Un corps invisible s’empare de toi…

Agathe cherche à contacter son petit copain défunt, venant tout juste de périr dans un accident dramatique. Une amie médium est là pour l’aider. Faut-il y croire, faut-il tenter, espérer ? Après tout pourquoi pas… Sait-on jamais, qu’y aurait-il à perdre. Lorsque soudain…

— J’ai senti quelque chose.

— Dans le pendule ?

— Pas seulement. Partout autour. Il m’a semblé que toi aussi…

— Oui, je me sens… toute bizarre. Au début je me sentais comme malade. Là, ça va mieux.

— Parfait. C’est en train de fonctionner.

— Quoi ? Vanessa tu crois vraiment ?

— Chhht… Ne crie pas comme ça, garde la voix basse.

— Est-ce qu’il est toujours dans la zone montagneuse ?

— Je crois qu’il y était. Et qu’il l’a quittée il y a peu, pour venir ici. Sûrement pendant les rituels.

— Il est venu… de… d’aussi loin ?

— Le temps et l’espace sont sans importance.

Il aurait même pu traverser une année-lumière en une fraction de seconde. Fais silence maintenant.

Elle retira la carte et reprit le pendule. Celui-ci vibra. Vibra encore, puis se mit à tourner. L’amoureuse eut alors le sentiment qu’elles n’étaient plus seules. Il y avait bel et bien une présence. Autosuggestion ? Non. C’était trop palpable. On sentait également une odeur différente de celle de l’encens, et la température avait baissé. L’idée que son amour était réellement ici bouleversait la petite amie, se demandant si elle n’allait pas s’évanouir. Vanessa fixa la bougie : la flamme dansait anormalement.

— Oui, il est bien avec nous. Sandrine, c’est formidable ! Maintenant reste calme, je pense qu’il va tenter de communiquer.

Le ressenti devint certitude. Il y avait trois âmes en ce lieu. La troisième ne lui était pas inconnue. Cette présence s’approchait d’elle. Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune fille, les premières qui n’étaient pas de tristesse. Vanessa parut étonnée que le pendule ne vibre plus. Sans doute s’attendait-elle à une séance de spiritisme dite « classique ».

En fait, la présence

se détournait de l’amie pour se concentrer sur l’amante.

Sandrine perçut une onde lui chatouillant les pieds, puis se dressant devant elle. Oui, il était là. Oui, c’était lui ! Vanessa posa le pendule.

– A partir de maintenant, tout matériel est inutile, chuchota-t-elle.

– Et s’il voulait communiquer ? Par le pendule ou…

– Quand une présence s’affirme enfin, il est encore plus rare qu’elle puisse formuler des mots ou des phrases cohérentes. L’âme se passe de verbe, surtout quand le décès est si récent. Ce n’est plus qu’une boule de sentiments. Si tu veux vibrer avec lui, fais de même. Ne formule plus rien, laisse seulement ton âme s’exprimer comme la sienne, par l’invisible.

La petite amie aurait voulu lui dire combien elle l’aimait,

combien il lui manquerait.

Et aussi qu’elle était, en cet instant et pour l’éternité, entièrement à lui et qu’il pouvait lui faire ce qu’il désirait. Aucun endroit, aucun outrage ne lui était interdit, au contraire elle l’y invitait. Tout ceci se passait fort bien de mots.

– Qu’est-ce qui m’arrive ?

Cette fois, c’était l’intéressée qui venait de tressaillir. Une onde lui parcourait le corps.

– Je pense que tu lui as donné l’autorisation de te… visiter. Non ?

– De me posséder ?

– De s’unir à toi. Il n’y a plus besoin de ma présence, j’ai été que la médiatrice. Je vais rester dans le couloir. Appelle-moi au moindre souci.

Vanessa se leva, sortit, referma la porte. La jeune fille, encore incrédule, ne parvenait pas à admettre la situation. Etait-ce réellement envisageable… n’était-elle pas en train de rêver… Il lui fallait se calmer. Faire le vide. Profiter de l’instant présent sans songer à rien d’autre.

(…)

L’entité entoura sa belle

et lui offrit une étonnante sensation de chaleur.

Ce n’était pas une enveloppe charnelle à proprement parler, car elle se fit ressentir au-dessus de Sandrine, derrière, devant… puis se concentra sur le côté droit, le dos, le ventre… Mouvante, elle passait et repassait tel un chat qui ronronne. Si ce n’est qu’un chat en reste aux mollets, et celui-ci la frôlait de la tête aux pieds.

L’amoureuse en eut des frissons, et comprit qu’il s’agissait de caresses. Tout du moins, c’était le mot qui s’en approchait le plus. La forme semblait dans un état quantique, comme si elle la touchait sans la toucher, comme si la caresse étaient en même temps un massage, un frottement, une apposition. Tantôt l’effleurant à peine, tantôt s’imprégnant de son épiderme… dans un cas comme dans l’autre, elle en avait la chair de poule.

Sandrine reconnaissait bien là toute la dextérité de son homme.

Entre mille amants la caressant dans le noir,

elle l’aurait reconnu lui du premier coup.

Cette manière de tout se permettre avec une douce autorité, de ne jamais être réellement prévisible, d’associer force et douceur… Il adaptait son Moi à ce que sa nouvelle identité lui permettait.

Quelques instants plus tard, c’était passé sous les vêtements. Au premier contact, ce fut comme si des mains gelées se posaient et la jeune fille en poussa un cri. Puis la sensation vira au tiède, et enfin au chaud. Ô seigneur que c’est bon, se dit-elle. Mais les tissus l’empêchaient de tout ressentir : aussi la jeune fille décida de s’en passer. Voulant retirer son chemisier, elle dut s’y reprendre à plusieurs fois, ses membres étant comme figés. Elle devait l’aider… Dommage que l’influence d’Amaury sur la matière n’aille pas jusque-là, lui qui adorait la dévêtir.Se faisant violence, elle parvint enfin à coordonner ses mouvements, retirant tout, aussi vite qu’elle put. Non sans mal… La jeune fille avait l’impression d’être une gamine de trois ans sans aucune adresse. Chemisier déboutonné, puis soutien-gorge, chaussettes, pantalon, culotte.

Ce fut

le strip-tease le moins sexy de tous les temps.

Sandrine le fit telle une prisonnière s’extirpant de ses chaînes, et mit un bon moment à parvenir à ses fins. Lorsqu’elle fut entièrement nue, ce fut pour elle comme une libération. Se jetant au sol, elle s’allongea sur le dos, écarta les bras et entrouvrit les jambes. La température montait trop pour prendre son temps… par ailleurs, qui sait combien de minutes Amaury pourrait rester. Qui sait si chaque moment qui passait ne serait le dernier, et qu’il aurait pour obligation de la quitter pour de bon juste après. Car Sandrine ne croyait pas aux esprits communiquant des années avec les vivants.

Tout comme Vanessa, elle pensait qu’une âme désincarnée devait être portée vers la lumière, puis passer à sa prochaine existence. D’ailleurs, elle ne devait pas être égoïste et souhaiter qu’il reste âme errante… Ce n’était en rien une destinée souhaitable. Un esprit tournant autour des lieux et gens qu’il a aimés finit par n’être que dans la souffrance et le regret. Sa présence devait être un au revoir. De tout son amour et de tout son désir, Sandrine allait l’aider à s’élever vers la lumière.

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