C’est à l’auteur Lionel Parrini, avec qui je partage quelques références littéraires, de répondre au questionnaire. Un entretien en deux parties dont voici la première…
Votre façon d’écrire et de vivre la littérature…
. Qu’est-ce qui crée l’étincelle d’une histoire ? Qu’est-ce qui la déclenche ?
Le désir d’explorer une question pour laquelle je n’ai pas de réponse. J’écris pour tenter de comprendre, explorer la problématique, sa complexité, et généralement, cela passe par la fiction et plus précisément l’écriture de pièces de théâtre. J’aime confronter les points de vue.
. Quelles sont vos techniques pour « affronter » une nouvelle ou un roman, le poursuivre coûte que coûte et en venir à bout ?
D’abord, se laisser emporter par la force et/ou la joie qui nous pousse à écrire. Suivre l’énergie de l’excitation. Ensuite prendre conscience de ce qu’on veut dire, identifier le sujet ou plus précisément la question essentielle qui est posée dans cette histoire en cours. Une fois la prise de conscience opérée, travailler la réécriture au service d’une structure qui fait sens avec le sujet.
. Qu’est-ce qui fonctionne le mieux… écrire dans la joie et l’apaisement, ou plutôt dans la pression et la souffrance ?
L’excitation de l’idée initiale doit rester un tremplin. Que ce soit à partir d’une image, d’une phrase, d’un film, ou d’une question que l’on se pose et qui nous donne envie d’en savoir davantage, le plus important est de préserver cette excitation. Si on est sur le bon chemin, l’envie ( d’écrire) ne débande pas. Donc ce qui fonctionne le mieux, c’est lorsqu’on réussit à tenir l’excitation comme une boussole.
. Ecrire est un plaisir demandant des contraintes. Comment trouver le juste milieu entre contrainte et plaisir ?
Personnellement j’y arrive lorsque je fais ce que je viens de décrire dans la question précédente sur la technique.
. Avez-vous vos propres tabous en matière d’écriture ? Vous arrive-t-il de vous censurer ?
Je ne me pose jamais la question de la censure mais de la fidélité du traitement en fonction du sujet. Si le sujet l’exige et si cela me paraît justifié, je peux être trash. Inversement, je peux faire le choix volontaire d’une censure qui n’écarte pas forcément l’intensité. Exemple : la force des hors champs ou des non-dits.
. De quoi vous inspirez-vous pour écrire ? Simplement l’imaginaire, ou bien votre vie, celles des autres, les médias ?
Je suis en mode éponge 24H / 24H. Cette porosité volontaire me permet de m’ouvrir absolument à tout. Je suis d’une curiosité sans limite.
. On dit parfois que tout roman a un côté autobiographique. Ecrit-on pour exorciser un certain vécu, ou au contraire pour aller au-delà de soi ?
Les deux mais je dirais aussi qu’on écrit pour apprendre à mieux vivre et à mieux se connaître.
. Avez-vous une idée du visage de votre lectorat ?
Non, très varié, difficile de l’étiqueter.
. Est-il simple d’accorder cette vie forcément un peu sulfureuse avec une vie plus classique de famille ? Cachez-vous cette activité littéraire à certains ?
Non, je ne cache rien, je ne veux pas de pseudonyme, j’aime la nudité. Ecrire s’est se mettre à nu alors pourquoi se cacher ?
Votre parcours, votre futur…
. Soudain, votre dernier livre se vend à 10 millions d’exemplaires… indescriptible joie ou énorme angoisse ?
Joie et délivrance, je vais pouvoir enfin souffler ! Et m’acheter une petite cabane en pleine forêt au bord d’une rivière ( très important).
. Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Quelle sera votre prochaine sortie ?
Une comédie ( théâtre) pour une homme et une femme. Ça s’appelle l’étrange annonce. Et c’est une comédie joyeusement suicidaire qui fait chanter !
. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Qu’est-ce qui vous y a amené ?
Une commande d’écriture. J’ai la chance depuis quelques années de répondre à des demandes qu’on me fait personnellement. J’écris du théâtre, de la poésie, de l’érotisme et j’aime bien mélanger les genres du coup, ça ouvre des portes !!!
. Êtes-vous auteur professionnel, si oui est-ce un métier difficile ? Ou bien êtes-vous plutôt amateur ou semi-pro ? (En ce cas : votre principale activité est-elle secrète?)
Je me considère comme auteur professionnel dans le sens où toutes mes activités artistiques passent par le carrefour de l’écriture mais je ne vis pas uniquement de mes droits d’auteurs. Mes droits d’auteurs me servent juste à remplir ma cave de vins. Mes autres activités sont donc la production de spectacles vivants, la mise en scène, et l’animation d’ateliers d’écriture. Je suis membre de la SACD depuis 1998, c’est elle qui gère l’exploitation des mes œuvres.
. Cet univers littéraire exige-t-il un pseudonyme, ou doit-on assumer ses écrits quitte à dévoiler son identité réelle ?
Comme je le disais précédemment, personnellement, et sans sombrer dans l’exhibitionnisme, il est important pour moi d’écrire à visage découvert mais je comprends aussi que certaines personnes ne peuvent pas se permettre cela pour des raisons professionnelles, familiales ou autres.
. Si vous pouviez étendre votre création favorite sur un autre support, que choisiriez-vous ? B.D., peinture, cinéma, téléfilm, série télé, histoire audio ?
J’ai également une formation de scénariste donc, j’adorerai un jour travailler avec une production cinéma, on peut toujours rêver !!!!!!!!
La littérature érotique en général…
. Ce domaine souffre de deux idées reçues. On l’accuse : 1 – d’avoir un style pauvre et un vocabulaire répétitif pour des histoires très clichés 2 – d’être des livres uniquement faits pour exciter. Ces on-dits sont-ils injustifiés ? Justifiés en partie ?
Ça dépend des livres, des auteurs, un livre érotique peut être juste masturbatoire et parfois être aussi très politique. Il peut être aussi une invitation aux voyages et nous donne à réfléchir sur nous même. Dans l’érotisme finalement, il y a encore de nombreux sous-genres et c’est au lecteur à apprendre à se connaître et orienter ses choix. Par exemple pour moi, Anne bert, est une écrivaine de l’intime, une écrivaine tout court et c’est réducteur de dire que c’est une autrice érotique. J’aime quand l’étiquetage devient difficile.
. En quoi ces lectures peuvent-elles nous faire réfléchir ? Nous ouvrir au monde, aux autres ?
La littérature érotique ouvre des champs que nous pouvons emprunter dans le plaisir, incognito, et permet ainsi de se découvrir des excitations insoupçonnées. ces prises de conscience nous éclairent sur nous-même : c’est ce que je trouve le plus excitant finalement. Donc oser lire de l’érotisme, c’est prendre des risques et c’est toujours bons pour l’homme de se mettre en danger.
Entretien à suivre dans la deuxième partie.