Suite et fin de notre entretien avec l’auteur Marie Godard.
Dans la vision du polyamour, de la non-exclusivité, du ménage à plusieurs etc., qu’est-ce qui nous freine dans notre société actuelle ? Pourquoi est-ce donc si tabou, si rejeté ?
Je ne suis pas sociologue et n’ai pas la prétention de pouvoir porter un jugement sur notre société. Je ne peux que vous donner mon sentiment qui n’est que le fruit de mon expérience personnelle et de la vision que j’ai de ce qui m’entoure.
Je dirai donc que nous sommes dans une société encore très empreinte de ses racines judéo-chrétiennes et que même si nous sommes très nombreux à être non pratiquants, voire athées, il n’en reste pas moins que la notion de ce qui est bien et mal en est encore très imprégnée. Or quand on se mariait, il n’y a pas si longtemps encore, on se mariait pour la vie, qui était, je vous le rappelle, bien plus courte qu’elle ne l’est maintenant car quelqu’un qui avait 50 ans était vieux ! Ceci n’est plus le cas car il y a maintenant 45% des mariages en France qui finissent par un divorce bien que nous continuions d’adhérer à la règle de la monogamie (je ne parle pas ici de la loi mais de la pratique).
À cela s’ajoute le fait que dans notre société, la vie sexuelle est encore intimement associée à la vie amoureuse monogame, encore une fois, en raison de notre culture judéo-chrétienne : souvenez-vous que jadis, seules les relations sexuelles dans le but de procréer étaient autorisées par les lois de l’Église…
La conséquence de cela est que si notre partenaire s’aventure hors de sa relation de couple pour vivre des aventures sexuelles avec d’autres partenaires, la réaction de l’autre est de croire immédiatement que la relation amoureuse est menacée.
Petit à petit, certains arrivent à déconnecter le sexe de la relation affective exclusive mais nous sommes encore loin d’une règle générale. Ceux qui y sont arrivés peuvent alors vivre des aventures sexuelles avec d’autres partenaires sans que leur vie de couple n’en fasse les frais.
Et dans un petit nombre de cas, les partenaires d’un couple en arrivent même à accepter sereinement que l’on puisse aimer plus d’une personne à la fois, chacune étant unique, sans que cela mette en danger l’existence de ce couple. Les praticiens du polyamour pensent que les sentiments que l’on éprouve, la tendresse, l’affection, l’amour, l’attirance physique, ne sont pas des parts de gâteau disponibles en quantités limitées. Permettez moi d’illustrer mon propos : ainsi, ce n’est pas parce que l’on aime son premier enfant qu’on n’aimera pas le second au motif qu’on a déjà donné son amour au premier ! Il se pourrait qu’il en aille de même pour les relations amoureuses, en tout cas, chez certains couples…
À ce sujet, je me permets de vous conseiller la lecture des livres d’une amie, Françoise Simpère, auteur et journaliste, qui a beaucoup écrit sur le polyamour.
Vous sembler beaucoup lier le sexe et l’érotisme à l’amour, même lors des scènes les plus crues. Sexe et amour sont-ils pour vous indissociables ?
C’est sans doute parce que je suis toujours aussi amoureuse de mon mari que vous ressentez la présence de l’amour dans mes textes, mais je ne crois pas que cela soit absolument nécessaire. Une chose est certaine, c’est qu’il doit y avoir une vraie complicité entre les partenaires sexuels, une grande confiance qui permette l’abandon, sinon, à quoi bon ? Et lorsque cette complicité s’installe, la tendresse, l’affection ne sont pas loin derrière…
Quel effet sur vos lecteurs voudriez-vous qu’aient vos écrits ? Simple plaisir littéraire, une réflexion, un épanouissement ?
Comme je suis très cérébrale, j’espère que mes lecteurs trouvent dans mes romans et mes nouvelles une place pour LEUR vision érotique personnelle, contrairement aux films pornographiques qui imposent un cadre très précis qu’on ne peut pas modifier et qui excite, ou pas, ceux qui les regardent. Je crois que les romans érotiques doivent faire la part belle à l’imaginaire du lecteur et c’est ce que j’espère que font mes romans. J’ajoute que j’espère aussi que l’histoire soit suffisamment captivante, même si elle est excitante, pour que l’on ait envie d’en connaître la fin.
Vous avez également abordé le domaine de la soumission, ce qui ne ressort pourtant pas forcément dans les autres écrits. Pourquoi ce domaine vous tient-il à cœur ?
Ce domaine ne me « tient pas à cœur », c’est juste un autre jeu sexuel qui peut être amusant dans un contexte érotique. Je n’ai aucune disposition à la soumission et n’ai pas non plus de fantasmes de domination, mais j’aime les jeux sexuels et la soumission est l’un d’eux, mais comme vous avez dû le découvrir si vous avez lu « Soumise, vous avez dit soumise ? » ce jeu est plus complexe qu’il n’y paraît…