Souvenirs d’enfance de Chloé avec celui qu’elle pense devenir, peut-être bien, son premier vrai petit amoureux…
Extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande », ou le journal intime d’une aventurière de sa naissance à son âge adulte…
Oh non, il fallait que ça m’arrive ! J’ai loupé mon premier baiser.
Mais alors en beauté. Et il a fallu que ça survienne moins d’un mois après mon anniversaire, tu parles d’un cadeau. Cette année on a une saison froide très douce qui nous permet d’aller au square. J’y fais la rencontre de Rémi, un nouveau dans le quartier. Il a mon âge, sauf qu’il fait plus que mon âge et qu’il est musclé, ce qui me plaît bien. Surtout Rémi a du charme, un beau visage et s’intéresse toujours à ce que je dis, ou fais mine de s’y intéresser ce qui est pareil.
On rigole, et des fois aussi on parle sérieusement. Son regard est perçant, ses cheveux châtains sont toujours bien peignés, avec du gel. Comme si le destin nous aidait, on se retrouve souvent seuls, en tout cas de notre tranche d’âge. Parmi nos jeux, certains sont bien entendu prétextes à frottements, titillements, agaceries, tout ce qui fait le charme des enfantillages. En sueur et recouvert d’un pull c’est forcément moins glamour que sous une douche.
Mais lorsque deux corps aimants se frôlent, les tissus ne sont rien, et il passe entre nous un tel magnétisme que c’est presque comme si on était nus.
Jour après jour, on se revoit. Notre complicité est telle que je ne veux pas la partager. Je ne l’invite pas à la maison, ni n’invite Clarisse lors de mes escapades au square. Pour tout dire, je n’en parle même pas à Clarisse. Ni à Estelle, ni à personne. C’est mon secret ! Quand je suis sûre qu’on sera seuls, je me mets parfois à l’inviter. Ou bien lui m’invite chez lui quand il sait qu’il n’y aura personne. Je me dis que ça va être l’occasion de premiers vrais petits câlins… on va chez l’un ou chez l’autre, mon cœur bat, on discute, on joue… et rien ne se passe.
Peut-être qu’il veut faire durer, ou alors il est aussi timide que moi. Je parviens même à avoir les sous pour le cinéma du quartier, un après-midi. On y va ensemble, au dernier rang, tout semble parfait. Là encore, rien que des regards et autres douceurs de langage.
Comme on dit, on prend le temps de se faire la cour.
Entre nous la sensualité est omniprésente, pourtant il arrive qu’on l’oublie, et qu’on redevienne des enfants insouciants l’espace d’un instant.
Je me souviens de ce jour de grosse pluie, au square. Tout le monde était parti, nos jeux en duo étaient si passionnants qu’on était les seuls enfants encore présents. Je ne saurais même plus dire à quoi on jouait, en fait peu importe, l’essentiel était d’être ensemble. Le reste on s’en foutait, d’ailleurs même le film qu’on avait vu je ne m’en souvenais plus.
Cet aprèm’ là on était trempés, les bas de pantalon pleins de boue. On commençait à être frigorifiés. Sachant papa et maman sortis, j’invitai Rémi à la maison pour se réchauffer. Quand on est entrés, on avait si froid que sans réfléchir, j’invitai le copain sous la douche. On s’y met, on fait couler l’eau chaude, on se savonne, on se rince. Puis on se sèche et on s’enveloppe dans de grandes serviettes. Ce n’est que là qu’on s’est aperçus de la situation.
Je ne plaisante pas, l’ambiguïté nous avait totalement échappée. Et pour cause, ça n’avait été ni sensuel ni ambigu. On avait juste voulu se réchauffer, rien de plus. Après un silence de plomb, je suis allé chercher des vêtements de rechange, dont certains pour Rémi, les fringues unisexe que maman m’avait achetées en soldes et qui étaient un peu trop grandes pour moi.
Là, très gênés, on a ôté nos serviettes sans se regarder et on s’est habillés en quatrième vitesse.
Les jours qui suivent, j’y repense sans arrêt. Comment de telles émotions entre nous avaient pu disparaître le temps d’une douche, je ne l’ai jamais su. Encore aujourd’hui je l’ignore.
Un dimanche matin, il fait particulièrement doux et un petit vent chatouille nos visages. Peu de monde à cette heure, personne hormis Rémi et sa Chloé dans un rayon d’au moins vingt mètres, nous deux à cheval sur des jeux à bascule. On s’y balance lentement d’avant en arrière, l’un face à l’autre. Pour la première fois on se regarde de près, pleinement, dans les yeux.
À chaque mouvement de balancier, son visage se rapproche un peu plus du mien. La scène est silencieuse, je respire fort, j’entends mon cœur battre, peut-être aussi le sien. Je suis incapable d’esquisser un geste, de toute façon je me dis que c’est plutôt à lui de le faire. Je sens qu’il hésite, qu’il cherche le moment de se lancer. Je l’y encourage par un petit sourire. Il tente enfin, s’approchant encore plus de moi, prêt à passer à l’acte…
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