Père Noël pervers – 2/2

Episode de « Dialogues Interdits », collection de petites histoires complètes uniquement constituées de dialogues…

 

— Tu penses bien que j’ai mis sous enveloppe et refermé avec triple dose de scotch avant de donner à maman. Si elle avait lu, quelle rouste j’aurais pris !

— T’étais incroyablement précoce.

— En apparence ! En vrai j’étais une gamine inconsciente, prête grand max à jouer au docteur avec un copain de mon âge. Je me faisais des films… Gros problème, ma lettre a été ouverte par un préposé pervers. Une des centaines de personnes chargées d’ouvrir les lettres père Noël et d’y répondre… Et c’est tombé sur lui, pile celui qu’il fallait pas. Il m’a répondu. Il m’a dit que c’était d’accord, il passerait le soir de Noël me baiser, que ce serait notre secret.

— La réponse t’a pas démontré que le père Noël existait pas ?

— Au contraire, j’étais plus que jamais persuadée de son existence !

— T’as pas paniqué non plus alors…

— Tu rigoles ? J’étais aux anges.

Coucher avec le père Noël t’imagines ? Un peu le rêve secret de toutes les petites filles.

— Heu… suis pas sûre du tout.

— Si si !

— C’est un personnage magique. Mais aussi un homme, non ? Et un vieux.

— Oui, magique ! Donc sûrement capable de transformer la taille de son pénis en fonction de sa petite amante.

— Je crois que je vais tourner de l’œil…

— Bref, on s’est échangés plusieurs courriers tout chauds tout bouillants.

— C’était lui seul qui ouvrait toutes tes lettres ? Comment c’est possible ?

— Malin le bonhomme ! Il m’avait indiqué un numéro à écrire sur chaque enveloppe. Une sorte de code de service pour que ça arrive à lui. Je mettais moi-même dans la boite aux lettres en allant à l’école !

Le soir, je tenais ses réponses dans une main et de l’autre je me caressais.

Je le lui racontais, puis aussi mes rêves érotiques, je détaillais ce que je lui ferais, ce qu’il me ferait… il me donnait des idées. Il adorait… Le cochon se contentait de peu ! Je m’exprimais avec des mots de gamine, je rédigeais des phrases banales, bancales, mal foutues.

— Les prédateurs de ce type aiment beaucoup ce genre de maladresses, à ce qu’on dit. Est-ce qu’il avait l’intention de t’agresser ?

— Il semblerait que non. Il voulait juste une correspondance.

— Ça reste très condamnable.

— Et il a été condamné ! Au lendemain de Noël j’étais en rage. En pleurs. Un instant je m’étais dit peut-être qu’il m’avait fait des choses pendant mon sommeil… mais j’étais physiquement en pleine forme, sans douleur ni courbature, sans boiter ni rien… Non, il m’avait bel et bien snobée et c’était un vrai scandale. Les parents comprenaient pas, mes cadeaux étaient chouettes. Finalement j’ai tout avoué :

papa Noël devait venir me baiser, il l’avait pas fait et je comprenais pas pourquoi.

— Du coup tu t’es trahie !

— Un père Noël si faux-jeton je le balance sans remord ! D’abord maman pensais que je racontais des histoires. Et puis j’ai montré les lettres… Tout a été découvert. Commissariat, interrogatoire. J’étais terrorisée ! Je pensais qu’on allait me mettre en prison. Heureusement le brigadier était gentil, il m’a expliqué que c’était pas ma faute. Le responsable a été viré, et fiché.

— Il a pas eu d’autres ennuis ?

— Je sais pas exactement. Si, je pense. Toute façon j’ai jamais su qui c’était. Tant mieux quelque part… En même temps ça me titille.

— C’était peut-être un vieux grassouillet… à la barbe blanche, qui sait. T’es parvenue à tourner la page ?

— Oui et non. Chaque Noël j’ai coutume de demander à mon petit copain de se déguiser pour venir me sauter, avec un peu de suie sur la capuche pour faire croire qu’il est descendu par la cheminée. On se refait pas.

— Et est-ce qu’au moins c’est le même chaque année ? Pour que tu continues à y croire, quoi…

— Allons, sois réaliste…


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