivé au moment de la sodomie ou de la levrette, on aurait pu tenter ce mensonge. Mais là, il est entré pendant qu’on était tendrement enlacés l’un contre l’autre en se faisant de gentils petits bisous. Le truc que tu verras jamais au grand jamais dans aucun film porno. Dommage d’ailleurs.

— Quand on se fait surprendre, on considère que

le pire des moments est lors de l’éjaculation ou de la pipe à genoux…

— Il serait arrivé au moment de la pipe ou de la jouissance, j’aurais pu faire croire à une répèt’.

— En somme, Christophe te laisse le droit qu’à la baise. Amour et tendresse sont que pour lui. Au fond quel égoïste, quelle cruauté ! C’est pour quoi il aime que tu tournes du sexe cru : plus c’est obscène, plus c’est éloigné de toute complicité.

— Oui, je suis très Yin Yang. Il me suffit d’un moment hard pour avoir ensuite besoin d’un moment doux. D’ailleurs sur les tournages je suis toujours frustrée : dès qu’on coupe y a plus aucun contact, pas même le moindre petit câlin.

— Bon, y a qu’une solution. Fais-toi pardonner et ensuite, invite Christophe à tourner en ta compagnie. Il se remettra mieux de l’histoire.

— Oh que non. S’il tentait un casting on le refuserait. Pas assez large d’épaules, bite trop normale.

— Vous vous ferez une sex tape, rien de plus. Que vous garderez que pour vous deux… plus une copie pour moi.


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