Entretien avec Philippe Lecaplain

Nouvel entretien, cette fois-ci avec un auteur multi-casquettes, et du reste pas seulement auteur car avant tout journaliste. Son principal texte érotique « Ces dames de l’annonce », a la particularité d’être également une pièce de théâtre de son cru…

Un homme passe une annonce plutôt chaude pour rencontrer des femmes et reçoit de nombreuses réponses. Sommes-nous dans une histoire de science-fiction déguisée ? Ou bien est-ce réellement possible selon toi ?

La rencontre par voie épistolaire a toujours été le moyen de se rencontrer car cela est prudent, anonyme et nécessite moins de courage que d’interpeller une femme qui vous subjugue dans la rue ou à une soirée de peur d’être jugé outrancier et d’être renvoyé vertement. Et puis le média qui diffuse une annonce offre une audience, un « marché » bien plus important que le hasard d’une bousculade dans le métro, la proximité d’une file d’attente au cinéma et même d’un anniversaire de copain.

Si l’annonce de rencontres en tant que telle a disparu des journaux ou des hebdos, elle existe toujours en prenant une forme plus moderne. Que sont les sites de rencontres comme Meetic ou Attractiveworld sinon des agences matrimoniales numériques proposant une manière nouvelle de s’offrir à l’autre et de trouver l’élue ?

Maintenant concernant l’idée que Ces Dames de l’Annonce serait une histoire de science-fiction déguisée, j’y devine LA question qui m’est systématiquement posée avec gourmandise et curiosité empreinte d’un peu de voyeurisme… Ce à quoi je renvoie à la page de garde où il est bien indiqué qu’il s’agit d’un roman et non d’une autobiographie.  Au demeurant, tout ce que j’ai écrit est vrai puisque je l’ai inventé !

Comment parvenir à retranscrire des descriptions sulfureuses au théâtre ?

C’est bien là un tour de force et tout l’intérêt de se lancer dans un pareil exercice afin de donner une nouvelle vie à Ces Dames. Un roman est  narratif et descriptif, servi par une écriture alors que le théâtre doit faire place au dialogue et à la parole, forcément moins littéraire. Il a fallu dire sur scène ce que le romain décrivait. Le spectateur a des yeux qui le renseigne et n’a point besoin que lui soit décrit la posture, la tenue, la moue, l’éloquence, le doute, etc.

La difficulté a été de suggérer ce qui ne peut pas être montré. Il s’agit d’assister à une pièce de théâtre et non à une performance de peepshow. C’est la raison pour laquelle il a fallu recourir à un jeu de marionnettes pour montrer la ferveur avec laquelle un couple transforme sa rencontre en étreinte torride. Même chose avec du tango ou encore de la magie. C’est ainsi qu’une simple corde symbolise une érection…

Comment as-tu choisi les comédiens, fomenté la mise en scène ?

L’idée de faire de Ces Dames de l’Annonce une pièce est due à une double coïncidence. D’une part, lors d’ateliers littéraires, il y eu la rencontre avec Julie-Anne de Sée qui publie chez le même éditeur que moi et à qui je demandais de me donner la réplique afin de donner vie et rythme à ma lecture. Nous nous sommes beaucoup amusés et le retour des visiteurs nous a encouragé à continuer. D’autre part, au même moment, Frédéric Navarro dont je venais faire connaissance m’envoie un sms me disant qu’à la lecture du roman, il a le sentiment d’être dans une pièce de théâtre, sachant qu’il a déjà une expérience théâtrale. Je me dis alors qu’il y avait quelque chose à faire… Trouver d’autres comédiennes a été compliqué, n’ayant aucune expérience de ce monde et sachant que le bénévolat dans l’association qu’il a fallu créer est la règle.

Un personnage de ton roman est une bonne sœur. Penses-tu que les femmes et hommes de religion vivent dans la frustration ? Quel point de vue as-tu sur leur obligation de chasteté ? (Note : je précise que cette obligation n’a pas cours dans tous les courants religieux).

La pire des choses en religion est la « coutume » c’est-à-dire l’interprétation des textes par les hommes qui dans leur manque de sagesse – et pour tout dire, bêtise – décident des choses qu’un Dieu, quel qu’il soit, n’a pas envisagé ; sans quoi, il l’aurait fait acter dans les textes qu’il a dictés. L’abstinence est une de ces erreurs car elle coupe de la réalité celui qui dispense la bonne parole et qui sert de conseil à autrui. Cela est d’autant plus dommageable qu’en religion, il est d’abord question d’amour. Pis, cette chasteté imposée crée, dans certains cas, une frustration telle qu’elle provoque des comportements déviants et criminels. L’interdit n’est jamais une solution.

Ces dames de l’annonce : la pièce de théâtre / Le livre

Rendez-vous dans quelques jours pour la seconde partie de cet entretien.

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