Missive amoureuse à l’ancienne

Cette nouvelle est un feu d’artifices d’émotions. Qui débute par un événement dramatique, presque banal pourtant, puis se poursuit par quelque chose de beaucoup plus chaud. Ensemble, nous allons peu à peu plonger dans l’extra ordinaire… Voici les premières pages.

Vingt-deux ans à peine, c’est vraiment trop tôt pour perdre à jamais l’amour de sa vie. Certains auraient considéré que c’était trop tôt pour une relation aussi sûre, à l’âge où on a tendance à enchaîner les petits copains sans se poser de questions. Seulement ces choses ne se décident pas, elles surviennent ou ne surviennent pas, tout simplement. Ça vous tombe du ciel lorsqu’on s’y attend le moins, c’est la magie de l’existence. Jusqu’à ses vingt ans, Sandrine était semblable aux copines : effectivement, elle ne se posait pas de questions.

Elle couchait selon son envie, pour un coup d’un soir

ou d’un après-midi. Parfois des rapports plus construits et réguliers, mais toujours teintés de légèreté. Pourquoi se priver et pourquoi demander plus. Ses études lui donnaient tout juste le temps de s’amuser un peu. Enfin sortie du carcan parental le mot d’ordre était : affrètement, dévoiement, amusement. Délirer, danser, se laisser draguer par certains, en éconduire d’autres, se réveiller entre les bras d’un homme qu’on connaît peu, faire des plans sulfureux, expérimenter. Elle se voyait bien tenir ce rythme jusqu’au certificat. Et puis un beau jour, au lendemain d’une classique histoire de cul, elle avait eu envie de revoir le garçon.

Et cette envie était partagée. Plus curieux encore : le revoir pour se balader, prendre l’air frais, sans songer au sexe, et ce malgré la fabuleuse partie de jambes en l’air de la veille. Jour après jour, puis semaine après semaine, l’aventure s’était métamorphosée en une vraie belle relation. L’air de rien et sans crier gare, sans même qu’elle ou lui ne s’en rende compte. On dit qu’à notre époque l’amour surgit ainsi, de façon moins attendue qu’autrefois.

Ce que la jeune fille tenait entre ses mains était une denrée rare : une lettre de papier, rédigée à l’encre d’un noir profond. Presque une sorte d’antiquité à l’heure du tout S.M.S. Certaines amies faisaient mine de trouver ça ringard et vieux jeu pour cacher leur jalousie.

D’autres, plus sincères, lui disaient qu’elle avait tiré le bon numéro.

Pour sûr, c’était le mot juste. Son amoureux avait toujours aimé écrire. Amateur de bibelots, fouineur de brocantes et de vide-greniers, il possédait dans sa collection un encrier des années cinquante et une belle plume de cygne gris. Son péché mignon : travailler le papier pour lui donner une allure ancienne, le rédiger à l’encre noire, de Chine s’il vous plaît et pas au premier prix, puis l’enrouler et le nouer à la façon d’un parchemin.

Dernière touche : le cachet de cire. Avant leur rencontre, il ne faisait cela que pour des soirées jeux de rôles au cours desquelles il animait en tant que maître de jeu. Depuis leur rencontre, chaque semaine, il trempait sa plume (pénétration avant la pénétration) et délivrait un petit message à sa bien-aimée. Pour elle, l’attention n’avait rien de vieux jeu. Ou si ça l’était, elle s’en contrefichait.

Mais elle en doutait… Un garçon vieux jeu vous offre des fleurs au premier rendez-vous et vous complimente d’emblée sur vos fringues. Un homme ringard commande du champagne dès le premier soir pour vous épater ou joue au macho trop sûr de lui. Non,

les correspondances de son chéri se situaient à un autre niveau.

De telles lettres, rédigées d’une belle écriture à l’ancienne, semblaient plutôt provenir de la cinquième dimension.

Celle-ci serait la toute dernière, il n’y en aurait plus jamais aucune autre. Chez ce garçon, tout respirait la beauté. Chaque geste, chaque parole, chaque création. Même le matin mal réveillé et mal rasé avec les paupières tombantes elle le trouvait magnifique. « Aucun doute », lui avait dit sa copine Vanessa, « c’est à partir de là qu’on sait qu’on est amoureuse. Quand t’as même plus à te demander s’il est réellement beau ou non dans la réalité : ça n’a plus d’importance car pour toi il reste le plus chouette garçon du monde ». C’est elle qui avait fait comprendre à la jeune fille ce qu’elle vivait.

La missive était simple.

L’amour est aussi basique que le sexe : inutile de calculer

ou faire des plans.

Juste quelques lignes douces, de celles qu’il lui écrivait avant ses départs. Selon le temps dont il disposait, le courrier était parfois plus inattendu. Humoristique, court, long, avec un dessin… parfois quelques alexandrins, parfois des propos franchement obscènes. Sandrine adorait quel que soit le style choisi.

Comme à peu près une fois par mois, Amaury avait prévu de partir quelques jours pour vadrouiller en montagne. Enfant des Alpes, rester plus de quatre ou cinq semaines dans la capitale sans voir de roches lui donnait la sensation d’étouffer. Escalade et randonnée étaient pour lui des activités vitales, sorte de traitement. Du reste, la petite amie ne pouvait qu’y apporter sa bénédiction : son copain en revenait toujours gonflé à bloc, le teint frais, muscles mieux dessinés pour avoir été mis à rude épreuve tout le week-end durant, heureux comme un roi. Leurs meilleures nuits étaient toujours marquées par ces retours.

En temps normal, le jeune homme était déjà fort bon amant. Lorsqu’il rentrait de ces petits voyages, il la comblait encore davantage.

Son bassin était infatigable, insatiable. Il la pénétrait doucement,

vivement, parfois avec force.

Et ne cessait de la surprendre. Même après avoir joui une fois dans sa bouche et une autre sur ses seins, il possédait encore toutes les ressources pour lui faire l’amour. L’érection était incroyable, c’est tout juste si elle marquait le pas après l’éjaculation… Capable de se maintenir pendant la pause, jusqu’à la reprise. Sandrine n’aurait jamais cru que c’était physiquement possible. Là encore elle en faisait des jalouses.

Ses parchemins, le jeune homme prenait toujours la peine de les monter au quatrième étage pour les glisser sous la porte plutôt qu’en bas dans la boite, tel un soupirant ne voulant pas éveiller l’attention du gardien. Pour son nouveau petit séjour, Amaury était parti un peu plus tôt que prévu. Il avait dégotté un covoiturage pas cher et un hébergement à l’œil, pile là où il voulait se rendre. Comme de coutume Marco l’accompagnait. Il n’avait pas eu le temps de la prévenir et s’en excusait, bien qu’ils se laissaient entière liberté l’un à l’autre.

Il serait entièrement à elle d’ici trois jours, et ne manqua pas de lui préciser quelques petites choses qu’il avait hâte de lui faire. En ce jour, le copain ne s’était pas encombré de langage ampoulé ou soutenu. La sincérité suffisait pour exciter considérablement sa belle, laquelle était allée jusqu’à se caresser en lisant. Après la signature, il s’était fendu d’un post-scriptum : « Tic tac tic tac… fais comme moi, compte les minutes qui nous séparent de lundi soir… ». Points de suspension qui en disaient long.

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