Toutes en nuisettes et à l’abri des regards

Lorsque Chloé découvre les Pyjamas Partys entre copines, elle ne tarde pas à y percevoir l’occasion de découvrir son corps et ceux des autres… Et même sans contact, le jeu peut être sacrément chaud. – Nouvel extrait de ma saga littéraire « En attendant d’être grande ».

Nuisettes et pyjamas

Cette année sonne une nouvelle première fois : celle des soirées pyjama, activité propre à la gent féminine. Avec un groupe de six ou sept filles, dont Clarisse bien entendu, on s’invite les unes chez les autres, une première fois d’abord, puis de plus en plus souvent. Pour une « party » digne de ce nom, il faut être au moins cinq et moins de dix. Pas trop peu pour qu’il y ait une vraie ambiance, pas trop pour ne pas être une bande de dindes. Desproges dit « A plus de quatre on est une bande de cons », mais je pense qu’il parle des garçons.

Nous les filles, six, sept ou même huit, c’est parfait. On manque de place, on se bouscule pour dormir, on rigole pas mal. Et puis après avoir joué, crié, chanté, le silence se fait et le temps des confidences s’installe.

Sans être dindasses on est un peu gang de pétasses.

Les cancans et mesquineries vont bon train. Quoi, ce n’est pas pour le répéter à travers l’école ! Aucune parole échangée ne doit jamais sortir de la pièce, nous en avons fait pacte. Parfois on est si méchantes qu’on dirait une réunion de sorcières. Pas toujours… et puis bon, c’est pour rigoler. Moi qui n’avais jamais été vraiment commère, voilà que j’y prends plaisir, comme si c’était génétiquement imprimé en chaque fille.

Nos soirées sont jalousées, et font boule de neige. Ces rendez-vous nocturnes deviennent à la mode, plusieurs groupes se constituent à l’école, et tout le monde ne pouvant pas être invité, forcément ça crée des rancœurs.

Toujours que des filles… jamais de pyjama party masculine.

Ils adoreraient je suis sûre, c’est juste qu’ils n’osent pas.

In fine, les médisances montrent leurs limites… et deviennent ennuyeuses. Faut dire, on en a vite fait le tour. Nous orientons alors davantage les soirées vers les contes et les jeux. Pas si pétasses au fond les louloutes… Tant mieux, c’est une salope que je veux devenir, rien d’autre. Certaines personnalités s’affirment : plusieurs filles, tenant à rester fielleuses, ne m’invitent plus, et pas que moi. Les groupes se séparent, se scindent, se recomposent…

A notre âge la véritable amitié est rare, Clarisse est l’exception, c’est pour ça que je l’aime tant et qu’elle m’aime tant. Il reste tout de même quelques bonnes copines, avec lesquelles les pyjama parties valent le coup. Maman ne veut pas accueillir ces soirées. Dommage, quel beau spectacle manqué pour Julius, il en serait tombé dans les pommes ! Surtout quand on sait la tournure que cela prit. Car je tenais à les éduquer les copines…

Pour commencer sans les brusquer, lorsqu’il fait chaud je me mets en culotte et incite les autres à m’imiter si elles ne le font pas d’elle-mêmes. Quand la soirée se déroule dans une petite chambre, comme la fois où on est chez Clarisse, je propose qu’on dorme les unes contre les autres « pour jouer aux gerbilles ».

Certaines sont

en nuisettes sans rien dessous, ne s’apercevant pas de la transparence.

Lorsqu’on se chamaille ou qu’elles s’asseyent, il y a toujours un moment furtif où on voit tout, en tout cas pour qui a la vivacité de mon regard… d’autant qu’une fille, peu vêtue et se sentant bien, a toujours tendance à écarter pour faire respirer la machine.

Au cours du sommeil les corps se retournent et s’entrechoquent, je reste la seule éveillée, j’observe. Estelle m’a dit que les humidifications nocturnes se passaient beaucoup en rêves. Ça ne m’est presque jamais arrivé, ce genre de moment étant trop beau pour le vivre en roupillant… Je préfère garder le contrôle, décider à quel moment l’ogre va me capturer. J’observe les copines dormir, à l’affût du moindre signe. Il faut plusieurs soirées pyjama pour percevoir enfin quelque chose…

A savoir, Valérie

poussant des sortes de gémissements, main entre les cuisses.

Je réussis alors l’exploit d’avoir une incidence sur son rêve, enfin je crois. Je caresse ses cheveux, mes doigts frôlent son mollet, chaque fois elle se retourne sur elle-même et les sons reprennent de plus belle. Comme pour Julius je ressens par procuration, j’ai le sentiment d’être en son corps.

(…)

Soir après soir, l’air de rien, l’air de tout, chaque participante s’éveille ainsi à la sensualité. Je suis juste la seule à en avoir pleinement conscience. Et profite d’une party pour voir si je suis plus talentueuse que les autres en dévêtement. Après qu’on ait un peu dansé, je propose un concours de déshabillage en musique. « Comme du strip-tease ? », dit une copine. C’est là que j’apprends le terme. Non, pas comme du strip-tease, je les rassure, juste du déshabillage en musique rien de plus.

Ma suggestion, presque énoncée à la rigolade, recueille un enthousiasme auquel je ne m’attendais pas et qui m’enchante. Après vérification que les parents de Valérie sont bien couchés (quand le chat part les souris dansent), on choisit un titre. Puis, je dis qu’il faut se changer, si on reste en nuisettes ou pyjamas chaque passage va durer trois secondes à peine, il faut bien plus de tissus à retirer. Et hop, on renfile les vêtements de la journée, pantalons, jupes, robes, ceintures, chemises, et même les serre-têtes ou nœuds dans les cheveux.

On fait mine de plaisanter, d’être détendues et à l’aise, alors que monte le malaise… en tout cas la pression. Jusque-là aucun souci lorsqu’on se change, quitte à ce qu’une nudité totale soit apparente quelques instants… les copines s’en foutent, n’y songent même pas. Là, tout sera différent.

Le défi est lancé, pas une n’aura le courage de se dégonfler.

Musique enclenchée, lumière tamisée, rideaux fermés (mince… j’aurais voulu les laisser ouverts). La première copine passe, sautille, fait un peu la fofolle sans trop savoir quoi faire, finit en culotte et chaussettes. Sachant que les suivantes risquent de faire de même, je passe en deuxième et fais ma représentation complète. Je prends mon temps, danse avec lenteur et langueur, reproduit instinctivement quelques mouvements de coït, retire tout.

Ça ne rigole plus, la gêne laisse place à la fascination. Je sens que je maîtrise et domine, fait traîner, m’arrange pour être entièrement nue avant la fin du morceau pour me balancer en tenue de peau au son de la mélodie. Je suis une anguille, mon impudeur est totale, elles n’ont rien d’autre à faire qu’à me regarder pour m’exciter… Je mouille. Je pense que ça ne se voit pas, j’espère. Une fois le titre achevé, grand moment de silence, puis l’une applaudit, suivie des autres. Je salue telle une artiste, elles me félicitent.

Un de ces nombreux souvenirs d’enfance où, en me l’imaginant aujourd’hui, je me revois déesse pleine de génie. Et où, je dois l’avouer, la réalité devait être assez éloignée de ce qu’a reconstitué mon cerveau.

Ça alors… ainsi,

on peut donc être en émoi sexuel devant des filles !

Les suivantes, de fait, veulent être au niveau et ça vire au sérieux. Nous ne sommes plus tellement dans le jeu, sans rire une certaine gravité se lit désormais sur les visages. J’ignorais aussi qu’on pouvait être excitée devant une fille se dévêtant. Sûre de moi et meneuse de revue, je pousse le vice jusqu’à rester nue en regardant les autres danser tour à tour. Bien que la température ait grimpé, aucune n’ose donner dans l’intégral au premier passage. Il faut que je force un peu la main… et attendre le troisième tour pour qu’elles s’y mettent. On remet encore et encore les mêmes titres à en faire fumer la cassette, du Ray Charles je crois, et l’inévitable classique de Joe Cocker.

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