Cette semaine, je vous propose de découvrir Nicolas Marssac, auteur dont nous avons découvert le travail de l’épouse Marie Godard il y a peu, sur ce blog…
Certaines de vos histoires mettent en scène des événements relativement peu probables dans la vie réelle, tel cette nouvelle où des infirmières cherchent à aguicher un jeune homme hospitalisé. De votre point de vue, êtes-vous dans l’irréalisme ou bien la réalité dépasse-t-elle en fait souvent la fiction ?
Grande question… à quel moment passe-t-on de la réalité à la fiction ? Et, en particulier dans le cas de cette infirmière — une cougar comme il en existe de nombreuses — qui décide de s’offrir un jeune garçon en pâture, pourquoi cela n’aurait-il pas existé, et ne se produirait-il pas de nos jours ? J’ai séjourné en clinique un certain nombre de fois, dont tout récemment, et je peux vous dire qu’à partir de certaines heures de la nuit, tout peut se produire. Quant au fait que des infirmières cherchent à aguicher un patient, je peux vous affirmer que je l’ai vécu, encore récemment. La plupart du temps, c’est un jeu, comme le fait d’échanger des regards avec une femme à la terrasse d’un café, ou de flirter avec la postière au guichet… Tous ces jeux auxquels se livrent les gens bien dans leur peau et qui ne mènent pas forcément et automatiquement à une conclusion… Un jeu… Pour oublier un instant la vie de tous les jours et se sentir différent, séduisant…
France, Asie, Canada… vous avez vécu en des contrées très différentes. De quelle façon vit-on sa sexualité dans tel ou tel pays ? (Tabous, difficulté de facilité de faire des rencontres, comportements…)
Quand j’ai quitté la France au début des années 70, les femmes étaient libres de leur corps grâce à la pilule et les contacts hommes/femmes étaient sans tabou particulier. En Afrique, où j’ai effectué de nombreuses missions, femmes et hommes vivaient depuis longtemps une sexualité libre et saine. En Asie, une région du monde où on aurait peu penser que les approches étaient subtiles et les comportements restreints, la différence de couleur de peau, qui faisait fantasmer les hommes, les asiatiques comme les occidentaux, entraînait des rencontres relativement aisées.
Certaines nouvelles semblent se dérouler il y a plusieurs décennies. Êtes-vous nostalgique des années soixante ou soixante dix ?
Je suis partagé : d’une part, je pense que les années 60 ou le sexe était — sous l’emprise d’une Eglise encore très présente — encore sujet à de nombreux tabous, étaient une époque ou l’érotisme était le plus fort. On ne parlait pas de sexe, peut-être, mais l’érotisme était présent dans la mode féminine, au cinéma avec des actrices superbes et sensuelles évoluaient dans des films dans des tenues et des situations qui suggéraient beaucoup, ou encore dans la littérature, domaine où les mots avaient une grande force. On montrait peu, mais on laissait une grande part aux fantasmes.
Mais, en contrepartie, dans les années 60, la pilule libératrice n’était pas encore répandue et l’on vivait, du moins les célibataires, dans la hantise d’une grossesse non voulue. Cela ne rendait pas le rapports faciles…
Les années 70, je l’ai dit plus haut, ont changé la donne. Mais on était encore loin de l’époque actuelle où tout est visible, ouvert, dès, ou même avant, l’adolescence, sans mystère, et sans grand fantasme. Il y avait une grande place pour l’érotisme, alors que maintenant…
Alors oui, dans une certaine mesure, je suis quelque peu nostalgique des années 60/70.
Votre épouse écrit et publie également des histoires érotiques. Comment se gère le quotidien de deux écrivains érotiques ? Comme un couple classique, ou différemment ?
Nous travaillons chacun de notre côté, chacun dans nos bureaux séparés l’un de l’autre, et notre écriture est très différente l’une de l’autre. Nous ne nous concertons donc pas. En revanche, nous faisons lire à l’autre le travail achevé, et nous sommes des critiques sans compromission vis à vis l’un de l’autre.
Evidemment, l’érotisme que nous écrivons peut-être parfois un stimulant, mais c’est très accessoire… et c’est une autre histoire…
Vous aimez décrire de façon crue, votre écriture a un côté érotique mais également pornographique. Pourquoi cherchez-vous à ce point le « détail salace » ?
Érotique, pornographique, où est la frontière ? Je pense que c’est un point de vue individuel. Quant au « détail salace », il m’est arrivé, au bout d’un long moment d’écriture, d’avoir envie d’aguicher ou de surprendre le lecteur — ou la lectrice, car le lectorat féminin est, je pense, supérieur en nombre au masculin — avec des détails plus crus qui vont trancher avec le reste du texte. Oui, je reconnais le caractère volontairement provocateur de certaines pages.
Le héros de vos nouvelles est souvent une héroïne. Vous mettez-vous dans son corps et son esprit, ou bien plutôt dans la peau de son partenaire ?
Quand je décris une situation avec une héroïne comme personnage central, j’essaie autant que possible de me mettre dans la peau de celle-ci. J’aime bien penser que les femmes sont, à notre époque, totalement maîtresses de leur vie amoureuse et que c’est très bien comme cela…
Vous êtes friand d’art tribal. Certaines créations de ce domaine sont particulièrement sexuelles. Une sexualité assumée serait-elle moins taboue en certains lieux et certaines époques ? Ou bien ne faut-il y avoir que des symboles de la fertilité ?
L’art tribal est essentiellement spirituel. On sculpte, depuis fort longtemps et partout dans le monde, des effigies qui ont pour but de protéger, d’ensorceler, de respecter les ancêtres, ou encore de favoriser la fertilité. L’évocation du sexe sur certaines statues est bien dans ce dernier but.
Quant à la sexualité d’une région du monde par rapport à celle d’une autre, il faudrait un livre fort épais et fort docte pour en traiter.
Votre métier, antiquaire, est plutôt « sage » par rapport à vos histoires. L’écriture est-elle un loisir supplémentaire, ou bien est-elle davantage que cela au centre de votre existence ?
Mon métier d’antiquaire constitue mon occupation centrale. Je me suis mis à l’écriture pour me distraire et aussi pour voir si je pouvais le faire. Quant à continuer… J’ai plusieurs idées en tête, mais ce ne sera vraisemblablement plus de l’érotisme.
Si vous comparez votre adolescence aux ados de 2017, quel est votre point de vue sur la jeunesse d’aujourd’hui ?
Peut-être ai-je un peu oublié, certainement même. Néanmoins, je pense que les adolescents de mon époque vivaient dans la vrai vie. Les contacts étaient plus faciles, les jeux de l’amour plus simples, plus vrais dans un certain sens, les distractions différentes. J’ai le sentiment que les ados actuels vivent dans un monde en partie virtuel, plus brutal, empreint de beaucoup de solitude, et en même temps avec un communautarisme très fort. Je trouve nos jeunes très attachants, mais très vulnérables, dans un monde qui a beaucoup changé mais auquel ils semblent s’adapter. Je l’espère pour eux.
Lire des extraits de ses ouvrages, les commander : https://www.amazon.fr/Nicolas-Marssac/e/B004MQEQYE/ref=dp_byline_cont_book_1