Poursuivons notre série d’entretien. Cette semaine, faisons connaissance avec Jean-Claude Thibaud, un auteur dont les écrits érotiques sont minoritaires comparés au reste de son oeuvre, mais sur lesquels nous allons tout de même nous pencher davantage…
« L’auteur vit ses passions à Dublin: écritures, musique, aquarelle. A écrit 40 nouvelles, 10 pièces de théâtre et de nombreux autres textes. Anime chaque mois des Soirées musicales dans un club d’art dublinois, où il partage sa passion pour la musique classique et celles du monde. On peut le retrouver sur son site: www.eparses.org «
THÉO KOSMA – Vous vouliez nous dire quelques mots, en préambule…
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Mes réponses seront assez détaillées, même trop ? Pourquoi détaillées ? Parce que je suis bavard, que je vis en Irlande, que mes contacts avec les français d’ici sont rares, que ma langue me manque, que je cherche également un lectorat au travers de mes écrits, d’un livre auto publié comportant un certain nombre de nouvelles. Parce que, également, dans son façonnage, l’écriture s’améliore, le style se fait davantage jour. Ecrire, quel que soit le sujet.
Tout d’abord se définir, non pas par rapport à une suggestion d’éditeur de répondre à des questions mais par rapport à ce qui a été écrit jusqu’à ce jour : 40 nouvelles (+ 7 en cours), 4 nouvelles érotiques (dont une n’est pas encore publiée) et 10 pièces de théâtre. Vous voyez que les nouvelles érotiques sont minoritaires sur cet ensemble d’écritures.
Ce qui est dommage, dommageable aussi, est d’être questionné sur ces seules nouvelles érotiques là où j’aimerais, je préférerais que deux ou trois de mes pièces soient montées (Simone Veil, ancien ministre, Jean Piat, m’avaient il y a quelques années, encouragé à le faire ; un rêve, car à partir de Dublin et à mon âge, je ne vois pas comment je pourrais le faire).
Mais le sexe se vend, même des livres qui n’ont aucun mérite. J’en ai acheté assez récemment, ai lu quelques pages puis jeté aux ordures. Il n’y a rien. C’est l’Idée qui manque. L’IDEE. Comme chez nos politiciens. Pas de vision, pas d’idée.
Ce qui a été dit sur ces nouvelles érotiques est assez agréable à lire : « Vous êtes un Ovni dans cette littérature », « Ce texte m’a arraché des larmes tant il est beau… » etc.. ; Jean Piat, qui a lu certaines choses de moi (il se fait vieux actuellement et je pense que le lien est perdu du fait de sa santé défaillante) m’avait encouragé à écrire pour le théâtre : « Votre écriture est faite pour le théâtre » ; il avait aimé une nouvelle envoyée vers 1996 : « Votre « Grand-père » m’a touché en plein cœur, pouvons-nous nous voir… »
THÉO KOSMA – Est-ce un exercice complexe de s’incarner dans la peau d’un personnage féminin ? (Et même plusieurs…). Par quel cheminement cela se fait-il ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Partons de l’idée du fantasme si l’on ne connaît rien sur ce genre d’amours. Nous touchons là à l’intime, je ne dévoilerai rien, sauf que vous aurez la réponse à la lecture de : « L’oiseau des pluies » lettre à Isa-Belle du 4 août. C’est d’une simplicité ! Pour avoir la réponse à l’idée que je me faisais, j’ai contacté des femmes aimant les femmes. Pas de téléphone, rien de rien, je veux seulement savoir de vous si j’ai touché au but ? « Oui, vous avez parfaitement compris ce que nous désirons vivre. » L’intime (n’en faites pas mention surtout !) c’est la réponse faite à une femme qui aime le fantasme et pour laquelle j’ai écrit ce texte.
Ensuite vous avez tout ce qui nourrit le fantasme, avec ou hors d’une femme connue ou aimée. « Chevauchements » Chapitre 7, Pétra, « La résidante du palais » partie 3.
THÉO KOSMA – Vous aimez le langage poétique, recherché, ce qui est peu courant dans l’écriture contemporaine et plus habituel dans des romans érotiques plus anciens. Comment avez-vous développé cela ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Je suis tombé dans la marmite de la musique classique quand j’avais 9, 10 ans. Ne pouvant en faire un métier, j’écris comme je ressens la musique que j’aime et qui m’a accompagné toute ma vie. Davantage : j’ai découvert un jour que ma phrase suivait les anciennes règles de la versification, utilisation sans que je le veuille de l’alexandrin, de sa moitié, de l’octosyllabe…spondée, anapeste, dactyle…etc..1 + 2 ou 2 + 3, 2 + 4…La musique est ma respiration.
Dans l’un de mes derniers textes, (4 nouvelles de ce genre en 12 jours depuis notre retour du Camino de Compostelle fin mai) vous avez par exemple des détails comme les nom et prénom : « Le professeur Andrea Molinari » >> soit 3 + 4 ; j’y sens une musique. Si je choisis : Theo Molinari, il y a moins de musique : 2 + 4. Le « T » est plus dur que le « A ». Si c’est une sifflante c’est encore plus accentué. Pas de longues recherches ! Je le « sens », c’est tout.
Une pause. Ce que je dis là est sans prétention. Je joue. Je suis un passionné de puzzles. Les plus compliqués, blanc/noir, etc… Je trouve dans l’écriture le même fonctionnement que dans un puzzle. J’ai l’idée. La vie même est un puzzle. Parfois des morceaux manquent, ou que l’on ne trouve pas…Je n’ai pas toujours la fin de l’histoire que je démarre. J’ai l’idée et je la développe. Attention aux doublons, aux auxiliaires (pas facile toujours !). Mon maître en musique c’est Schubert. Je l’aime d’amour. Humilité, bonté, sens aigu de l’amitié, tendresse. Il est mon maître dans la conduite de ma vie, pas très facile cette vie, mal commode souvent…Mais !
THÉO KOSMA – L’écriture théâtrale est-elle plus complexe que la littérature ? Ces deux univers ont-ils des points communs ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Jean Piat : « Essayez-vous au théâtre ! Mais choisissez peu de personnages, les théâtres n’ont pas d’argent. C’est très difficile d’écrire pour le théâtre ! » J’ai renoncé après ce verdict, attendu 8 ans avant d’écrire ma 1ère pièce (saluée par Simone Veil et qui a failli être lue au Mémorial de la Shoah avant d’être montée…Restrictions de budget…Terminé, rangé.) 8 personnages !
Difficile ? Un jeu d’enfant. Ce que j’appelle une pure jouissance. Un plaisir charnel. Ce que j’ai pu m’amuser ! Evidemment j’ai continué ! Point commun ? Je ne sais pas. Je passe de l’un à l’autre sans me poser ce genre de question. J’essaie (j’arrive peut-être ?) à ce que mon écriture bouge d’un texte à un autre. Est-ce le même auteur ici ou là ? Cela, ce serait un bonheur si j’entendais une telle réflexion !
THÉO KOSMA – À quoi ressemble la vie dublinoise (rencontres, état d’esprit…) par rapport à la vie française ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – L’Irlande : c’est un beau pays. Ma dernière nouvelle érotique prend l’Irlande comme cadre, une nouvelle érotico-poético-touristique. Après cette lecture je suppose que ceux qui l’auront lue voudront venir voir sur place ! Les irlandais : chaleureux, on peut se faire des connaissances, des amis, à la pelle. Mais j’ai cette chance (humblement dite) : j’adore la musique et j’offre une fois par mois, dans une salle d’arts, une soirée musicale, très suivie par une bonne trentaine, quarantaine de personnes : Musique russe/Musique soviétique/Negro spiritual depuis ses origines/Latino-América/Musique espagnole depuis ses origines/Musique juive depuis ses origines/Jazz depuis ses origines/Histoire de la chanson « Lili Marlène »/Chanson française/Paris en chansons /Schubert/Debussy/etc…
Et donc je recommande la visite ! Pas de déception et puis les irlandais ont montré avec leurs matchs en foot qu’ils savent se comporter en vrais gentlemen !
La différence avec la France : les irlandais sont dépourvus d’un défaut français : ils n’ont, pour ce que j’en connais, pas d’arrières pensées. Naïveté sans doute. Ils nous aiment vraiment et nous leur rendons. Ce qui manque ici : la bouffe française. Dans ses grandes largeurs.
THÉO KOSMA – Avez-vous déjà pratiqué ce que l’on nomme l’auto-censure ? Y’a-t-il des choses que vous aimeriez publier mais que vous vous interdisez ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Non, je ne sais pas ce que c’est. Si j’ai l’idée de dénoncer, de me révolter, je le fais ou le ferai, par la nouvelle érotique ou par la nouvelle tout court.
THÉO KOSMA – Est-il facile de mener de front une existence d’auteur d’écrits sensuels avec une existence plus classique (travail, conjoint, enfants, repas familiaux, vie publique…) ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Il n’y a pas de combat entre les deux. Evidemment, si j’en reste à l’IDEE, le nombre de nouvelles érotiques n’ira pas à la hausse. J’ai déjà dit à l’éditeur qu’il n’y en aurait pas 4 et j’ai menti puisqu’il y en a 4, la dernière…on attend le feu vert. La sensualité c’était lorsque j’étais jeune ! Aujourd’hui je suis un « jeune-vieux ». Si je m’arrête de fonctionner, d’élucubrer, je vais devenir un vieux, un vieux con. Alors j’avance, passe de l’écriture aux soirées musicales, de l’aquarelle au puzzle, des enfants aux vieux Alzheimer à l’hôpital proche (les aider à manger), à …La crise cardiaque viendra, je pense, à ce rythme !
THÉO KOSMA – On remarque souvent que les auteurs d’histoires d’horreurs sont des gens très doux, ou que les auteurs de polar ne sont pas obnubilés par les faits divers sanglants. Suivant cela, un auteur est-il souvent d’autant plus sage dans son existence que ses écrits sont crus ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Oui, très calme et très lyrique (vous vous en apercevez) bavard mais taiseux aussi car je ne veux pas faire chier les gens « avec ma musique » comme ça m’a été répété toute ma vie ! J’écris, dans mon coin, ma compagne (irlandaise) à mes côtés, devant son ordi et moi devant le mien. Elle, à ses lettres aux amis, à la famille et moi à mes textes.
THÉO KOSMA – Voyez-vous plutôt la lecture érotique comme une activité solitaire, de couple… ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Oui. Ici, chez moi, devant nos ordis, je peux écrire ce que je veux, quand je veux. Ailleurs, en France, chez une cousine, des amis, je ne peux pas. Blocage. J’ai besoin d’un cadre, de musique avant (je dis « avant », jamais pendant)
THÉO KOSMA – Une conclusion ?
JEAN-CLAUDE THIBAUD – Je répète : je manque de lecteurs, j’ai besoin d’un lectorat qui analyse et non qui dise « c’est bien », « c’est beau », c’est…J’ai auto édité un livre dont Babelio fait état, « La maison près de la mer » que je vends à 12 euros parce que je ne souhaite pas gagner de l’argent mais faire connaître mes idées, mes nouvelles, mes pièces de théâtre. Tous les exemplaires ayant été vendus, j’ai fait refaire un autre tirage, avec ISBN et tout le confort. Mais trop compliqué pour le vendre au travers de la Fnac ou Amazon…Je reste un auteur, pas un vendeur !
Pour en savoir plus sur l’auteur, cliquez ici pour voir sa page sur le site de l’éditeur Dominique Leroy.
Bonsoir Théo, c’est parfait ainsi ! Je continue mes écritures: 10 nouvelles « nouvelles » en 6 semaines, assez proches des contes d’un Buzzati,
Bonne soirée à vous!